"Mission flash" sur les urgences : "Emmanuel Macron essaye de repousser l’échéance au-delà des législatives avec un énième rapport"
Le porte-parole de l’Association des médecins urgentistes de France estime qu'Emmanuel Macron est largement responsable de la situation dans les hôpitaux.
Le porte-parole de l’Association des médecins urgentistes de France et conseiller régional France insoumise d'Ile-de-France, Christophe Prudhomme, estime mercredi sur franceinfo que la "mission flash" lancée par Emmanuel Macron constituera un "énième rapport". Le président de la République "essaye de repousser l’échéance au-delà des législatives avec un énième rapport", selon l'urgentiste.
franceinfo : Comment faire pour que ce ne soit pas un rapport de plus sur l'hôpital ?
Christophe Prudhomme : Le diagnostic est connu. Moi je suis urgentiste, quand le diagnostic est connu il faut administrer le plus rapidement possible le traitement. Il n’y a pas besoin d’autopsie dans ce cas. Emmanuel Macron est largement responsable de la situation présente. La difficulté aujourd’hui est que les personnels quittent l’hôpital, le Ségur n’a absolument pas répondu aux attentes. Ce qui encombre aujourd’hui les urgences, ce sont les 20% de patients que l’on doit hospitaliser et pour lesquels on n’a pas de lit. Or, tous les projets de restructuration d’hôpitaux prévoient des suppressions de lits. Depuis cinq ans, y compris en pleine épidémie de Covid, des lits ont fermé, 17 000 ont été fermés en cinq ans. Tout ça est connu. En 2019, nous étions déjà dans la rue, comment être entendu aujourd’hui alors qu’Emmanuel Macron essaye de repousser l’échéance au-delà des législatives avec un énième rapport.
Ce rapport sera inutile selon vous ?
Je connais Monsieur François Braun, en charge de la rédaction du rapport et président de Samu-Urgences de France, on mélange les genres. Il représente un syndicat professionnel, il a été conseiller santé du président, il nous a vendu le service d’accès aux soins en début d’année. Comment pouvons-nous avoir confiance dans ses propositions ?
Que faut-il faire selon vous ?
Il faut absolument maintenir les services d’urgence ouverts. Je travaille dans un Samu, si on demande aux patients qui n’ont pas accès aux urgences d’appeler le Samu, les Samus vont exploser. Quand les standards sont encombrés, un appel pour un arrêt cardiaque, si on met 10 minutes pour décrocher, c’est une catastrophe. Il faut réellement que l’on soit entendu, il faut immédiatement remplir les écoles avec des étudiants qui seront sur le terrain d’ici un an pour les aides-soignants, dans trois ans pour les infirmières et il faut que pour les médecins, le travail soit partagé entre tous les médecins, c’est-à-dire qu’il faut rétablir l’obligation de la garde pour l’ensemble des médecins. Si la charge de travail la nuit, le week-end et les jours fériés est répartie sur l’ensemble des médecins, on pourra passer le cap d’ici 2030, en espérant toujours avoir plus de médecins disponibles d’ici là. Ce qui risque de ne pas être le cas : cette année, rentrent en médecine 10 000 étudiants, on n’a pas supprimé le numerus clausus donc ça fait 10 000 étudiants qui seront médecins en 2030, c’est le même nombre qu’en 1975. A un moment donné, il faut que le président de la République cesse d’être dans le déni, écoute le terrain et n’essaye pas de repousser en permanence le vrai débat.
Comment envisagez-vous la période estivale pour les services d’urgence ?
Ça va être catastrophique. On va rendre un rapport début juillet mais c’est maintenant qu’il faut prendre des décisions. Pourquoi est-ce que l’on n’arrive pas à trouver du personnel soignant de nuit ? La prime de nuit pour les agents hospitaliers, c’est 1,07 euro brut de l’heure. On ne valorise pas la nuit. Nous avons entre 150 et 200 000 infirmières en âge de travailler qui ont abandonné le métier. Une des causes c’est la perte de la pénibilité qui permettait aux personnels soignants de profiter d’une retraite anticipée, cela a été perdu. Aujourd’hui, l’objectif des restructurations dans les hôpitaux c’est de supprimer des jours de RTT, c’est de demander au personnel de ne pas prendre plus de quinze jours de vacances cet été comme l’a fait Martin Hirsch [directeur général du groupement hospitalier d'Ile-de-France] pour les hôpitaux de Paris. Comment voulez-vous que le système tienne ? Ce n’est pas possible.
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