Facebook va assouplir ses règles sur l'identité "réelle" de ses abonnés
Facebook - LGBT 0-1 : c'est une bataille peu banale qui s'achève par des excuses du géant américain à la communauté des "drag queens et kings, des transgenres, et le groupe plus large de nos amis, de nos voisins, et des membres de la communauté LGBT pour les souffrances endurées". Et au-delà de cette communauté c'est une question bien plus large qui est soulevée : Facebook doit-il être la copie exacte de votre vie ? Quelqu'un peut-il vous forcer à faire de votre identité numérique votre réelle identité ?
Dans un message posté par un de ses reponsables mercredi, Facebook s'engage à revoir ses règles en matière d'identité "réelle", à travailler sur de nouveaux outils pour que "chacun d'entre nous puisse avoir sa propre identité en ligne", ouvrant la porte à l'utilisation de noms d'emprunt, de pseudos. A l'origine de cette décision : une mésaventure pour plusieurs personnes de la communauté LGBT américaine et plus particulièrement transsexuelles.
Facebook oblige à utiliser son "identité réelle"
Suite semble-t-il à un signalement indiquant que son compte était un faux, "j'ai été automatiquement déconnectée et mon compte a été suspendu parce que je n'utilisais pas mon vrai nom ", a expliqué Sister Roma, célèbre personnalité de la communauté LGBT aux Etats-Unis, à Daily Dot. "J'ai été forcé de changer mon nom en mon vrai nom, 'comme celui qui apparaît sur votre permis ou carte de crédit '", ajoute-t-elle.
En effet, si votre compte est signalé comme étant faux, Facebook vous demande aujourd'hui une preuve d'identité. Les termes du réseau social sont clairs, le réseau indique dans ses paramètres : "Facebook est une communauté dans laquelle les gens communiquent en utilisant leur identité réelle. Nous demandons aux utilisateurs d’utiliser leur vrai nom pour que chacun connaisse l’identité de son interlocuteur. Cela aide à garantir la sécurité de notre communauté." Et un peu plus loin : "Le nom que vous utilisez doit être votre vrai nom, tel qu’il apparaît sur votre carte de crédit, votre permis de conduire ou votre carte d’étudiant". Ce serait donc ces termes que Facebook s'engage à changer ?
Mobilisation de la communauté LGBT
Pour la communauté LGBT aux Etats-Unis, le début du problème remonte aux alentours du 10 septembre dernier. Des internautes commencent alors à signaler le fait que Facebook leur demande de justifier de leur identité. C'est le cas pour Sister Roma, 13.000 followers sur . Elle écrit : "La politique de changement de Facebook n'est pas cool. Je decide quel est mon VRAI nom, merci" :
I've about had it with @facebook - the name changing policy is so not cool. I decide what my REAL name is, thank you.
— Sister Roma (@SisterRoma) September 10, 2014
Puis le lendemain, elle ajoute : "cher Facebook, forcer les drag queen et ceux qui n'appartiennent à aucun genre à utiliser leur vrai nom est discriminatoire" :
Dear @facebook, forcing drag queens and gender noncomformative people to use their legal names is discriminatory. #MyNameIsRoma. pls RT.
— Sister Roma (@SisterRoma) September 11, 2014
Avant de proposer sa propre pièce d'identité un peu revisitée :
Dear @facebook this issue is not going away. #MyNameIsRoma. pic.twitter.com/nIag4gtEvS
— Sister Roma (@SisterRoma) September 12, 2014
C'est le début de la mobilisation contre cette demande du réseau social de justifier de son identité. Cette mésaventure est arrivée à plusieurs internautes, "ils m'ont eu aussi" dit par exemple celui-ci :
@SisterRoma they got me too pic.twitter.com/HI1CBYdgGY
— Boomer Banks (@Boomer_Banks) September 15, 2014
So @facebook is now demanding my ID to prove I exist. This name policy is insane. Stop harassing me. pic.twitter.com/4e5bMhJFkZ
— J.Son - NakedBoyNews (@NakedBoyNews) September 15, 2014
Un hashtag est créé, ainsi que plusieurs pétitions, pour dénoncer cette politique de Facebook jugée "injuste et discriminatoire" :
Tell @facebook their Legal Name Policy is unfair & discriminatory. Change your profile pic to #MyNameIs. Please RT. pic.twitter.com/FyqukADyXi
— Sister Roma (@SisterRoma) September 22, 2014
"Un impact sur notre communauté déjà vulnérable"
Dans une lettre déposée ce mercredi à Facebook (à lire ici), un groupe d'une centaine d'associations à l'origine de la mobilisation demande à Facebook de faire évoluer sa politique et s'explique. "La demande de Facebook de fournir une preuve d'identité concernant le "vrai nom" de chacun est injuste et disproportionnnée et a un impact sur notre communauté déjà vulnérable", expliquent les auteurs. "Cette politique entraîne des abus, certaines personnes utilisent cet outil pour cibler et harceler nos commuautés avec l'intention d'effacer nos comptes".
