On vous présente Starliner, le taxi de l'espace de Boeing, qui doit décoller pour son premier vol habité vers l'ISS

Article rédigé par Louis San
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
La capsule Starliner de Boeing rejoint son pas de tir sur la base de Cap Canaveral, en Floride (Etats-Unis), le 16 avril 2024. (PAUL HENNESSY / AFP)
Cette capsule, qui entend concurrencer le Crew Dragon de SpaceX, a connu un développement chaotique et réalise tardivement son premier trajet vers la Station spatiale internationale avec deux astronautes américains à bord.

Un lancement pour mettre fin à une série noire ? La capsule spatiale de Boeing, Starliner, doit être lancée, dans la nuit du lundi 6 au mardi 7 mai, depuis la base de Cap Canaveral, en Floride (Etats-Unis), après des années de retard et de multiples déboires pour le groupe aéronautique américain. Starliner, sous contrat avec la Nasa, l'agence spatiale américaine, va réaliser son premier vol d'essai habité entre la Terre et la Station spatiale internationale (ISS). Franceinfo vous présente cet engin qui entend concurrencer la capsule Crew Dragon de SpaceX.

Il a été conçu pour être réutilisable

Deux astronautes, les Américains Barry Wilmore et Sunita Williams, doivent embarquer à bord du vaisseau spatial Starliner pour ce premier vol habité.

L'engin, qui fait 4,6 mètres de diamètre, peut contenir jusqu'à sept personnes, même si les équipes qui embarquent pour l'ISS ne comptent jamais plus de quatre membres.

Des membres d'équipes de la Nasa et de Boeing s'affairent autour d'une capsule Starliner qui a atterri au Nouveau Mexique (Etats-Unis), à l'issue d'un vol inhabité, le 25 mai 2022. (BILL INGALLS / NASA / AFP)

La capsule, conçue pour être réutilisable jusqu'à dix fois, doit être envoyée lundi dans l'espace à l'aide d'une fusée du groupe United Launch Alliance (ULA), entreprise américaine mêlant Boeing et Lockheed Martin, un poids lourd dans l'industrie de l'aéronautique et de l'aérospatial. Le lanceur en question est un Atlas V, un modèle qui a fait ses preuves.

Une fusée Atlas V d'ULA transportant une capsule Starliner de Boeing décolle de Cap Canaveral (Floride), le 19 mai 2022. (PAUL HENNESSY / ANADOLU AGENCY / AFP)

Outre les précédents lancements de Starliner, il a notamment été utilisé pour amener dans l'espace les rovers Curiosity et Perseverance, qui évoluent sur Mars, ou encore la sonde Insight, qui a écouté les secousses sismiques de la planète rouge.

Il doit faire des allers-retours vers l'ISS

Si Starliner arrive sur le devant la scène en 2024 avec son premier vol habité, son histoire n'est pas récente. Tout commence en 2011 lorsque la Nasa abandonne ses navettes pour effectuer des allers-retours vers l'ISS. Elle lance le Crew Commercial Program (CCP) pour trouver un nouveau moyen de réaliser ces trajets, en mettant en concurrence des acteurs privés. L'objectif : réduire les coûts et disposer en permanence d'un accès souverain à l'espace. L'idée est d'avoir constamment une solution de repli, si jamais un lanceur est affecté par un quelconque problème. En clair, il s'agit de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier.

Trois ans plus tard, en 2014, l'agence spatiale américaine sélectionne Boeing et SpaceX pour développer de nouveaux taxis spatiaux chargés de transporter des astronautes mais également du matériel et des vivres. L'enjeu est de taille pour les Etats-Unis car, sans leurs navettes spatiales, les Américains se retrouvent en situation de dépendance et doivent se replier sur les vaisseaux Soyouz russes pour se rendre à bord de l'ISS.

Il a été rapidement dépassé par SpaceX

En 2014, Boeing apparaît comme une valeur sûre face à SpaceX, société fondée par Elon Musk en 2002. Le groupe aéronautique américain, qui a vu le jour en 1916, est partenaire de la Nasa depuis de très longues années. Pour l'ISS, il s'agit même de son principal partenaire depuis 1993.

Mais au fil des développements, et de façon inattendue, SpaceX prend de l'avance. Alors que la firme d'Elon Musk engrange les réussites, Boeing doit écourter une mission en 2019, Starliner ne réussissant pas à rejoindre l'ISS. En 2020, SpaceX passe un seuil important en réalisant avec sa capsule Crew Dragon son premier vol habité vers l'ISS.

En 2021, Thomas Pesquet rejoint l'ISS en s'envolant à bord de Crew Dragon. Boeing se retrouve à renvoyer sa capsule à l'usine à cause de problèmes détectés sur le système de propulsion. Ce n'est qu'en mai 2022 qu'un Starliner parvient à rejoindre l'ISS sans encombre (mais sans humain à bord).

Relégué au second plan par SpaceX, Starliner a-t-il encore un intérêt pour la Nasa ? Il "reste une haute priorité pour le programme de la Station spatiale internationale", affirmait un responsable de la Nasa en août 2023"Nous sommes sur le point (...) d'étendre la capacité de notre agence à se rendre et revenir de la Station spatiale internationale, et c'est d'une importance vitale", a déclaré Barry Wilmore, lors d'une conférence de presse avant de s'envoler à bord de Starliner.

Il pourrait ne pas survivre à la fin de l'ISS

Quelle va être la durée de vie de Starliner ? Si l'ISS doit cesser son activité en 2030, d'autres stations orbitales (commerciales) sont à l'étude. Parmi elles, Orbital Reef, développée par Blue Origin (propriété du milliardaire Jeff Bezos, patron d'Amazon) et l'entreprise américaine Sierra Space, ou encore celle de la société américaine Axiom. Les compagnies impliquées dans Orbital Reef avaient évoqué la possibilité de recourir à Starliner pour desservir leur station, d'après le site TheVerge.com. Elles vont probablement suivre avec attention le déroulement de ce premier vol habité avant de nouer un éventuel partenariat.

"Toute la question pour Boeing est de savoir s'il va réussir à vendre cette capacité à d'autres clients que la Nasa", analyse Paul Wohrer, spécialiste des questions spatiales à l'Institut français des relations internationales (Ifri). Le chercheur souligne que les pertes pour le constructeur américain s'élèvent à un peu plus d'un milliard de dollars sur le contrat Starliner avec la Nasa. Paul Wohrer relève également que Starliner arrive à un moment délicat, alors que United Launch Alliance va changer de fusée, avec le déploiement de son lanceur lourd appelé Vulcan. "Boeing affirme que la capsule est adaptable [pour un autre lanceur], mais cela reste à voir", glisse cet expert. Après un retard à l'allumage, Starliner pourrait donc être confronté à des problèmes d'exploitation.

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