"On aimerait être reconnus comme des médecins à part entière" : sans les étrangers, les hôpitaux ne passeraient pas l'été
Pour pallier la pénurie de médecins, un rapport sur la crise des urgences hospitalières préconise de stabiliser la situation administrative des médecins étrangers au moins pour cet été. En ville ou à l'hôpital en France, un médecin sur quatre est né à l'étranger.
Mouna est tunisienne, Jafar est algérien : ils sortent de 24 heures de garde aux urgences de l'hôpital de Montfermeil (Seine-Saint-Denis). "Notre interne, qui était de garde avec nous, vient de Tunisie aussi, explique Jafar. Donc on était tous les trois pour gérer les urgences cette nuit." Mouna renchérit : "La réanimatrice de garde, c'était une Tunisienne, et le radiologue est tunisien aussi !"
Début juin, le docteur François Braun, président de Samu-Urgences de France, était chargé par Emmanuel Macron et Elisabeth Borne d'une mission flash : rédiger un rapport sur la situation de crise des urgences hospitalières. Les conclusions, remises jeudi 30 juin, ont proposé plusieurs idées pour réussir à passer l'été. Parmi elles, une solution pour pallier la pénurie de médecins : stabiliser la situation administrative des médecins étrangers, au moins pour cet été. En effet, ce sont eux qui tiennent l'hôpital à bout de bras pendant cette période de congés, et qui déjà le font tourner le reste de l'année, malgré leur statut précaire. Algériens, Tunisiens, Marocains, Guinéens, aux urgences, sur 20 médecins, ils sont une quinzaine à avoir obtenu leur diplôme à l'étranger. "Vous y trouvez beaucoup de médecins étrangers, confirme Jafar. Ça veut dire que beaucoup de médecins français ne veulent plus travailler là. Les urgences, c'est pénible, et c'est usant !"
Payés un quart voire un cinquième du salaire de leurs collègues
Ces médecins étrangers sont aujourd'hui indispensables à l'hôpital. Cet été, à Montfermeil, contrairement à de nombreux services d'urgences, il n'y aura pas de problème de planning, ni besoin de recourir à des intérimaires. L'équipe est stable et soudée, certains médecins étrangers y exercent depuis dix ans. Et pourtant, leur statut est toujours précaire, dénonce Haifa, franco-tunisienne diplômée de médecine en Tunisie.
"Sur le plan pratique, nous sommes la première ligne, nous sommes les urgences, nous sommes le bloc opératoire, nous sommes la réanimation, nous sommes tout l'hôpital. Mais quand il s'agit de statut, c'est non."
Haifa, médecin franco-tunisienneà franceinfo
"On occupe le même poste que les praticiens hospitaliers avec un diplôme français, explique Haifa, nous exerçons les mêmes fonctions sauf que nous sommes payés un quart voire un cinquième du salaire. Par exemple, si on considère le salaire d'un praticien hospitalier avec une moyenne de 8 000 euros, nous aurons le salaire de base de 2 200 ou 2 500 euros."
La loi permet à ces médecins étrangers qui ont déjà exercé au moins deux ans à l'hôpital en France d'obtenir une autorisation d’exercice définitive. "Il y a des commissions qui doivent traiter nos dossiers et ça traîne, explique Jafar. On ne comprend pas pourquoi ça traîne depuis si longtemps. Mouna, par exemple, ça traîne depuis quatre ans !" Et il conclut : "La première vague du Covid, on était déjà là auprès des patients. On sera encore là cet été, mais on aimerait juste être reconnu comme des médecins à part entière."
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