Le collectif égrène ensuite plusieurs faits, élargissant la question : les transexuels sont souvent incapables de changer leurs noms dans la vraie vie, leur demander de justifier d'une pièce d'identité peut donc conduire à "l'humiliation" ; certains ont besoin de porter en ligne le nom qu'ils portent sur scène lorsqu'ils sont artistes ; les immigrés peuvent avoir une difficulté à produire des pièces d'identité ; certains peuvent utiliser des pseudos pour éviter la persécution ; certaines personnes peuvent utiliser un autre nom pour des questions religieuses ; sans compter le cas des professeurs, psychiatres, travailleurs sociaux, ou juges qui peuvent préférer utliser un autre nom. Bref, tout le monde est concerné. Nous vous posions d'ailleurs la question récemment sur le compte Facebook de France Info.
Cette communauté demande donc à Facebook de revoir sa politique, en ce qui concerne notamment le fait de devoir montrer une pièce d'identité. Ils demandent également la possibilité de pouvoir faire appel d'un signalement de page.
Facebook promet de meilleurs outils pour les "Sister Romas du monde entier"
Face à la mobilisation, Facebook a bien été obligé de réagir, alors qu'une manifestation était prévue à San Francisco ce jeudi, à deux pas du siège du réseau social. A l'issue d'une réunion avec des responsables de Facebook, des représentants de ces minorités ont affirmé avoir trouvé une solution acceptable.
"La façon dont cela s'est passé nous a pris au dépourvu ", a indiqué mercredi un responsable du réseau social, Chris Cox, sur sa page Facebook. Selon lui, le problème a fait suite à un signalement : "Une personne a décidé de signaler comme étant des faux plusieurs centaines de comptes Facebook", "qui se sont retrouvés parmi les centaines de milliers de compte signalés comme faux chaque semaine, 99% d'entre eux étant des personnes mal intentionnées : usurpation d'identité, intimidation, violence, escroqueries, etc… " "Le processus de Facebook , poursuit le responsable, consiste alors à demander à ces comptes signalés de justifier d'une pièce d'identité mentionnant le nom utilisé pour le compte ". "Nous faisons cela depuis 10 ans, et jusqu'à récemment ça a bien marché ", dit Chris Cox.
Le responsable de Facebook ajoute : "c'est ce qui a fait de Facebook sa particularité dès le début, en se différanciant du reste du web où pseudonymes, anonymat, sont la règle ", ajoutant que cela permet de protéger les utilisateurs. Il argue que les histoires d'usurpation d'identité ou de violence en tous genres sont "souvent le fait de personnes se cachant derrière de faux noms ".
Mais "notre politique n'a jamais été de demander à chacun d'utiliser son vrai nom. L'esprit de notre politique est que chacun utilise le nom qu'il utilise dans la vraie vie ", assure Facebook.
"Pour soeur Roma, c'est soeur Roma, pour Lil Miss Hot Mess, c'est Lil Miss Hot Mess ", a-t-il ajouté faisant référence aux noms de scène de drag queens. Alors Facebook promet de construire de meilleurs outils pour authentifier les "Sister Romas du monde entier " mais sans pour autant ouvrir Facebook aux personnes mal intentionnées.
Sur sa page Facebook, Sister Roma, contrainte d'y porter dorénavant son vrai nom, réagit et indique notamment que Facebook a compris "qu'ils doivent changer leur définition de ce qu'est un "vrai" nom, et trouver une nouvelle façon d'identifer une personne ". Ces annonces de Facebook "sont un pas de géant ", ajoute-t-elle, "mais ce n'est pas fini ", "nous devons continuer à travailler avec eux pour que tout le monde, pas seulement la communauté LGBT, ait le droit d'utiliser la véritable identité qui lui convient et la protège ".
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