Le gouvernement veut relancer les bistrots ruraux : "En termes de santé publique, c'est assez désastreux"
Une association de lutte contre l'alcoolisme déplore la volonté du gouvernement d'attribuer gratuitement 10 000 autorisations de débit de boissons pour relancer les bistrots de campagne. "On peut promouvoir l'art de vivre" sans inciter les gens à consommer de l'alcool, défend son président.
"En termes de santé publique, c'est assez désastreux", a réagi vendredi 21 février sur franceinfo Bernard Basset, président de l'association nationale de prévention en alcoologie et addictologie, au sujet des bistrots de campagne que le gouvernement veut relancer. Le Premier ministre Édouard Philippe a annoncé jeudi la mise à disposition gratuite de 10 000 licences IV, qui permettent la vente de toutes les boissons. "Ce dont les campagnes ont besoin, c'est d'activité économique", a plaidé Bernard Basset.
franceinfo : Quel est votre regard sur ces bistrots que l'exécutif veut relancer dans les campagnes avec l'argument des licences gratuites ?
Bernard Basset : En termes de santé publique, c'est un message assez désastreux.
Ce que le Premier ministre dit, c'est : 'si vous manquez de tout dans les campagnes, il vous reste une seule chose, c'est de boire de l'alcool'.
Bernard Basset, président de l'association nationale de prévention en alcoologie et addictologieà franceinfo
D'autre part, le Premier ministre se réfère aux années 1960 en disant qu'il y avait 200 000 bistrots. Mais il ne faut pas oublier qu'on buvait 26 litres d'alcool pur par habitant et par an. Aujourd'hui, on en boit moins de la moitié, et on a déjà un des taux de consommations les plus hauts au monde. Avec les conséquences que connaît en termes de mortalité et de handicap.
C'est aussi assez inapproprié parce qu'on va autoriser ou favoriser la consommation d'alcool dans des zones où la voiture est le seul moyen de déplacement.
Bernard Basset
Donc, en termes de sécurité routière, alors que le Premier ministre en avait fait sa priorité il y a deux ans, c'est quand même assez curieux. Les gens vont conduire en ayant bu davantage et ils auront davantage d'accidents de la route. C'est assez mécanique. Le fait qu'on ouvre des lieux de convivialité dans les villages ne me choque pas, bien au contraire. Mais le fait qu'on incite à boire de l'alcool dans ces villages, par contre, ça m'inquiète beaucoup.
"Une table sans vin, c'est un peu triste", disait il y a quelques mois le président Emmanuel Macron. C'est un gouvernement qui a un problème avec l'alcool ?
C'est un gouvernement qui n'affronte pas les conséquences sanitaires de l'alcool. On le voit à chaque fois. Vous avez vu qu'au mois de janvier, il y a eu une mobilisation sociale importante avec ce défi de janvier, ce "Dry january" à la française, sans alcool, qui a mobilisé beaucoup de gens. On a vu que tout le monde était au courant alors que le gouvernement s'en est retiré. Donc, il y a au sein de la population, au sein de l'opinion, une réelle préoccupation des conséquences de l'alcool. Le gouvernement est en total décalage avec l'état de l'opinion et c'est vrai que souvent, ces décisions sont annoncées par le lobby [de l'alcool] lui-même.
Le fait de ne pas participer au "janvier sans alcool" a été annoncée par le lobby et non pas par le président.
Bernard Basset
On ne peut plus promouvoir aujourd'hui l'art de vivre dans les petits bistrots ?
On peut promouvoir l'art de vivre. Le problème, c'est que l'art de vivre lié à la consommation automatique d'alcool, c'est dépassé. C'est une autre époque. Qu'on boive de l'alcool en maîtrisant les risques, oui. Mais qu'on incite à boire, ce que va faire le Premier ministre en autorisant 10 000 licences IV sur l'ensemble du territoire, là, on est dans une autre époque. Ce dont les villages ont besoin, c'est l'activité économique. De lieux de vie où les gens puissent faire leurs courses. On a vu que le mouvement des gilets jaunes était lié à l'absence ou à la présence de supérettes dans le village. C'est ça, le problème à résoudre.
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