Ce que l'on sait d'Oumuamua, l'astéroïde provenant d'un autre système solaire
Cette observation sans précédent a été confirmée lundi par des astronomes. Elle ouvre une nouvelle fenêtre sur la formation d'autres mondes stellaires dans notre galaxie.
Il s'appelle Oumuamua, un mot hawaïen qui signifie "le messager". Un mystérieux objet rocheux ayant la forme d'un cigare, détecté en octobre dans l'espace, provient bien d'un autre système solaire. L'information a été confirmée lundi 21 novembre par des astronomes, dont les résultats de l'analyse des données paraissent dans la revue britannique Nature (en anglais).
Cette observation sans précédent d'un astéroïde extrastellaire ouvre une nouvelle fenêtre sur la formation d'autres mondes stellaires dans notre galaxie, la Voie lactée. Voici ce qu'il faut retenir de cette découverte.
Comment l'astéroïde a-t-il été repéré ?
Avant d'être baptisé "Oumuamua", l'objet a été nommé C/2017 U1, qui signifie, selon les règles de désignation provisoire des comètes, que l'astéroïde a été observé pour la première fois pendant la troisième semaine d'octobre 2017. Le 18 octobre précisément, le télescope Pan-STARRS1, à Hawaï, repère ce visiteur, après son passage au plus près du Soleil.
Immédiatement après sa découverte, d'autres télescopes autour du globe, dont le Très Grand Télescope de l'Observatoire européen austral, dans le nord du Chili, se mettent à observer l'astéroïde pour en déterminer les caractéristiques. Petit à petit, d'autres télescopes commencent à le traquer. Entre le 18 et le 24 octobre, l'astéroïde est observé 34 fois. Sa trajectoire étrange interpelle. Son angle d'approche par rapport à l'orbite des planètes du système solaire et le fait qu'il ne semble pas tourner autour du Soleil indiquent que l'objet vient d'ailleurs, explique New Scientist (en anglais). "La plupart des comètes suivent une orbite elliptique autour du Soleil. (...) Celle-ci, au contraire, ne reviendra jamais", écrit le site spécialisé.
Quelques télescopes terrestres de grande puissance continuent à suivre l'astéroïde, alors qu'il disparaît rapidement en s'éloignant de la Terre. Deux télescopes spatiaux de la Nasa, Hubble et Spitzer, enregistrent aussi toutes les informations possibles à son sujet. Le 20 novembre, l'objet voyageait à une vitesse de 38,3 kilomètres par seconde et se trouvait à environ 200 millions de km de la Terre. Oumuamua est passé dans l'orbite de Mars vers le 1er novembre et croisera Jupiter en mai 2018 avant de poursuivre sa route au-delà de Saturne en janvier 2019. Puis il sortira de notre système solaire pour prendre la direction de la constellation de Pégase. Les observations avec des grands télescopes terrestres continueront jusqu'à ce que l'astéroïde devienne quasiment indétectable, soit après la mi-décembre.
A quoi ressemble cet astéroïde ?
Il mesure 400 mètres de long sur seulement 40 mètres de large. Cette forme inhabituelle de cigare est sans précédent parmi les quelque 750 000 astéroïdes et comètes observés jusqu'à présent dans notre système solaire.
Une équipe d'astronomes de l'Institute for Astronomy à Hawaï, a constaté que la luminosité de l'objet variait jusqu'à dix fois en puissance et effectuait une révolution de 7,3 heures. Aucun astéroïde ou comète dans notre système solaire connaît une telle ampleur dans la variation de sa luminosité ou un tel ratio entre la longueur et la largeur, soulignent-ils.
Ces propriétés laissent penser qu'Oumuamua est dense et formé de roches. Peut-être aussi de métal. Mais il n'y a pas d'eau à sa surface qui a été rougie par les effets des radiations cosmiques pendant des centaines de millions d'années.
D'où vient-il ?
Les scientifiques ont conclu avec certitude à la nature extrastellaire de cet astéroïde car l'analyse des données recueillies montre que son orbite ne peut pas avoir son origine à l'intérieur de notre système solaire. Selon ces astronomes, cet objet inhabituel a voyagé seul à travers la Voie lactée depuis des centaines de millions d'années avant de passer dans notre système solaire et de poursuivre sa route.
Pendant des décennies, nous pensions que de tels objets d'un autre monde pouvaient se trouver à proximité de notre système solaire et, maintenant, pour la première fois, nous avons la preuve directe qu'ils existent bien.
Thomas Zurbuchen, responsable adjoint des missions scientifiques de la Nasa
Comme le rapporte The New Scientist, une équipe a calculé qu'Oumuamua pourrait avoir été formé à partir d'un amas diffus d'étoiles dans les constellations Carène ou Columbe. "Pendant des millions d'années après leur naissance, les objets conservent une empreinte de leur origine, explique Eric Gaidos. Cet objet a le même mouvement dans l'espace que ces amas."
Selon les chercheurs, l'astéroïde serait issu de la "zone glacière" d'une étoile. "Il aurait pu être éjecté par une collision au cours de la formation de cette étoile et projeté hors de la zone gravitationnelle il y a environ quarante millions d'années."
Cette découverte est-elle si exceptionnelle ?
Les astronomes estiment qu'un astéroïde interstellaire similaire à Oumuamua passe à l'intérieur du système solaire environ une fois par an. Mais ils sont difficiles à détecter. Les télescopes de surveillance de ces objets sont devenus suffisamment puissants pour avoir une chance de les découvrir depuis peu. "C'est la première fois que l'on arrive à observer, aussi proche de nous, une relique de la naissance d'un autre système solaire", affirme Christophe Galfard, docteur en physique théorique, à franceinfo.
Si on avait réussi à se poser sur cet astéroïde et à prendre des matériaux qui sont dessus, on aurait eu la composition de la naissance, probablement, d'autres étoiles, d'autres planètes dans l'univers.
Christophe Galfard, docteur en physique théoriqueà franceinfo
"C'est un étrange visiteur venu d'un système stellaire très lointain qui a une forme que nous n'avions jamais vue dans notre voisinage cosmique", a expliqué Paul Chodas, directeur du Centre d'étude des objets évoluant près de la Terre au Jet Propulsion Laboratory de la Nasa à Pasadena en Californie. "Cette découverte ouvre une nouvelle fenêtre pour étudier la formation de systèmes solaires au-delà du nôtre", a estimé Thomas Zurbuchen.
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