"Première année": le concours ultra-sélectif de médecine sous l’œil du cinéaste Thomas Lilti
Alors que le fameux "numerus clausus" pour les étudiants en médecine pourrait disparaître, le film Première année de Thomas Lilti sort mercredi en salles. Le réalisateur, lui-même médecin généraliste, met en scène deux étudiants confrontés à la violence de cette année qui débouche sur un concours ultra-sélectif.
Première année, qui sort en salles le mercredi 12 septembre, est un documentaire qui ne pouvait pas mieux tomber alors que le gouvernement envisage de réformer le numerus clausus, ce verrou qui empêche de nombreux étudiants d'atteindre la deuxième année de médecine.
Le film de Thomas Lilti est une plongée dans l'enfer de ce concours ultra-sélectif. "J'avais envie de montrer l'injustice que subissent tous ces étudiants", a confié, mardi 11 septembre sur franceinfo, le réalisateur, lui-même médecin, auteur déjà de deux documentaires sur le monde médical, Hippocrate (2014) et Médecin de campagne (2016). Première année montre la réalité d'un concours impitoyable et inhumain : "Il ne faut pas être surpris que par la suite les médecins ont une forme de carapace, de violence", estime-t-il.
franceinfo : Pourquoi avoir fait un troisième film sur la médecine ?
Thomas Lilti : J'ai surtout voulu faire un film sur l'université, sur les étudiants. J'ai ancré cela dans ce que je connais le mieux : la Paces, la première année commune des études de santé, mais dans le fond, on peut retrouver cela dans toutes les filières universitaires ou les préparations aux grandes écoles. J'avais envie de montrer l'injustice que subissent tous ces étudiants qui arrivent après le bac pour faire des études supérieures et finalement, on leur met beaucoup de bâtons dans les roues parce qu'on va leur dire qu'il n'y a pas de place pour tout le monde. Voire même qu'il n'y a de place pour presque personne, notamment en médecine où 80% des étudiants vont être éliminés. Pour les éliminer, on a mis en place progressivement, au fil des années, un concours complètement déconnecté de la pratique médicale où la seule solution pour y arriver est le bachotage.
L'esprit de compétition exacerbé domine dans votre film...
On est obligé de se mettre en rivalité, en compétition. On stimule cet esprit de compétition chez des jeunes gens de 18-19 ans. On se dit que pour former des futurs médecins, on ferait mieux de stimuler des qualités humaines un peu plus nobles.
Suffit-il de travailler pour y arriver ?
Il y a un déterminisme social. Il faut savoir qu'un élève sur deux en deuxième année de médecine a un de ses deux parents médecin. Ce n'est pas le cas en première année (...) Pour réussir, il suffit de travailler, mais on n'est pas tous égaux face au travail. Le film raconte ça aussi. Comment deux copains ne se retrouvent pas avec les mêmes armes au départ.
Cette expérience vous a-t-elle traumatisé ?
Oui. J'ai connu toutes ces études de médecine. Cette première année notamment. J'en ai en partie souffert, et je me suis rendu compte qu'elle était traumatisante même pour ceux qui réussissent. Il ne faut pas être surpris que par la suite, les médecins ont une forme de carapace, de violence, cet esprit de compétition qu'on leur reproche souvent. C'est ce besoin de se classer par rapport aux autres. Les spécialistes se sentent supérieurs aux généralistes, les médecins hospitaliers par rapport aux libéraux. On a un problème avec la formation des médecins aujourd'hui.
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