Au Royaume-Uni, la prescription de l'homéopathie sur la sellette
Délivrés dans des conditions identiques, un traitement d'homéopathie et un jeu de pilules placebo aboutissent strictement au même résultat clinique - ainsi que l'ont démontré des centaines d'études indépendantes réalisées sur des décennies. L'absence d'efficacité propre de cette pratique est aujourd'hui avérée.
Pourtant, le gouvernement britannique a récemment refusé d'ajouter les produits homéopathiques à la liste noire de la NHS, qui détaille les produits que les médecins affiliés au système de santé publique ne peuvent prescrire, afin de ne pas gaspiller l'argent public.
Les critères d’inclusion dans cette liste étant limpides[1], une association de défense de l'esprit critique Good Thinking Society (GTS) s'était alors étonnée de cette "faveur" accordée à l'homéopathie - d'autant plus que le gouvernement était parfaitement au fait des connaissances sur ce dossier[2].
Mais le lobbying des laboratoires qui commercialisent des produits homéopathiques, comme celui de certains médecins (formés dans les universités à l'homéopathie, en dépit de la moindre assise scientifique de cette discipline) et pharmaciens, est intense. Et de nombreuses personnalités influentes -jusqu'au prince Charles - appuient ce très juteux commerce [3].
Au terme d'une année d'infructueux échanges avec le ministère de la Santé, la Good Thinking Society a menacé la NHS d'un contrôle judiciaire.
"Il ne s'agit pas ici d’être « anti-homéopathie », mais bien d'être pro-patients", a déclaré dans un communiqué le fondateur de la GTS, Simon Singh, par ailleurs journaliste scientifique. "Cet argent pourrait être consacré à des médicaments qui fonctionnent".
Selon l’avocat de la GTS, Jamie Potter, "le refus d'ajouter les remèdes homéopathiques à la liste noire de la NHS ne représente pas seulement une violation des obligations légales du Département de la Santé, mais également l’échec de la NHS à garantir que ses fonds soient dépensés pour des traitements qui peuvent réellement aider [à la guérison] des patients."
Le docteur Helen Beaumont, présidente de la faculté britannique d'homéopathie, a déclaré pour sa part qu'il était "déroutant de constater qu'à un moment où le NHS est confronté à une crise de financement par le ministère de la Santé, il se lance dans une consultation coûteuse qui pourrait empêcher des cliniciens hautement qualifiés de prescrire un traitement qui profite à des milliers de patients chaque année".
[1] Pour être recommandé par la NHS, un médicament doit avoir prouvé son efficacité, sa rentabilité ; si des alternatives moins chères existent, et si le médicament est largement commercialisé, en vente libre, la NHS peut proscrire la prescription.
[2] En 2010, un rapport du comité des sciences et des technologies de la Chambre des communes avait conclu que les remèdes homéopathiques n’avaient pas de bénéfices supérieurs à ceux de pilules placebo, et qu’ils ne devaient pas être remboursés par la NHS.
[3] Selon la NHS, les Britanniques débourseraient chaque année plus de 5 millions de livres sterlings (plus de 7 millions d’euros) en produits homéopathiques. Comme le remarquait récemment le professeur Edzard Ernst, spécialiste des médecines alternatives, le coût pour la société britannique est beaucoup plus élevé si l’on prend en compte les sommes dépensées pour la formation des homéopathes, et le temps alloué aux consultations. Des coûts additionnels, non négligeables, s’ajoutent si la pathologie pour laquelle le patient consulte un homéopathe ne se résorbe pas naturellement, et qu’un traitement efficace doit finalement être prescrit - traitement potentiellement plus coûteux, si la maladie a empiré.
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