: Témoignages "Que le patient soit d'accord ou pas, qu'il paye plus cher" : Clinea, une filiale du groupe Orpea, accusée de maltraitances à son tour
Coûts exorbitants des séjours, suivi médical faible, nourriture et protections hygiéniques rationnées... La branche spécialisée dans les soins de suite et la psychiatrie souffre des mêmes dysfonctionnements que sa maison mère, affirment un ancien résident et des employées que franceinfo a interrogés.
Un an après, Michel Lavollay est encore éprouvé par son séjour de dix semaines dans une clinique Clinea du Var, spécialisée dans les soins de suite : "Un facteur qui m'a touché de plein fouet, c'est la déshumanisation de la personne que j'étais." Le médecin se remet alors difficilement d’un Covid-19 très sévère. Il a perdu 35 kilos et espère trouver un peu de réconfort dans l'établissement géré par cette filiale d'Orpea, bien avant que n'éclate le scandale sur la maltraitance dans les Ehpad du groupe.
Le patient est d'abord un client
Michel Lavollay se retrouve isolé dans un service de gériatrie avec d’autres patients aux pathologies très lourdes, "Alzheimer, des personnes très très délabrées". "En rééducation, je faisais à peine une séance par jour qui était largement insuffisante, raconte-t-il.
"Infirmières ou aide-soignantes, il y avait chroniquement un manque de personnel, en particulier la nuit. J'ai progressivement compris qu' il y avait des dysfonctionnements structurels."
Michel, ancien résident Clineaà franceinfo
Ces "dysfonctionnements" dans les cliniques Clinea - dont certaines sont dédiées aux soins psychiatriques - sont dénoncés par plusieurs patients ou leurs familles mais aussi par des employés. Une jeune aide-soignante, employée dans un établissement francilien et qui se fait appeler Latifa, raconte comment la nourriture et les protections médicales sont rationnées. Selon elle, le patient est d’abord un client : "C'est de l'hôtellerie sur de la santé. Un patient qui est en chambre double s'il souhaite rester en chambre double, mais qu'on s'aperçoit que la mutuelle prend en charge la chambre seule, et bien on va tout de suite aller le voir pour le mettre en chambre seul, qu'il soit d'accord ou pas, qu'il paye plus cher."
Un patient qui lui, le matin, a besoin de cinq tranches de pain de mie, le chef-cuisinier va estimer que c'est beaucoup trop et on va réduire.
Latifa, aide-soignante chez dans une clinique Clineaà franceinfo
"Par rapport aux protections, poursuit Latifa, quand on arrive en fin de commande, comme ils ont fait tellement au strict minimum, on se retrouve avec parfois zéro protection. Donc, des fois, des patients qui vont mettre des protections en taille M, on va leur mettre du XL. Sauf que ça ne va pas du tout, ça déborde de partout, c'est honteux."
"Bien sûr qu'on se sent maltraitant"
Une autre aide-soignante, ex-employée Clinea et qui tient aussi à rester anonyme nous décrit les mêmes procédés. Elle vient de démissionner après avoir passé deux ans dans une clinique de la filiale à de Lyon, après le suicide d’un patient : "C'est un geste de désespoir qui n'a pas été pris en charge. Il est rentré une semaine, en une semaine où il a eu trois psychiatres différents."
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La quinquagénaire a eu le sentiment d’être maltraitante, malgré elle. "Bien sûr qu'on se sent maltraitant. Bien sûr qu'on a la culpabilité de ne pas pouvoir prendre en charge le patient qui pleure. Équipe de deux pour 71 patients, prise en charge dans la nuit en psychiatrie..., j'étais choquée."
"Des incidents peuvent survenir", dit la direction de Clinea contactée par franceinfo. Quand c’est le cas, la filliale d’orpéa dit apporter des explications aux familles, informer les autorités de contrôle, et prendre toutes les mesures pour y remédier.
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