Espace : ce qu'il faut savoir sur la mission Dart de la Nasa, qui va tenter de dévier un astéroïde
La Nasa a lancé un vaisseau qui frappera, dans dix mois, un astéroïde situé à onze millions de kilomètres de la Terre. Le but : préparer un dispositif de "défense planétaire".
L'expérience rappelle inévitablement les films Armageddon ou Deep Impact, sortis en 1998. Dans ces longs-métrages, la Terre est menacée par un astéroïde et une comète de grande taille. La collision serait synonyme de cataclysme voire de fin de l'humanité. Pour éviter le pire, des hommes et des femmes tentent alors de faire exploser ces corps célestes. Ce scénario, qualifié de "défense planétaire" par la Nasa, passe de la fiction à la réalité avec la mission qui décolle, mercredi 24 novembre, depuis la Californie. Son nom : Dart ("fléchette", en anglais). Franceinfo détaille tout ce qu'il faut savoir de ce projet à 330 millions de dollars (293 millions d'euros) qui entend entrer en collision avec un astéroïde pour changer son orbite.
Un vaisseau kamikaze vers un système d'astéroïdes
La mission Dart va rendre visite à un système double – c'est d'ailleurs l'acronyme de "Double Asteroid Redirection Test" – situé à 11 millions de kilomètres de la Terre. Il est constitué d'un astéroïde principal, Didymos, qui mesure 780 mètres de diamètre. En orbite de ce dernier se trouve un autre astéroïde plus petit, Dimorphos, qui est une lune de 160 mètres de diamètre.
Le vaisseau, d'une envergure de 19 mètres soit l'équivalent d'un grand bus, va décoller à bord d'une fusée Falcon 9 de SpaceX. Il ne comporte qu'une caméra nécessaire à sa navigation. Car la mission de Dart est kamikaze : il s'agit de heurter Dimorphos, à l'automne 2022, à une vitesse de 24 000 km/h. Autrement dit, lors de la dernière seconde avant le choc, Dart parcourra 6 km.
La mission qui décolle ce mardi transporte aussi un petit satellite d'observation conçu par l'agence spatiale italienne. Cet instrument, appelé LICIACube (pour Light Italian CubeSat for Imaging Asteroids) et composé de deux caméras, se séparera du vaisseau principal une dizaine de jours avant l'événement pour se positionner de façon à filmer le crash et transmettre rapidement les premières images à la Terre.
Un objectif de modification de l'orbite de l'astéroïde
"Le système Didymos est le candidat idéal pour Dart car il ne représente aucune menace d’impact réel pour la Terre et les scientifiques peuvent mesurer le changement d’orbite de Dimorphos avec des télescopes au sol", explique la Nasa pour justifier cette mission. L'objectif de la mission n'est pas de détruire la lune-astéroïde Dimorphos, mais d'altérer légèrement son orbite, sans toucher à l'orbite de Didymos (ce qui pourrait le rendre potentiellement dangereux pour la Terre).
Le vaisseau "va juste lui donner un petit coup", a expliqué lors d'une conférence de presse Nancy Chabot, du laboratoire de physique appliquée de l'université Johns Hopkins, qui conduit la mission en partenariat avec la Nasa.
L'orbite de Dimorphos sera réduite de seulement "environ 1%", précise Nancy Chabot. Dimorphos fait actuellement le tour de Didymos en 11 heures et 55 minutes. Après le choc, l'orbite sera peut-être "de 11 heures et 45 minutes, ou quelque chose comme ça", a-t-elle détaillé.
Un test pour préparer l'humanité à une éventuelle collision
Si la probabilité d'un impact critique avec un astéroïde ou une comète n'est pas pour tout de suite, l'objectif de Dart est de tester dès maintenant un dispositif de "défense planétaire", à destination des générations futures. "Nous ne voulons pas nous retrouver dans une position où un astéroïde se dirigerait vers la Terre, et où nous devrions tester cette technique" pour la première fois, a détaillé lors d'une conférence de presse Lindley Johnson, du département de Défense planétaire de la Nasa.
