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Huit questions que les parents se posent forcément sur la vaccination obligatoire

Depuis lundi, onze vaccins, au lieu de trois, sont obligatoires en France chez les enfants âgés de moins de 2 ans.

Article rédigé par Camille Caldini - Mathilde Goupil
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 14min
Actuellement, seuls trois vaccins sont obligatoires : contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite.  (VOISIN / PHANIE)

Les débats risquent de nouveaux d'être piquants dès lundi. A partir du 1er janvier 2018, les enfants de moins de 2 ans doivent obligatoirement être vaccinés contre onze maladies, au lieu de trois précédemment. Toutefois, la mesure n’étant pas rétroactive, elle ne s’appliquera donc pas à ceux nés avant cette date. La ministre de la Santé, Agnès Buzyn, a justifié sa politique par la nécessité de lutter contre le retour de certaines épidémies. 

Inutiles ? Dangereux ? Fruits du lobbying des labos pharmaceutiques ? Les vaccins interrogent et inquiètent, particulièrement les parents qui veulent bien faire. Seule une petite moitié des Français (49%) sont en effet favorables à la mesure annoncée par le Premier ministre, selon un sondage Harris Interactive pour RMC et Atlantico. Franceinfo répond aux questions que vous vous posez sur ce sujet.

1Onze vaccins avant 2 ans : ce n'est pas un peu trop pour un bébé ?

Pour le moment, en France, seul un vaccin est effectué à la naissance : le BCG, qui protège contre la tuberculose. Les autres vaccins doivent être faits à l'âge de 2 mois, dont le DTP (diphtérie, tétanos, poliomyélite), le seul actuellement obligatoire.

Au même âge, il est aussi recommandé de vacciner contre la coqueluche, l'hépatite B, le pneumocoque et le Hib (qui provoque des pneumopathies et des méningites). Puis, à 5 mois, contre le méningocoque C (bactérie qui provoque des méningites). Et enfin, à 1 an, il est préconisé de vacciner les enfants contre la rougeole, les oreillons et la rubéole. Cela semble beaucoup pour un jeune enfant, mais ce calendrier s'explique justement par la façon dont se développe le système immunitaire.

A la naissance, un bébé garde des anticorps transmis par sa mère lors de la grossesse. Sans ceux-ci, le système immunitaire du nourrisson ne sait pas se défendre, car il n'a pas encore appris à le faire. Au fil de ses premières semaines, il élimine ces anticorps maternels, qu'il faut donc remplacer. C'est là qu'intervient la vaccination. En faisant croire au corps qu'il est attaqué, le vaccin stimule la fabrication d'anticorps. Le système immunitaire se souvient de cette action-réaction et sait, ensuite, comment se défendre tout seul contre les futures infections.

Aux Etats-Unis, les enfants peuvent recevoir jusqu'à vingt vaccins avant leurs 2 ans, et jusqu'à cinq injections lors d'une seule visite médicale, selon une étude menée par des chercheurs américains et publiée en 2002 dans la revue Pediatrics, qui s'interroge précisément sur le risque de "surcharge". Le nouveau-né est capable d'apporter une réponse immunitaire aux vaccins "dans les heures qui suivent sa naissance", précise cette même étude. De même, les enfants de moins de 6 mois réagissent très bien aux "vaccinations multiples". Selon ces recherches, "si onze vaccins étaient administrés en même temps à un enfant en bas âge, environ 0,1% de son système immunitaire serait épuisé".

En pratique, l'extension à onze vaccins obligatoires "représente dix injections pour les enfants, étalées sur deux ans", selon le ministère de la Santé. Au moins 70% des enfants reçoivent déjà ces dix injections et 80% d'entre eux au moins huit injections.

2Mais tous ces vaccins fatiguent le système immunitaire, non ?

"Les vaccins peuvent provoquer temporairement des réactions dues à l'hypersensibilité de la peau, ou modifier certaines fonctions des lymphocytes", reconnaît l'étude publiée en 2002 dans la revue PediatricsMais "les enfants vaccinés ne courent pas plus le risque d'infections ultérieures avec d'autres agents pathogènes que les enfants non vaccinés", précisent ses auteurs. C'est même le contraire.

En Allemagne, une étude auprès de 496 enfants vaccinés et non vaccinés a révélé que les enfants ayant reçu une vaccination contre la diphtérie, la coqueluche, le tétanos, le Hib et la poliomyélite dans les trois premiers mois de leur vie avaient ensuite développé moins d'infections que le groupe non vacciné. Les chercheurs, qui n'étaient pas certains de la cause de ce phénomène, avançaient l'idée "d'un renforcement de l'activité immunologique associé à la vaccination".

