#MeToo à l'hôpital : "Le mal qui touche la profession est plus profond et global", dénonce la vice-présidente du syndicat des Jeunes médecins

La docteure Anna Boctor déplore la persistance de nombreuses "discriminations envers les femmes", notamment "dans l'accès aux carrières".
Article rédigé par franceinfo
Radio France
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De nombreux soignants prennent la parole pour dénoncer des violences sexistes et sexuelles au sein de l'hôpital. (photo d'illustration) (CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP)

"Le mal qui touche la profession est, depuis toujours, un mal bien plus profond et global", dénonce samedi 13 avril sur franceinfo la docteure Anna Boctor, vice-présidente du syndicat des Jeunes médecins. Un mouvement #MeToo émerge dans le milieu de la santé avec les accusations de harcèlement sexuel et moral pesant sur l'urgentiste Patrick Pelloux et portées par l'infectiologue Karine Lacombe. Anna Boctor, pédiatre qui exerce dans les Alpes-Maritimes, déplore la persistance de nombreuses "discriminations envers les femmes", notamment "dans l'accès aux carrières".

Dans les colonnes de Paris Match, Karine Lacombe qualifiait mercredi le président de l'Association des médecins urgentistes de France de "prédateur sexuel" au "comportement empreint de domination sexuelle". Depuis, de nombreux soignants prennent la parole pour dénoncer des violences sexistes et sexuelles au sein de l'hôpital, Anna Boctor rappelle qu'il y a toujours eu des témoignages ou "des demandes d'aides auprès du service juridique" de son syndicat. Elle évoque par exemple des "soirées étudiantes où il n'y a pas de consentement" ou "des paroles et gestes déplacés" de la part de patients.

"Omerta"

En 2020, elle cosignait avec "plus de 300 médecins" une tribune dans Le Monde, dans laquelle elle relayait sa propre expérience. "À l'époque, ça avait fait un peu de bruit dans le milieu, mais pas médiatiquement comme aujourd'hui", affirme-t-elle. Elle explique que si depuis quelques jours on assiste à de multiples messages sur les réseaux sociaux sous le hashtag #MeToohopital, c'est parce que les accusations visant Patrick Pelloux "concernent deux personnalités connues". Anna Boctor regrette qu'auparavant les choses n'aient "pas bougé" parce qu'elles n'étaient "pas vraiment crues". Elle se souvient ainsi que lors d'un entretien "avec les représentants de la Fédération hospitalière de France (FHF)" on lui "a tout simplement rétorqué que les femmes faisaient carrière comme les hommes et ne souffraient pas de discrimination". "Si jusqu'à présent on n'était pas écoutées, c'est en raison de cette omerta", déplore-t-elle.

Une profession "historiquement masculine"

L'omniprésence de ces violences au sein du milieu hospitalier peut s'expliquer, selon Anna Boctor, par le fait que la profession soit "historiquement masculine", même si "elle se féminise d'année en année". "Les pouvoirs sont entre les mains des hommes", soutient la pédiatre. Elle assure qu'il y "a beaucoup d'entre soi" au sein de la profession et que beaucoup d'hommes "se protègent les uns les autres".

"Les femmes ont du mal à parler à visage découvert, de manière non anonyme parce qu'elles craignent pour leur carrière."

Anna Boctor, du syndicat des Jeunes médecins

sur franceinfo

La pédiatre évoque également un certain "conditionnement" qui date du début des études de médecine. "Dès nos 18 ans, nous sommes assez dociles, on exécute ce qu'on nous demande", décrit-elle. La vice-présidente du syndicat des Jeunes médecins estime ainsi que "cette servilité de la profession, ce conditionnement dès le début des études est un terreau parfait pour l'omerta". Anna Boctor espère donc que la médiatisation de ce #MeToo à l'hôpital permettra de "faire bouger les choses du côté du gouvernement".

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