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Vous vous sentez trop gros(se) et moche ? Détrompez-vous !

Une étude souligne le poids des normes de beauté dans la perception de notre corps. Explications. 

Article rédigé par Julie Rasplus
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Les normes corporelles influencent notre perception de notre corps, signale une étude parue le 23 octobre 2013. (GHISLAIN AND MARIE DAVID DE LOSSY / GETTY IMAGES)

Pas la peine de le nier : ce matin, devant le miroir, ce n'était pas la joie. Un kilo en plus par rapport à hier (la faute aux bières) et ce bourrelet très agaçant… Vous vous êtes trouvé(e) trop gros(se) et moche. Votre jugement est-il vraiment objectif ? Pas sûr, suggère l'Institut national des études démographiques dans une étude sur les normes corporelles dans le monde, publiée mercredi 23 octobre. L'occasion pour francetv info de lister les facteurs jouant sur la perception de soi. 

Des canons de beauté très fluctuants

Oui, les normes esthétiques nous collent à la peau. Mais elles varient selon les pays. Etre corpulent en Irlande sera moins difficile à vivre qu'en Corée du Sud : les Irlandais préfèrent en effet les corps charnus (56% pour les hommes et 54% pour les femmes), quand les Sud-Coréens choisissent une silhouette mince (69% pour les hommes et 70% pour les femmes).

Ces normes tiennent de facteurs géographiques et économiques. "Par exemple, on préfère un indice de masse corporelle (IMC) corpulent dans les pays où les ressources naturelles manquent", explique à francetv info Sophie Cheval, psychothérapeute spécialisée dans les souffrances liées à l'apparence physique. En Malaisie, les femmes rurales préfèrent "un homme plus gros et plus charpenté", qui montre qu'il a accès aux ressources. Alors que les citadines optent pour un corps masculin plus mince, "plus conforme aux modèles qu'elles ont sous les yeux". Dans les pays occidentaux, la situation économique joue aussi. "Dans les périodes de disette, les hommes préfèrent les femmes plus rondes", fait remarquer Sophie Cheval, auteure de Belle autrement ! En finir avec la tyrannie de l'apparence (Armand Colin, 2013).

La plaie d'être une femme en France

Les normes corporelles varient également selon les sexes. En France, on aime la minceur au féminin (52%) mais on recherche des hommes corpulents (62%). Une tendance commune à bien des pays occidentaux, mais plus accentuée chez nous. "Le problème de la France est qu'elle est censée incarner la femme élégante. Ce cliché est très présent à travers le monde", regrette Sophie Cheval. "C'est la caricature d'Inès de la Fressange, le fameux mythe de la Parisienne. La femme française est issue d'un milieu favorisé, et la minceur est son credo car elle n'a pas à se préoccuper de ses ressources." 

Etre plus grosse (lâchons le mot) est d'autant moins supporté que "l'idéal français de silhouette féminine est très mince par rapport à l'IMC moyen des femmes, établi à 24", rappelle le sociologue Thibaut de Saint Pol, co-auteur de l'étude de l'Ined contacté par francetv info. Conséquence : les femmes veulent être toujours plus minces, afin de coller à une certaine idée du "corps parfait". "Cela peut expliquer pourquoi six Françaises sur dix disent vouloir faire un régime."

Des messages de santé culpabilisants

La société ne nous aide pas non plus à lever le nez de notre nombril. "La minceur est la beauté, et vice-versa", note Sophie Cheval, qui énumère "un tas de messages implicites" nous invitant donc à surveiller notre ligne. "Prends soin de toi" ou "évitez de manger gras, salé, sucré" sont autant d'injonctions culpabilisantes qui ne disent qu'une chose, selon elle : "On doit bannir tout ce qui nous ferait prendre du poids."

Et tout le monde est concerné. "La pression sur les femmes est en train de devenir la même pour les hommes", estime la psy, qui constate une augmentation des troubles alimentaires chez les hommes. "Eux aussi ont droit à des injonctions paradoxales. Il faut qu'ils aient un corps gracile, comme les mannequins, mais avec des muscles, comme Daniel Craig", s'étonne-t-elle. D'où le poids de l'activité physique, érigée en règle. "Il y a une question de responsabilité qui s'ajoute à tout cela, explique Thibaut de Saint Pol. La pensée est : 'On a le corps qu'on mérite'. Il faut se bouger, sinon c'est de notre faute."

Intraitable avec soi-même

Et c'est sans compter notre propre jugement, souvent bien plus cruel que celui des autres. "Nous sommes des juges beaucoup plus sévères de notre beauté que de celle des autres", explique Sophie Cheval. La preuve avec cette campagne saisissante de la marque Dove, relayée par le blog Dans vos têtes

"Seules 2% des femmes utilisent l'adjectif 'belle' quand il s'agit de se décrire", note Sophie Cheval. Elle cite aussi une expérience basée sur des photos d'identité : "Un tiers de l'échantillon a reçu une note de 4/5 et moins de 2% ont été considérées comme 'canon' ou 'laideron'." Alors pourquoi tant de haine envers soi ? "Mon hypothèse est qu'on se concentre sur nos défauts physiques, dit la psychothérapeute. Les qualités, on les prend pour argent comptant. On se dit 'oui, j'ai de beaux yeux, mais je n'ai rien fait pour, c'est comme ça depuis ma naissance'. On les fait passer au second plan parce qu'on y est habitué." 

Les défauts, eux, nous crèvent les yeux. Mais qu'on se rassure : "Personne n'a le sentiment d'être 'conforme' aux canons de beauté qu'on nous inflige. Parce que c'est impossible."

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