Au contraire, chez les patients qui ne sont pas vaccinés, les infections bactériennes et virales "prédisposent souvent les enfants et les adultes à des infections invasives sévères avec d'autres agents pathogènes", assure l'étude de 2002.

3Pourquoi les rendre obligatoires ? Les recommander, c'était déjà bien, non ?

La France est le pays européen qui a le plus de réticences face aux vaccins, selon une enquête parue en septembre 2016 dans la revue EBioMedicine. Un Français sur quatre émet des doutes sur la sécurité des vaccins et 17% doutent de leur efficacité. Conséquence : une couverture vaccinale insuffisante. "La rougeole réapparaît" et a causé la mort de dix enfants entre 2008 et 2012, pointe la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, dans une interview au Parisien. "Le taux de couverture est de 75% [plus exactement de 78,8%] alors qu'il devrait être de 95%", précise-t-elle. 

Dans le détail, depuis l'épidémie de 2008-2012, le nombre de cas de rougeole a diminué en France jusqu'en 2015, avec 260 à 360 cas déclarés chaque année. En 2016, seulement 79 ont été déclarés. Mais début 2017, une augmentation du nombre de cas, notamment en Moselle (avec plus de 50 cas), fait craindre une recrudescence de la maladie, relève Santé publique France.

Pour y remédier, un comité de concertation citoyenne sur la vaccination, mis en place par l'ex-ministre de la Santé Marisol Touraine, recommandait donc d'élargir temporairement l'obligation de vaccination aux huit vaccins recommandés.

4D'accord pour la rougeole, mais qu'en est-il des sept autres vaccins ? 

Les autres maladies couvertes par les vaccins infantiles sont-elles concernées par une recrudescence de cas ? Non, répond Odile Launay, infectiologue à l'hôpital Cochin à Paris. Mais là encore, "la couverture vaccinale est insuffisante pour prévenir des épidémies". Seuls 43,8% des enfants de 6 ans scolarisés en maternelle en France sont par exemple vaccinés contre le méningocoque C.

"On sait qu'il est possible de voir revenir certaines maladies, comme la diphtérie ou la méningite, explique encore Odile Launay. Ça a été le cas au Maghreb ou dans les ex-pays d'Union soviétique, à des moments où les systèmes de santé étaient désorganisés sur le plan politique."

Le professeur Alain Fischer, qui coprésidait le comité sur la vaccination, estime que le système actuel "n'a pas de sens" :

On ne pouvait pas rester dans un système avec trois vaccins obligatoires et huit recommandés. Tous ont la même importance.

Alain Fischer

à franceinfo

Il fallait donc lever l'obligation, ou l'étendre aux huit vaccins recommandés par les autorités sanitaires. Pour Alain Fischer, l'obligation est donc "un mal transitoire pour un bien sur le long terme". Car sans obligation vaccinale, "on peut craindre qu'une fraction non négligeable de la population renonce aux vaccins, y compris aux trois vaccins obligatoires de base, diphtérie-tétanos-polio (DTP)".

5 Mais les vaccins sont bourrés de cochonneries, non ? De l'aluminium, du mercure...

L'association Entraide aux malades de myofasciite à macrophages (E3M) dénonce "la dangerosité" supposée des adjuvants, comme l'aluminium, présents dans certains vaccins (tétanos, diphtérie, coqueluche, hépatite B...). Ces composants permettent d'améliorer la réponse immunitaire, mais sont accusés de provoquer une maladie neurologique rare : la myofasciite à macrophages (MFM), qui se manifeste par des douleurs musculaires et articulaires, un épuisement chronique et des troubles cognitifs.

Mais aucune preuve scientifique n'atteste pour l'instant de cette dangerosité. En 2004, l'agence nationale du médicament (Afssaps) a conclu que "la responsabilité des vaccins dans les manifestations cliniques, quelquefois sévères et invalidantes, présentées par les patients avec une MFM, ne [pouvait] pas être affirmée". Un avis également partagé par le Haut conseil de la santé publique, qui estimait en 2013 que "les données scientifiques disponibles à ce jour ne permettent pas de remettre en cause la sécurité des vaccins contenant de l'aluminium, au regard de leur balance bénéfices-risques". Il encourageait néanmoins la recherche d'autres adjuvants. En juillet 2015, le Conseil d'Etat s'était par ailleurs déclaré favorable à l'indemnisation de deux personnes atteintes d'une MFM apparue après une vaccination obligatoire contre l'hépatite B.

Le thiomersal, un composé contenant du mercure utilisé à très faible dose comme conservateur dans les vaccins, fait lui aussi l'objet de suspicions. Certains lui reprochent de provoquer des effets sur le fonctionnement neurologique. Si aucune étude n'a permis de démontrer des effets néfastes, l'Afssaps a demandé aux industriels de travailler au retrait du thiomersal des vaccins en 1999, au nom du "principe de précaution". Il reste présent dans certains vaccins, par exemple le DTVax de Sanofi Pasteur contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite.

