Rover chinois sur Mars : "Il n’y a pas de guerre froide" dans l'exploration au niveau scientifique, assure un planétologue français
"C'est assez international et utopiste", se réjouit François Forget.
François Forget, astrophysicien, planétologue, directeur de recherche au CNRS à l'Institut Pierre Simon Laplace, se déclare samedi 15 mai sur franceinfo "très impatient en tant que spécialiste de mars de rencontrer" ses "collègues chinois scientifiques dans les colloques" pour "discuter de leurs découvertes". Les Chinois ont réussi à poser sur Mars le robot d'exploration Zhurong et la Chine devient la deuxième puissance à disposer d'un rover pour explorer la planète rouge. Il l'assure, "il n’y a pas de guerre froide". L'exploration au niveau scientifique "est assez international et assez utopiste".
franceinfo : Les rovers chinois et américain sont-ils en concurrence dans le même domaine de recherche ?
François Forget : Oui et non. Perseverance n’était pas du tout le premier. Il avait été précédé par d'autres rovers américains : Curiosity, Opportunity et Spirit qui était un rover plus petit de 250 kilos. Curiosity et Perseverance, c’est une tonne avec beaucoup d'équipement. En plus, Perseverance prépare le retour d'échantillons. Il va sélectionner des roches qu'on va ramener sur Terre dans quelques années.
"Zhurong ressemble plus, finalement, à Spirit et Opportuny. Un robot géologue avec des roulettes."
François Forget, astrophysicien et planétologueà franceinfo
Il va se promener, faire des photos, analyser les roches et explorer un nouveau site. On ne peut pas parler de concurrence. C'est un peu comme si vous disiez : Il y a déjà eu un géologue dans le Massif central, pourquoi en envoyer un en Antarctique ? C’est tout à fait complémentaire.
Ce nouveau site a été choisi au hasard ou bien parce qu'il y a de fortes probabilités de trouver des traces de vie passée ?
On ne peut pas dire que ce soit vraiment sa mission au sens où il n'est pas équipé autant que Perseverance ou que, plus tard, ExoMars le rover européen pour chercher des traces de vie. Le site a été choisi parce qu’il fallait qu’il ne soit pas trop loin de l’Équateur et pas trop haut en altitude. C’est trop dur d’atterrir sur les hauts plateaux. Il n’y a pas plus d’endroits disponibles une fois qu’on a fait cette présélection. On sait qu’il y a de la glace dans le sous-sol et quand on cartographie cette glace, on a vu qu'il y avait une langue de glace sous terre qui semble exactement s’avancer là où est le rover Zhurong. Comme il équipé lui-même d'un petit radar local pour pouvoir sonder sous ses roues, on va essayer de mener l'enquête sur cette glace intrigante. On se demande si c'est de la glace qui s'est accumulée il y a très longtemps à l'époque, ou peut-être il y avait un océan gelé.
Les Chinois vont-ils communiquer les résultats de leurs recherches ?
L'exploration martienne est extrêmement internationale. Par exemple, les ingénieurs qui ont conçu la descente sur Mars ont travaillé avec mon équipe ici à Paris. Deux ingénieurs sont venus trois semaines il y a quelques années pour apprendre un peu mieux la météorologie, qui est une de nos spécialités. Ce qui est sûr, c'est que la collaboration avec les États-Unis, elle, est un peu refroidie. Il y a une vraie tension actuellement. Néanmoins, toutes les données que la Nasa produit sont disponibles, y compris pour les Chinois.
"C'est un mythe de croire que les Américains gardent des choses secrètes."
François Forgetà franceinfo
Les Chinois ont accès absolument à tout au même titre, quasiment, que les chercheurs américains. C'est une bonne question. On va voir si les Chinois vont mettre à disposition leurs données. Pour l'instant, on a quand même l'expérience des missions sur la Lune qui ont été des grands succès pour les robots chinois dans le passé récent. Il y avait quand même une communication. Moi, je suis très impatient, en tant que spécialiste de Mars, de rencontrer mes collègues chinois scientifiques dans les colloques où on va pouvoir discuter de leurs découvertes. C'est assez international et assez utopiste la recherche scientifique, l'exploration au niveau scientifique. On est très en échange et en communication. Il n’y a pas de guerre froide actuellement à ce niveau-là.
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