Vertes, rouges, roses... Pourquoi les aurores boréales sont-elles multicolores ?

Article rédigé par Louis San
France Télévisions
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Une aurore boréale visible dans le ciel de Riaillé (Loire-Atlantique), dans la nuit du 10 au 11 mai 2024. (ESTELLE RUIZ / HANS LUCAS / AFP)
Franceinfo se penche sur l'origine des teintes de ce phénomène lumineux spectaculaire, alors que de fortes tempêtes solaires risquent de frapper la Terre cette année, le pic de l'activité de notre soleil étant attendu pour le début de l'année 2025.

Un ciel nocturne teinté de rose, de rouge ou encore de mauve... Ce spectacle saisissant est celui des aurores boréales, dont certaines peuvent être exceptionnellement visibles sous nos latitudes, en 2024, en raison de la forte activité du Soleil. Notre étoile, qui connaît des cycles de onze ans, doit connaître son pic d'activité fin 2024 ou début 2025. Les éruptions solaires qui devraient se produire cette semaine pourraient être l'occasion de voir la nuit s'illuminer de lueurs colorées, même si le phénomène sera moins intense que le 10 mai dernier.

Très majoritairement vertes ou rouges, les aurores boréales (ou australes) peuvent présenter différentes couleurs. Mais toutes sont issues d'un même mécanisme, explique à franceinfo Jean Lilensten, astronome et planétologue, directeur de recherche à l'Institut de planétologie et d'astrophysique de Grenoble. "Les aurores, ce sont des électrons qui viennent du Soleil et qui descendent dans l'atmosphère de la Terre. Les scientifiques disent qu'ils se précipitent. Comme des précipitations, quand il pleut", présente-t-il.

Les couleurs dépendent de plusieurs facteurs dont les principaux sont la vitesse du vent solaire, l'altitude jusqu'à laquelle les particules de ce vent pénètrent l'atmosphère, et les gaz qui réagissent. La luminosité des aurores, c'est-à-dire leur intensité, est liée à la puissance de la tempête solaire, et donc à la quantité de matière qui nous parvient.

Du rouge en très haute altitude, du vert plus généralement

"Quand les particules de vent solaire arrivent à une vitesse relativement faible, c'est-à-dire 700 000 km/h  – cela peut paraître beaucoup pour un humain mais c'est peu –, il s'arrête assez haut dans l'atmopshère, au-dessus de 200 km d'altitude", expose Jean Lilensten. Il se heurte alors à de l'oxygène (O), qui n'est pas le dioxygène (O2) que nous respirons. Les atomes d'oxygène reçoivent de l'énergie lors de cette collision. Ils sont alors "excités" puis se "désexcitent" et relâchent cette énergie sous la forme d'une lumière rouge. "C'est un rouge profond, très sombre, très ténu", explique Jean Lilensten.

Le vent solaire moyen, lui, circule à environ 1 300 000 km/h. "Comme il arrive à une vitesse plus rapide, il descend plus bas, jusqu'à 95 km d'altitude", relève le scientifique. A cette hauteur, il heurte également des atomes d'oxygène mais avec une énergie plus élevée. Là, "en se désexcitant", les atomes émettent une couleur verte. C'est la plus couramment observée pour les aurores. "En Arctique, on n'a quasiment que du vert", abonde auprès de franceinfo Olivier Katz, prévisionniste au Centre opérationnel de météorologie de l'espace des Alpes.

Une aurore boréale dans le ciel de Troms (Norvège), le 1er janvier 2024. (SERGEI GAPON / AFP)

Le plancher des aurores en mauve ou blanc

De façon plus rare, des bourrasques de vent solaire nous parviennent à 4 ou 6 millions de km/h et descendent jusqu'à 80 km d'altitude. "Pas plus bas, parce qu'ensuite l'air est trop dense", glisse Jean Lilensten. Les particules de vent solaire rencontrent alors l'air que nous respirons, qui contient du dioxygène et de l'azote. L'importante énergie en jeu, associée à ces gaz, donne lieu à d'autres réactions, générant d'autres couleurs, comme "du mauve, du bleu, du blanc un peu jaunâtre ou encore de l'orange", énumère Jean Lilensten. Les teintes rosées, largement constatées dans le ciel hexagonal le 10 mai, sont elles aussi liées à la présence de molécules d'azote.

Sans compter qu'il existe divers mécanismes rares et complexes, que des couleurs peuvent se mélanger avec des molécules se retrouvant un peu plus en hauteur en raison de l'agitation de l'atmosphère provoquée par le vent solaire parfois puissant, souligne le spécialiste.

A l'échelle de l'homme, ces altitudes sont très élevées. La troposphère, la couche de l'atmosphère dans laquelle nous vivons et où l'on trouve les nuages, dont la limite se situe en moyenne à 10 km d'altitude. Comme le rappelle dans la vidéo qui suit le Centre national d'études spatiales (Cnes), l'Agence spatiale française, les réactions qui engendrent les aurores ont lieu entre la mésosphère (entre 50 et 80 km d'altitude) et sa couche supérieure, la thermosphère.

Courbure de la Terre et appareils photo

Le processus physique de formation des couleurs des aurores est relativement bien connu. En revanche, notre perception de ce phénomène est altérée par des facteurs variés. A propos du soir du 10 mai, en France, Jean Lilensten raconte : "La plupart des gens qui étaient dans des vallées m'ont dit avoir vu un ciel tout rouge." En réalité, "comme la Terre est ronde, ils ne voyaient que le haut de l'aurore, et pas le bas". Le même soir, lui se trouvait "sur un col de montagne, à 1 200 mètres d'altitude". "J'ai pu voir le bas, toute la frange verte et des zones de mauve", décrit-il.

Il appelle également à prendre du recul quant aux couleurs des photos prises avec des téléphones. "Sur plein de photos [des aurores du 10 mai], on voit du jaune mais il n'y en avait pas", affirme-t-il.

"La balance des blancs sur les smartphones est pré-réglée pour faire ressortir les couleurs chaudes." 

Jean Lilensten, astronome et planétologue, spécialiste des aurores polaires

à franceinfo

Les couleurs qui dansent réellement dans le ciel sont parfois difficiles à saisir, "entre les photographes qui retouchent en pleine conscience et les réglages automatiques des appareils", commente Olivier Katz. Il souligne au passage qu'apercevoir du bleu lors des aurores est "très rare". Le scientifique insiste sur ce point car il a constaté que les images d'aurores qu'on a pu voir sur internet penchaient "énormément" vers cette couleur et qu'elles étaient ainsi colportées "dans l'imaginaire collectif, dans les films, dans les séries". Selon lui, la quasi-totalité de ces images d'aurores ont été artificiellement "tirées vers le bleu".

Au fond, le rendu flatteur des photos, qu'elles soient davantage jaunes ou bleues, ne rend pas compte de la réalité. C'est pourquoi Jean Lilensten exhorte solennellement ceux qui ont la chance d'apercevoir des aurores à ranger un temps leur téléphone pour les contempler directement avec leurs yeux.

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