6La vaccination obligatoire, ce n'est pas un cadeau aux labos pharmaceutiques ?

Rapidement après la proposition de la ministre de la Santé, des responsables politiques ont dénoncé un "cadeau" aux laboratoires pharmaceutiques. "On peut s'interroger sur le cadeau qui leur est fait", a ainsi réagi Michèle Rivasi, eurodéputée écologiste, dans un communiqué, rappelant que la ministre "s'est toujours dit proche de l'industrie pharmaceutique". Marine Le Pen (Front national) a, de son côté, déploré que la vaccination "rempli[sse] les poches des laboratoires".

Mais les vaccins rapportent-ils beaucoup d'argent aux laboratoires ? Le marché est effectivement concentré entre les mains d'une dizaine de labos dans le monde, dont quatre (Merck, Sanofi, GSK, Pfizer) représentent 65% du marché en valeur. L'industrie est par ailleurs en plein boom : les ventes avaient grimpé de 11,5% en 2015, selon une estimation des Entreprises du médicament (LEEM), syndicat des entreprises pharmaceutiques. Une étude du cabinet Alcimed table, quant à elle, sur un chiffre d'affaires multiplié par 2,5 entre 2014 et 2025.

Pourtant, les vaccins ne sont pas les médicaments qui rapportent le plus : ils n'ont représenté que 1,9% du chiffre d'affaires des labos français en 2016, selon LEEM. Un chiffre que rappelle volontiers Sanofi Pasteur, qui refuse par ailleurs de divulguer le montant issu de la vente de vaccins.

Par ailleurs, pas un seul vaccin ne se hisse dans le classement des dix médicaments les plus vendus dans le monde en 2015, où antirhumatismaux, antidiabétiques et antidépresseurs tiennent la corde. "Les industriels ne sont pas des philantrophes, ils font ça pour gagner de l'argent. Mais le coût des vaccins bientôt obligatoires ne représente rien par rapport au traitement d'un cancer ou de l'hépatite C", résume ainsi Odile Launay.

7Justement, combien ça va coûter ces vaccins en plus ?

Avant, le coût des trois vaccins obligatoires, 20 euros en tout, était pris en charge à 100% avec la répartition suivante : 65% par la Sécurité sociale, 35% par l'assurance complémentaire. Pour les enfants dont les parents n'auraient pas de mutuelle, les vaccins peuvent être administrés gratuitement dans les centres de protection maternelle et infantile (PMI) ou les centres de vaccination. 

Le système sera le même avec l'élargissement des vaccins obligatoires, a annoncé la ministre de la Santé, le 5 juillet, lors d'une conférence de presse. "Le surcoût pour l'assurance-maladie de l'extension vaccinale est estimé entre 10 et 20 millions d'euros", a-t-elle précisé.

Le directeur général de la santé, Benoît Vallet, a par ailleurs indiqué que des discussions étaient en cours avec les industriels pour renégocier le prix des vaccins obligatoires. Aujourd'hui, le tarif affiché par Sanofi Pasteur pour les onze vaccins qui deviendront obligatoires en 2018 est de 156 euros.

8Et si je ne vaccine pas mon enfant, qu'est-ce que je risque ?

Le Code de la santé publique indique que "le refus de se soumettre ou de soumettre ceux sur lesquels on exerce l'autorité parentale ou dont on assure la tutelle aux obligations de vaccination (...) ou la volonté d'en entraver l'exécution" sont punissables "de six mois d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende". Un couple a ainsi été condamné en janvier 2016 à deux mois de prison avec sursis pour avoir refusé de faire vacciner ses enfants contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite (DTP), déjà obligatoires.

Les enfants qui ne sont pas à jour de leurs vaccins obligatoires sont par ailleurs interdits de crèche, d'école, de garderie ou de colonie de vacances.

Mais à l'avenir, il n'est pas certain que la législation reste la même, même si rien n'est encore défini. Le gouvernement travaille en effet sur "une clause d'exemption", a indiqué Agnès Buzyn sur RTL. "Si vraiment des familles s'opposent absolument, nous essaierons de leur permettre d'éviter la vaccination", a-t-elle précisé. Mais cette exemption ne pourra "être motivée que par une raison médicale".

La ministre de la Santé a aussi indiqué "réfléchir aux sanctions", même si elles ne sont pas "la meilleure façon d'avancer".

L'objectif n'est pas d'avoir des amendes, mais de faire de la pédagogie.

Agnès Buzyn

à RTL, le 6 juillet

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