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Les milliers de satellites de SpaceX et Virgin vont-ils polluer l'espace ?

L'entreprise américaine et le géant britannique comptent lancer plus de 6 000 nouveaux satellites pour permettre l'accès à internet sur toute la planète. Des projets privés ambitieux qui pourraient aggraver le problème de la pollution spatiale. 

Article rédigé par Florian Delafoi
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
La capsule Dragon de SpaceX accrochée au bras manipulateur de la Station spatiale internationale pour la ravitailler, le 20 avril 2014.  (NASA / REUTERS )

A l'horizon 2020, des milliers de nouveaux satellites vont être déployés au-dessus de nos têtes. Les opérateurs privés SpaceX et Virgin ont pour ambition de permettre l'accès à l’internet haut débit à tous les habitants de la Terre grâce à une constellation d'appareils lancés à 1 200 kilomètres d'altitude. Du jamais-vu.

Aux manettes de ces projets, on trouve des patrons charismatiques qui rêvent depuis quelques années de conquérir l’espace : Elon Musk, à la tête de l’entreprise américaine SpaceX, et Richard Branson, le patron du groupe britannique Virgin. Le premier rêve de coloniser la planète Mars "d'ici dix à douze ans", relate 20 Minutes. Le deuxième souhaite développer le tourisme spatial grâce à Virgin Galactic. Un rêve freiné en octobre 2014 par le crash d’un vaisseau spatial qui a fait un mort et un blessé grave.

Mais il en faut plus pour stopper leur volonté de s’approprier l’espace. Dans le cadre du projet SpaceX, dont le coût est estimé à 10 milliards de dollars, Elon Musk compte déployer 4 000 satellites à l’horizon 2020. Ces appareils pourraient être accompagnés, à terme, de 2 400 satellites lancés par la mission OneWeb pilotée par Virgin et le géant américain Qualcomm. Francetv info s'interroge sur les conséquences de ces initiatives sur la pollution spatiale, déjà préoccupante selon plusieurs experts. 

Quelque 23 000 gros débris errent dans l'espace

La constellation de satellites qui devrait voir le jour pose la question de l’encombrement de l’espace et de sa possible pollution. Un problème qui n'est pas nouveau, comme le rappelle Christophe Bonnal, expert senior au Centre national d'études spatiales (Cnes), qui prévoit de lancer des ballons stratosphériques avec Google : "Il y a déjà énormément de débris dans l'espace. On estime à 23 000 le nombre de gros débris, de 10 centimètres et plus." 

Les déchets qui naviguent dans l'espace proviennent le plus souvent de vieux satellites qui ont connu une fin de vie explosive. Lors des premiers lancements, les appareils s'autodétruisaient par une surchauffe de leur carburant, créant des milliers de débris qui se dispersaient dans l'immensité de l'espace. On y trouve aussi des morceaux de fusée, des outils perdus par des astronautes ou encore des satellites abandonnés.  

Ce temps est révolu, mais les spécialistes des déchets spatiaux jugent toujours la situation préoccupante. Un satellite peut être pulvérisé par un débris de seulement un centimètre. En 2013, 350 chercheurs de 30 pays se sont réunis en Allemagne pour évoquer ce sujet lors de la 6e conférence européenne sur les débris spatiaux, organisée par l'Agence spatiale européenne (ESA), comme le rapportait Le Monde. L'objectif est de trouver des solutions pour "nettoyer" l'espace. 

Les satellites seront lancés dans un "désert" spatial

Elon Musk et Richard Branson comptent déployer leur flotte de satellites à 1 200 kilomètres d'altitude, explique L'Usine digitale. Une distance qui n'a pas été choisie au hasard. La zone étant très peu encombrée, les risques qu'un débris percute un autre satellite de télécommunications est minime. D'autant que "l'orbite située à 1 200 kilomètres d'altitude est extrêmement stable. Les satellites ne tomberont pas sur la Terre avant 5 000 ans", assure Christophe Bonnal. Leur durée de vie est de cinq à dix ans. A leur mort, ils seront dirigés vers l'océan Pacifique ou remontés à plus de 2 000 kilomètres dans l'espace, hauteur à laquelle ils ne causeront pas de dommages. Selon l'expert des débris spatiaux, l'entreprise SpaceX est aussi une habituée du pilotage de satellites. Des accords peuvent être passés entre ces entreprises et des agences spatiales telles que la Nasa pour mener à bien ces opérations. 

Le contrôle des appareils pourrait tout de même devenir un exercice périlleux si jamais les deux projets se concrétisent. Les experts dénombrent 1 000 satellites actifs au-dessus de nos têtes. L'effectif pourrait exploser si SpaceX et OneWeb colonisent la zone située à 1 200 kilomètres d'altitude. "C'est un dispositif phénoménal qui peut poser des questions sur les risques de collision", concède Christophe Bonnal. 

Une guerre économique source de dérives ?

Toute la difficulté est de s'assurer que les entreprises privées ne vont pas enfreindre la réglementation internationale. "Il faut s'assurer que tous ces acteurs vont respecter les règles, mais ils ont tout intérêt à le faire s'ils ne veulent pas apparaître comme des pollueurs", est convaincu l'ingénieur du Cnes. Les ingénieurs de SpaceX et OneWeb devront ainsi respecter un certain nombre de procédures, comme le rapatriement vers la Terre ou l'envoi plus haut dans l'espace de leurs satellites défectueux ou en fin de vie.

Les dérives ne sont cependant pas impossibles dans un contexte où la concurrence entre ces entreprises va s'intensifier dès le lancement des premiers engins. Contrairement à ce qu'avancent les dirigeants de SpaceX et OneWeb, "on n'offre pas un accès à l'internet, on le vend. L'enjeu est de connecter des gens afin de les faire entrer dans une sphère économique", souligne Jacques Arnould, chargé des questions éthiques au Cnes. Elon Musk et Richard Branson se lancent aussi dans une guerre de prestige où presque tous les coups stratégiques sont permis. Autrement dit, la pollution spatiale risque fort de ne pas être au premier rang de leurs préoccupations.

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