Mission Hera : face au risque d'impact avec un astéroïde, une défense planétaire unifiée peut-elle voir le jour ?

Article rédigé par Louis San
France Télévisions
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La défense planétaire est notre capacité à nous protéger face à un corps céleste (comme un astéroïde ou une comète) amené à frapper la Terre. Un objet d'un kilomètre de diamètre, pouvant détruire une planète, tombe en moyenne tous les 500 000 ans sur Terre. (JEREMIE LUCIANI / FRANCEFINO)
Alors que les Etats-Unis et la Chine ne collaborent pas dans le domaine spatial, une coordination à l'échelle internationale n'est pas hors de portée, selon les spécialistes interrogés par franceinfo.

Hip hip hip, Hera ! La mission européenne Hera doit décoller lundi 7 octobre, si les conditions le permettent, depuis la base de Cap Canaveral, en Floride (Etats-Unis), à bord d'une fusée Falcon 9 de SpaceX. Cette mission fonctionne de pair avec celle de la Nasa, Dart, qui avait réussi à dévier un astéroïde de son orbite en septembre 2022, à 11 millions de kilomètres de la Terre. Les deux programmes ont été conçus pour travailler en binôme : Dart peut être considéré comme l'acteur et Hera comme l'inspecteur qui vient observer et mieux comprendre ce qui s'est joué au préalable.

Ce tandem s'inscrit dans ce qui est appelé la "défense planétaire", c'est-à-dire la capacité à protéger la Terre face à un corps céleste (comme un astéroïde ou une comète) amené à la frapper. Ce type de menace, popularisée par des films comme Armaggedon (1998), Deep impact (1998) et plus récemment Don't look up (2021), ne relèvent pas simplement de la science-fiction.

Une menace faible, mais pas nulle

L'échelle temporelle d'un éventuel cataclysme reste vaste puisqu'aucun danger n'a été détecté pour le siècle à venir. Mais la probabilité existe, expose Patrick Michel, directeur de recherche au CNRS à l'Observatoire de la Côte d'Azur, et responsable scientifique de la mission Hera. "Un objet d'un kilomètre de diamètre tombe en moyenne tous les 500 000 ans sur Terre. C'est le seuil de catastrophe à l'échelle du globe, explique-t-il. Un objet de 140 mètres de diamètre, qui est le seuil de catastrophe à l'échelle d'une région, c'est en moyenne tous les 20 000 ans."

Les grands objets, d'au moins 1 km de diamètre, ont presque tous été identifiés. Mais seuls 40% de ceux d'environ 140 mètres de diamètre le sont, précise Patrick Michel. Face à ces chiffres, la Nasa, l'agence spatiale européenne (ESA) et d'autres partenaires ont donc commencé à échafauder les premiers éléments de la procédure à suivre en cas de menace d'un astéroïde, de la détection à l'intervention sur ce gros caillou menaçant. Dans ces plans, l'idée qui prédomine n'est pas celle montrée au cinéma : le faire exploser ne ferait que le transformer en bombe à fragmentation encore plus dangereuse. Les scientifiques s'accordent sur le fait que la meilleure option consiste à le dévier, et à s'y préparer le plus tôt possible.

Aucun échange entre les Etats-Unis et la Chine

De son côté, la Chine (dont le programme spatial reste ambitieux) a également annoncé travailler sur un plan pour protéger la planète. Elle souhaite percuter en 2030 un objet de 30 mètres de diamètre et envoyer, elle aussi, un duo d'appareils pour accomplir cette tâche et l'observer. Rien d'étonnant, car le président chinois, Xi Jinping, compte hisser son pays en tête dans le domaine spatial d'ici 2030. Dans ce contexte tendu, Pékin et Washington ne collaborent pas en la matière. "Les Chinois n'ont jamais été invités dans la Station spatiale internationale par exemple", rappelle auprès de franceinfo l'astrophysicien belge Emmanuel Jehin, spécialiste de l'étude des petits corps du système solaire. "C'est encore moins le cas maintenant, avec la Chine et la Russie qui travaillent ensemble pour l'installation d'une base sur la Lune, et la création d'une nouvelle station spatiale."

Développer plusieurs programmes pour anticiper une situation critique n'est pas forcément problématique. Il s'agit surtout de s'assurer que tous les acteurs poussent dans le même sens, assurent les scientifiques interrogés. Mais, concrètement, que se passerait-il si un astéroïde de 150 mètres de diamètre, avec un risque d'impact certain sur la Terre, était identifié ? Les grandes puissances pourraient-elles enterrer leurs différends pour limiter les dégâts et sauver des vies ? Un chemin est possible, s'il se trace à plusieurs, avance Patrick Michel. "Il serait compliqué d'obtenir une mission bilatérale avec les Etats-Unis et la Chine, mais dès que plusieurs pays travaillent de façon multilatérale, cela semble poser moins de problèmes."

Un large groupe dédié à l'ONU

Une coopération internationale prend d'ailleurs forme sous l'égide de l'ONU, depuis 2014, avec un groupe dédié à la défense planétaire, le Space Mission Planning Advisory Group (SMPAG). Cette instance, qui cherche à mettre en place une réponse internationale coordonnée, réunit une quinzaine d'agences spatiales, dont celle des Etats-Unis (Nasa), de l'Europe (ESA), du Japon (Jaxa) mais aussi de la Chine (CNSA) et de la Russie (Roscosmos).

Dans les faits, "les Chinois sont peu présents" lors des réunions, remarque Patrick Michel, qui se montre plutôt optimiste. Voir les Etats-Unis et la Chine autour de la même table doit être interprété comme un signal encourageant, estime également auprès de franceinfo Jean-Claude Worms, directeur exécutif du Cospar, le comité international pour la recherche spatiale. Un comité qui, selon lui, retrouverait "le rôle qui lui a été donné lors de sa création en 1958, un pont ouvert" pour la coopération dans l'espace entre les Soviétiques et les Américains.

"Si on parle d'un événement à même de détruire des villes ou des régions entières de la planète, je pense qu'il se mettrait en place une coordination internationale entre les grandes puissances."

Jean-Claude Worms, directeur exécutif du Cospar

à franceinfo

Et ce, même si de nombreux détails pratiques restent à trancher, selon les spécialistes. Une mission de défense planétaire comporterait ainsi une "forte dimension technologique", un domaine dans lequel les échanges entre Américains et Chinois sont inenvisageables actuellement.

A qui la faute si la mission échoue ?

Face à la menace d'un astéroïde dévastateur naissent aussi de vertigineuses questions. Du moins, en l'état actuel des réflexions. "Si un objet arrive, que nous savons qu'il est impossible de totalement le dévier de la trajectoire de la Terre, mais que nous pouvons le faire tomber dans une région moins peuplée que celle prévue, où le faire tomber ? Comment les pays vont-ils se mettre d'accord pour cible le désert de Gobi plutôt que l'océan Pacifique, par exemple ? Ce n'est pas si simple", relève Jean-Claude Worms.

Une réponse internationale coordonnée pourrait suggérer une responsabilité commune. Pourtant, le "chacun pour soi" demeure. Patrick Michel explique qu'il existe au sein du groupe spécial de l'ONU une section en charge des affaires légales. Ses membres réfléchissent à une législation pour que l'agence missionnée soit protégée juridiquement en cas d'échec. "Celui qui lance [la sonde] ne veut pas être celui qui a failli", observe le responsable scientifique de la mission Hera. 

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