"Les médicaments homéopathiques n’ont jamais apporté la preuve de leur efficacité"
Bientôt déremboursée, l’homéopathie ? C’est en tout cas ce que laisse espérer, pour certains médecins, la publication, le 17 mars, d'un nouveau décret au Journal officiel. Le texte fixe en effet un cadre réglementaire pour que ces médicaments soient enfin évalués par la Haute autorité de santé (HAS). Si celle-ci juge qu’ils ne sont pas efficaces, ils ne seront plus pris en charge par la Sécurité sociale. Certains sont en effet remboursés à hauteur de 30%, ce qui est vivement dénoncé par une grande partie de la communauté scientifique. 124 médecins, regroupés dans un collectif, ont d'ailleurs signé une tribune au vitriol contre ce qu’ils appellent des "fake meds" il y a un an.
Pour en parler, Le Magazine de la Santé a reçu un des signataires de cette tribune, le Dr Mathieu Calafiore, médecin généraliste et membre du collectif FakeMed.
- Ce décret annonce-t-il la fin du remboursement de l’homéopathie ?
Dr Mathieu Calafiore, membre du collectif FakeMed : Ce texte permet en tout cas une évaluation scientifique de l’efficacité de l’homéopathie par la HAS, ce qu’on demande depuis le début. Et toutes les études qu’on a pu consulter sur le sujet ont montré qu’il n’existait qu’une petite efficacité placebo. Cela ouvre donc la voie au déremboursement. Mais nous ne demandons pas l’interdiction de l’homéopathie : les patients qui voudront continuer à se soigner avec ces méthodes pourront le faire sur leurs deniers personnels.
- L’efficacité, les éventuels effets secondaires, les alternatives thérapeutiques, entre autres, seront évalués. Est-ce que c’est la fin d’une exception ?
Dr Mathieu Calafiore, membre du collectif FakeMed : Nous l’espérons. Jusqu’à présent, contrairement aux autres médicaments remboursés, les médicaments homéopathiques n’avaient pas apporté la preuve de leur efficacité et de l’amélioration du service médical rendu (ASMR). Ils en étaient dispensés.
- Si la HAS annonce que certains de ces médicaments homéopathiques sont efficaces, est-ce qu’en tant que généraliste, vous allez en prescrire ?
Dr Mathieu Calafiore, membre du collectif FakeMed : Si on nous soumet des études scientifiques qui montrent de façon indéniable que l’homéopathie fonctionne, oui ! Comme n’importe quel autre médicament, à vrai dire. Mais ce qu’il faut savoir, c’est qu’il existe des médicaments non homéopathiques qui ont été déremboursés car ils n’avaient pas fait preuve de leur efficacité. Et nous avons arrêté de les prescrire.
- Subissez-vous des pressions de la part des laboratoires homéopathiques ?
Dr Mathieu Calafiore, membre du collectif FakeMed : Avec les autres signataires de la tribune, nous avons reçu des pressions de la part du syndicat des homéopathes français, qui nous a assignés devant le Conseil de l’Ordre pour non-respect de la confraternité. Mais nous n’avons pas reçu de pressions de la part des laboratoires pharmaceutiques.
Pour mieux comprendre…
Si l’homéopathie a toujours été décriée par une grande partie de la communauté scientifique, sa légitimité est particulièrement débattue depuis un an. Le 19 mars 2018 en effet, un collectif de 124 médecins a signé une tribune dans Le Figaro mettant en garde contre les "médecines alternatives" – dont l'homéopathie – fonds de commerce des "charlatans en tout genre qui recherchent la caution morale du titre de médecin pour faire la promotion de fausses thérapies à l'efficacité illusoire". Le Syndicat national des médecins homéopathes français a depuis déposé une soixantaine de plaintes disciplinaires devant l'Ordre des médecins contre les signataires de ce texte pour "non-confraternité".
En juin dernier, la Commission de transparence de la HAS s’était "étonnée du maintien du taux de remboursement à 30% des médicaments homéopathiques". A la suite de cet avis, en août, le ministère de la Santé avait saisi la HAS pour qu’elle évalue l'efficacité de l'homéopathie et le bien-fondé de son remboursement. Le 18 mai en outre, l'Académie de médecine avait rappelé sa position : pour elle, l’homéopathie est "une méthode imaginée il y a deux siècles à partir d'a priori conceptuels dénués de fondements scientifiques". En 2017 enfin, le Conseil scientifique des académies des sciences européennes avait affirmé qu’il n’existait "aucune preuve solide de l'efficacité des produits pour traiter les maladies, ou même les prévenir [...], même s'il y a parfois un effet placebo".
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.