La sonde Europa Clipper vient de décoller : on vous présente cette mission partie étudier une lune de Jupiter qui pourrait héberger la vie
La vie existe-t-elle ailleurs que sur la Terre dans notre système solaire ? Pour tenter d'apporter des éléments de réponse à cette question fondamentale, l'agence spatiale américaine, la Nasa, a lancé la mission Europa Clipper lundi 14 octobre. Elle va étudier Europe, l'une des nombreuses lunes de Jupiter, la plus grande planète de notre système solaire. Sous sa surface gelée, cet astre abrite un océan d'eau liquide. Il est considéré par la communauté scientifique comme l'un des corps célestes de notre système solaire parmi les plus prometteurs pour abriter la vie.
Franceinfo vous présente cette mission américaine, qui va en partie travailler de façon coordonnée avec la mission européenne Juice lancée en avril 2023.
Un trajet de cinq ans et demi
Clipper doit partir à bord d'une fusée Falcon Heavy de SpaceX, lancée depuis le Centre spatial Kennedy (Floride, Etats-Unis). L'appareil doit arriver aux abords de Jupiter en 2030, c'est-à-dire après cinq ans et demi de trajet. Sur sa route, Clipper doit notamment passer à proximité de la planète Mars pour profiter de sa force gravitationnelle, comme le montre cette infographie de la Nasa.
En ligne de mire, Europe, l'une des principales lunes de Jupiter
La plus grande planète de notre système solaire, Jupiter, compte 95 satellites officiels, c'est-à-dire reconnus par l'Union astronomique internationale. Parmi eux, quatre sont considérés comme majeurs : Io, Europe, Ganymède, Callisto, dans l'ordre selon leur distance par rapport à Jupiter. Ces astres sont souvent appelés lunes galiléennes après leur découverte, en 1610, par l'Italien Galilée.
Visuellement, Europe se distingue par sa surface striée, parcourue par de grandes lignes comme des griffures.
Les surfaces de corps célestes sont souvent couvertes de cratères, comme notre Lune, explique dans cette vidéo de la Nasa Erin Leonard, scientifique impliquée dans la mission Europa Clipper (1 min 08). Or "il n'y a que très peu de cratères" à la surface d'Europe, souligne Shawn Brooks, un autre scientifique de la mission. "Cela signifie que quelque chose se passe pour effacer les cratères. Comme cela arrive sur Terre, où nous appelons ça géologie."
Mieux comprendre sa structure et son océan interne
"Toutes les lunes galiléennes de Jupiter ont un océan caché sous leur surface", remarque auprès de franceinfo le géophysicien Olivier Grasset, spécialiste de notre système solaire. La particularité de celui d'Europe est qu'il est "sans doute en contact avec les silicates, le manteau de roche", complète le président du comité consultatif des sciences spatiales de l'Agence spatiale européenne.
La composition d'Europe est nettement différente de celle de la Terre et de la Lune. Tout porte à croire que la surface extérieure est une croûte gelée, sous laquelle se trouve un océan liquide, lequel est au contact d'un épais manteau rocheux, derrière lequel se logerait un noyau composé de roches et de métaux.
Sur Terre, les scientifiques ont trouvé des sortes de cheminées, aussi appelées "fumeurs noirs" au fond des océans. Ces formations se créent sur des reliefs créés par le mouvement des plaques tectoniques. Ils recrachent une partie de la chaleur de la Terre sous la forme d'une eau bouillante (jusqu'à 350°C) chargée en minéraux, en méthane, en hydrogène sulfuré.
"Ce n'est pas la chaleur qui permet à la faune de prospérer à proximité [de ces cheminées] mais la chimie des sources", explique l'université Claude-Bernard Lyon 1 dans cette vidéo publiée en mai. Dans l'obscurité, c'est la chimiosynthèse (au lieu de la photosynthèse) qui s'est développée, poursuit le commentaire qui accompagne les images. Des bactéries, qui "tirent leur énergie des composés chimiques relâchés par les fumeurs", évoluent en symbiose avec des organismes. Tous ces éléments deviennent alors les fondements d'un écosystème unique, comme le montre cette vidéo de Brut.
