"Des semaines de 85 à 90 heures" : quand la pénurie de gynécologues fait exploser le temps de travail
Prise de rendez-vous compliquée pour les patientes, surcroît de travail pour les médecins : peu de villes échappent à la pénurie de gynécologues. Exemple à Stains, dans une clinique qui ne parvient pas, depuis deux ans, à pourvoir un poste.
Depuis la loi Neuwirth autorisant l'accès à la contraception, il y a cinquante ans, la prise en charge des femmes s'est développée. Mais la pénurie de gynécologues en France pose des problèmes, entre les difficultés pour la prise d'un rendez-vous rapide et les complications pour pourvoir un poste de médecin. Illustration dans une clinique privée de Stains, en Seine-Saint-Denis.
Choisir son gynéco : mission difficile
Dans la salle d'attente, Cassandre attend de consulter son gynécologue. Elle est venue depuis Paris pour son rendez-vous avec un médecin, qu'elle a choisi. "C’est tellement intime pour nous les femmes que pour moi, c’est primordial d’avoir un bon gynécologue, à mon écoute, et qui a un bon traitement de ses patientes", dit-elle. Mais le choix tourne à l'impossible. Selon une enquête du quotidien Le Monde, le nombre de gynécologues a chuté de plus de 41% en France, entre 2007 et 2017. Pour décrocher une consultation, il faut s'armer de patience. Le docteur Dominique Drouin confirme la difficulté. "Mon carnet de rendez-vous est à peu près plein sur un mois. En province, ça doit être pire", dit-il, estimant certaines mesures sans effet.
À un moment, on a voulu mettre le métier de gynécologue entre les mains des généralistes. Ça ne marche pas si bien que ça parce que je ne pense pas que les femmes aient envie de se faire examiner intimement par un médecin généraliste.
Dominique Drouin, gynécologue à Stainsà franceinfo
Paris, Neuilly-sur-Seine ou certaines grandes agglomérations comme Bordeaux, Marseille ou Nice s'en sortent relativement bien, mais pour des honoraires bien supérieurs aux 30 euros remboursés par l'assurance-maladie. En revanche, le Centre, l'Est, le Nord ou la pointe bretonne sont désertés. La situation est compliquée aussi en banlieue parisienne.
La vaine recherche de remplaçants
À Stains, le docteur Dieudonné Ekoukou, qui revient d'un accouchement, constate que si "en France, on du mal à avoir un gynécologue, dans le 93 [Seine-Saint-Denis], c'est encore pire". Ce gynécologue n'a guère d'espoir de changement, en raison, dit-il, d'une spécialité est "très astreignante, avec des horaires de nuit", et une moyenne de "85 à 90 heures par semaine". Les bons jours, dit-il, c'est 12 heures. Il faut y ajouter deux gardes de nuit par semaine et par gynécologue dans cette clinique.
Le docteur Drouin, 65 ans, le reconnaît, "il faut s'accrocher". Tous ses confrères autour de lui ont plus de 50 ans, explique-t-il, et deux sont même plus âgés que lui. De 1987 à 2003, l'Etat a fermé la spécialité et ne l'a rouverte qu'avec un numerus clausus de quelques dizaines de nouveaux gynécologues par an. C'est insuffisant pour remplacer les départs. C'est ce que vit cette clinique depuis le départ en retraite d'un gynécologue, il y a deux ans, explique le docteur Ekoukou.
On a cherché, on a publié le poste, le directeur se bat pour trouver, mais on ne trouve pas.
Dieudonné Ekoukou, gynécologue à Stainsà franceinfo
Pour pallier le manque de gynécologues, l'Etat compte sur les sages-femmes qui reçoivent une formation de cinq ans, afin d'assurer le suivi des patientes. Mais les actes médicaux plus lourds devront toujours en passer par des médecins.
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