Crise des urgences : ce que l'on sait de la "mission flash" confiée par Emmanuel Macron à l'urgentiste François Braun
L'Elysée a commandé un nouveau rapport sur le manque de moyens à l'hôpital pour la fin juin. Des soignants accusent le président de tarder à réagir et de vouloir gagner du temps à l'approche des législatives.
Une "mission d'urgence" sur les urgences confiée à un urgentiste. Le président de la République, Emmanuel Macron, a annoncé mardi 31 mai le lancement d'une "mission flash" d'un mois visant à apporter "dès cet été" des solutions à la crise des services d'urgences à l'hôpital. Il a confié ce travail à François Braun, le président du syndicat Samu-Urgences de France (SUdF), qui dénonçait récemment une situation "catastrophique" liée à un "manque de moyens" et un "manque de personnel". Voici les contours de cette commande "d'appui" à l'exécutif.
Un rapport pour "consolider" les urgences cet été
Reconnaissant une "vraie difficulté de court terme" touchant les soins non programmés, le chef de l'Etat compte, grâce à cette mission, pouvoir "apporter des réponses très fortes pour consolider nos urgences" durant la période estivale. D'où ce délai serré de quatre semaines, d'ici au 28 juin, quand devra être remis un rapport pour "expliquer, territoire par territoire, là où sont les manques, de pouvoir les chiffrer et de pouvoir illustrer les premières pistes".
"On a besoin de rendre cette [crise des urgences] objective, parce que la situation est très différente selon les territoires."
Emmanuel Macronlors d'une visite à l'hôpital Pasteur de Cherbourg
La feuille de route a été précisée, mardi soir, dans une lettre de mission signée par Brigitte Bourguignon, la nouvelle ministre de la Santé. Sans se cantonner aux seuls services d'urgences, François Braun devra plancher sur la "crise plus large et plus profonde" en matière d'accès aux soins non programmés en France, "qu'ils soient courants ou urgents, en ville comme à l'hôpital". Il sera aussi chargé d'"identifier les dysfonctionnements" et de proposer des solutions "rapidement applicables" pour "maintenir la continuité de l'accès aux soins urgents dans les mois qui viennent".
Dans sa lettre de mission, François Braun est également "invité" à penser sur le long terme et "à identifier des pistes plus pérennes afin de solidifier durablement l'accès à des soins urgents et non programmés sur l'ensemble du territoire". Ce volet servira à alimenter la "révolution collective" du système de santé souhaitée par Emmanuel Macron. Dès cet été, un plan d'investissement et des "décisions structurantes" seront annoncées, a promis le chef de l'Etat. Les professionnels, les élus et les associations de patients seront ensuite appelés, dans chaque intercommunalité, à "travailler ensemble" pour "bâtir des solutions très concrètes", "en quelques mois", avec la promesse de moyens supplémentaires.
Un médecin macroniste chargé de le rédiger
La mission sera pilotée par le professeur François Braun, "qui est à la fois un professionnel et un grand expert des Samu et des systèmes d'urgence en France", selon Emmanuel Macron. A bientôt 60 ans, ce fils d'un médecin-chef des pompiers (et descendant d'une lignée de médecins militaires) est le chef des urgences du centre hospitalier régional de Metz-Thionville (Moselle). Durant la crise du Covid-19, ce pionnier de la médecine d'urgence a été l'une des têtes pensantes des transferts par TGV de patients en réanimation vers les régions moins touchées, et même à la manœuvre lors d'une évacuation de patients par avion entre Tahiti et l'Hexagone.
Depuis 2014, François Braun est aussi le président du syndicat Samu-Urgences de France. Cette organisation professionnelle a contribué, ces dernières semaines, à alerter sur la saturation des urgences. C'est elle qui a révélé, le 20 mai, qu'environ 120 de ces services avaient été ou allaient être forcés de fermer à certaines heures ou de filtrer les patients à l'entrée, faute de soignants. Dans la foulée, elle avait averti le gouvernement d'un risque de "désastre sanitaire" cet été.
Enfin, François Braun est un allié politique d'Emmanuel Macron. Il "nous avait déjà aider à bâtir le SAS", a rappelé le chef de l'Etat au sujet du Service d'accès aux soins, une plateforme initiée en 2019 pour soulager les urgences, qui est toujours en cours de déploiement. Cet hiver, l'urgentiste messin est devenu l'un des trois référents chargés d'élaborer le programme santé du candidat Macron. Cet engagement politique avait suscité des remous au sein de l'intersyndicale à laquelle appartient Samu-Urgences de France, selon le site spécialisé La Lettre de la santé.
Une réception mitigée chez les soignants
Le lancement de cette mission ne fait pas l'unanimité dans la profession. "C'est maintenant qu'il faut prendre des décisions", s'indigne Christophe Prudhomme, porte-parole de l'Association des médecins urgentistes de France (Amuf), sur franceinfo. "Emmanuel Macron essaye de repousser l'échéance au-delà des législatives avec un énième rapport", accuse ce conseiller régional LFI en Ile-de-France.
Un reproche partagé au sein même du syndicat de François Braun : "Nous avons l’impression que le président joue la montre. (...) Plutôt que de prendre les mesures qui s'imposent, il dit attendre le rapport d'une nouvelle mission", déplore le vice-président de Samu-Urgences de France Jean-François Cibien, dans Libération.
>> Pour François Braun, "l'objectif, c'est que ce ne soit pas un énième rapport"
D'autres urgentistes rappellent l'urgence de la situation. Pour cet été, "il est déjà trop tard", juge Mathias Wargon, chef des urgences et du Smur de l'hôpital Delafontaine de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), sur France Inter. D'ici un mois, à la remise du rapport, "l'été aura commencé et on va se retrouver avec des embouteillages monstres au niveau des urgences", redoute Patrick Pelloux, président de l'Amuf, sur BFMTV. "Si pour peu, hélas, que nous ayons une canicule, je ne sais pas comment on va faire."
La mission confiée à François Braun est même perçue avec appréhension par certains paramédicaux. "Une nouvelle mission pour quoi faire ? (...) J'ai plus de craintes que d'espoir", confie l'infirmier Pierre Schwob Tellier, membre du Collectif inter-urgences, sur franceinfo. "S'il s'agit de proposer des restrictions d'accès aux soins, avec une régulation de l'accès aux urgences par le 15, comme le préconise [Samu-Urgences de France], nous y sommes totalement opposés", prévient un autre membre du collectif, Fabien Paris, dans Le Monde.
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