"Nous essayons de fournir un plan valide aux prochaines générations et nous voulons éviter une improvisation."
Patrick Michel, astrophysicien à l'Observatoire de la Côte d'Azurà franceinfo
Patrick Michel met en avant de nombreux paramètres à prendre en compte avec ce type de risque, mentionnant les dimensions scientifiques, technologiques, politiques, éthiques. C'est afin de "bien préparer les choses", en intégrant tous ces aspects, qu'une telle mission doit être expérimentée, insiste-t-il, appelant à éviter tout catastrophisme. Car le risque de collision majeure est "minime", assure à franceinfo Eric Lagadec, astrophysicien à l'Observatoire de la Côte d'Azur, en précisant que cela n'est pas prévu dans les années à venir. Il n'y a "aucun objet connu qui nous menace pour le prochain siècle au moins", ajoute Patrick Michel.
Dans le détail, selon les données de la Nasa, tous les astéroïdes d'environ 10 km de diamètre (comme celui ayant provoqué la disparition des dinosaures il y a 66 millions d'années) se trouvant dans le voisinage de la Terre ont été identifiés. On en dénombre quatre. Si un corps céleste de cette taille frappait notre planète, il provoquerait une catastrophe majeure. Mais cela n'arrive que tous les 100 millions ou 200 millions d'années. Environ 900 astéroïdes de 1 km de diamètre ont été identifiés aux abords de la Terre. Eux croisent la trajectoire de la Terre environ tous les 500 000 ans, et une collision avec l'un d'entre eux pourrait engendrer une extinction de masse.
En ce qui concerne les astéroïdes de 140 mètres de diamètre (soit la taille de la lune que va frapper Dart), les spécialistes estiment leur nombre à 25 000. Seuls 40% d'entre eux sont connus, et ils croisent la route de notre planète environ tous les 20 000 ans. Si un corps de cette taille venait à s'écraser sur Paris, c'est au moins toute la région Ile-de-France qui serait détruite de façon instantanée, rapportait Le Figaro. Le bilan humain serait dramatique et les conséquences planétaires.
La première partie d'une mission jumelle pour comprendre les astéroïdes
A l'origine, le vaisseau Dart ne devait pas partir seul : il devait s'envoler en même temps que la mission Hera, qui doit "nous fournir les résultats détaillés de l’impact, nous permettre d’interpréter les premières mesures faites avec les télescopes terrestres et d’extrapoler à d’autres scénarios", détaille le Français Patrick Michel, principal instigateur de la mission Hera. Mais finalement, la mission Hera ne décollera qu'en 2024.
"Les données de la mission Hera nous permettront de transformer cette expérience d'impact de DART à grande échelle et d'en faire une technique bien comprise et reproductible."
Naomi Murdoch, planétologue impliquée dans la mission Heraà franceinfo
Ces missions "jumelles" sont "une expérience fondamentale pour vérifier notre compréhension de la physique des impacts sur les astéroïdes, qui est au cœur de la technique de déviation que l’on va tester", a expliqué Patrick Michel sur le site de l'Agence spatiale européenne.
Outre l'étude des impacts, celle des astéroïdes intéresse grandement les scientifiques. Ils espèrent au passage mieux comprendre le mécanisme qui a conduit à la formation de Dimorphos. Un des scénarios est que cet astéroïde est constitué de matière volatile en provenance directe de son grand voisin, Didymos. Cela signifierait que Dimorphos est faite de poussières, que c'est "une structure d'agrégat et non pas une structure compacte", remarque Alain Hérique, de l'Institut de planétologie et d'astrophysique de Grenoble.
De façon plus générale, s'approcher d'astéroïdes ne peut que s'avérer bénéfique pour le progrès des connaissances. "Les astéroïdes sont les briques qui ont formé notre système solaire, rappelle Eric Lagadec. Dès que nous pouvons les approcher et mieux les observer, nous en apprenons davantage sur sa formation et son évolution."
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