En clair, cette activité (appelée hydrothermalisme) permet d'engendrer, de façon localisée, de la vie au fond des océans. La mission Europa Clipper va s'attacher à caractériser la structure d'Europa, en déterminant l'épaisseur de sa croûte glacée ou encore la profondeur de l'océan (qui est pour l'instant estimée à 100 kilomètres). Il est possible que des formations similaires à des fumeurs noirs se trouvent au fond de l'océan d'Europe, suggèrent les scientifiques.
"Au fond de l'océan d'Europe, on peut imaginer que l'on a les mêmes conditions (pression, température, chimie) qu'au fond de l'océan terrestre, où il y a de la vie."
Olivier Grasset, planétologueà franceinfo
Quelque 50 survols prévus (dont le plus proche à seulement 25 km de sa surface)
Pesant un peu plus de trois tonnes avec les réservoirs vides, Clipper mesure environ 5 mètres de haut et 30,5 mètres de long lorsque ses panneaux solaires sont déployés. Au total, Clipper doit réaliser 50 survols d'Europe pour la passer au crible avec tous ses instruments (caméra, spectromètre, magnétomètre et radar), qui seront tous activés en même temps. La Nasa a montré dans une vidéo un schéma montrant les multiples survols que réalisera la sonde autour d'Europe. Le plus proche passera à seulement 25 kilomètres de la croûte glacée.
Europa Clipper n'a pas pour objectif de trouver une éventuelle forme de vie sur Europe. Elle s'y rend pour établir un état des lieux le plus précis possible, notamment étudier d'éventuels geysers à sa surface. "On est sur de l'observation géophysique, sur de la chimie standard", précise Olivier Grasset.
Du travail en binôme avec la mission européenne Juice
La sonde européenne Juice, qui est partie en avril 2023 explorer les lunes glacées de Jupiter (dont Europe) va collaborer avec Europa Clipper pendant un temps. Les deux appareils vont notamment permettre de mieux connaître le champ magnétique de Jupiter, qui est jusqu'à vingt fois plus puissant que celui de la Terre, et la façon dont il interagit avec ses satellites, dont Europe.
"Le fait d'avoir deux engins sur place, au même moment, permet de faire de la science qui serait impensable avec un seul."
Olivier Grasset, planétologueà franceinfo
Avec deux appareils, il va être possible de faire des relevés comme s'il y avait un émetteur et un récepteur, résume encore le spécialiste. "Tout ça est travaillé de façon conjointe entre les équipes [de Juice et d'Europa Clipper] avec des réunions communes de l'ordre de deux fois par an, explique Oliver Grasset. Cela va permettre une optimisation du retour scientifique."
Un crash prévu sur Ganymède
Après sa mission, Europa Clipper pourrait finir son périple en se crashant sur Ganymède, un satellite important de Jupiter, et la plus grande lune de notre système solaire. "Cela pourrait être intéressant car l'impact soulèverait un nuage de glace qui pourrait ensuite être observé par Juice", remarque Olivier Grasset.
Pourquoi ne pas prévoir le crash de Clipper sur Europa et éventuellement permettre d'ultimes découvertes remarquables ? Les règles internationales de protection planétaire n'autorisent pas une telle manœuvre. Dans la mesure où Europa peut potentiellement abriter une forme de vie, et que l'on soupçonne des points de communication entre sa surface et un océan caché, les Terriens ont décidé de ne pas la contaminer. En revanche, comme l'a expliqué l'Agence spatiale européenne pour la mission Juice, Ganymède possède une croûte de glace assez épaisse, sans point de contact avec l'océan en-dessous, ce qui permet un crash d'un objet de fabrication terrestre à moindre risque.
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