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Vie artificielle : des chercheurs parviennent à reconstituer un chromosome artificiel de la levure

Cette découverte devrait permettre de concevoir de nouveaux médicaments, des nutriments ou des biocarburants et même, à terme, une vie artificielle.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Reproduction d'une molécule d'ADN (en vert) et d'un chromosome (en rouge). (NSP / AFP)

Un pas de plus vers la vie artificielle. Des scientifiques du monde entier sont parvenus à produire un chromosome artificiel de la levure, rapporte la revue américaine Science (article payant, en anglais), jeudi 27 mars. C'est une avancée majeure dans le domaine émergent de la biologie synthétique, qui devrait permettre de concevoir de nouveaux médicaments, des nutriments ou des biocarburants, voire, à terme, d'"artificialiser la vie", comme l'explique Le Monde.fr.

"La biologie synthétique passe de la théorie à la réalité"

Jusqu'à présent, les chercheurs n'avaient réussi qu'à fabriquer des chromosomes de bactéries et de l'ADN viral, à l'architecture beaucoup plus simple. Cette fois, il aura fallu sept ans d'efforts à une équipe internationale de scientifiques pour construire ce génome et attacher 273 871 paires de base d'ADN de levure. Ce total est un peu inférieur à son équivalent naturel, qui en compte 316 667 exactement.

L'équipe de scientifiques a en effet effectué de nombreuses altérations à la base génétique de ce chromosome, retirant notamment des parties redondantes qui ne sont pas nécessaires pour la reproduction du chromosome et sa croissance. "Notre recherche a fait passer la biologie synthétique de la théorie à la réalité", estime Jef Boeke, directeur de l'Institut des systèmes génétiques au centre médical Langone de l'université de New York, qui a dirigé ce projet de recherche. Selon lui, "ces travaux représentent le plus grand pas d'un effort international pour construire le génome complet d'une levure synthétique".

Un "pari"

Ce chromosome eucaryote (une structure qui contient les gènes dans le noyau des cellules de tous les végétaux et animaux), qui a donc subi des modifications sans précédent, a été ensuite intégré dans des cellules vivantes de levure de bière. Ces dernières se sont comportées très normalement mais possédaient de nouvelles propriétés qui n'existent pas dans la levure naturelle, ont souligné les chercheurs, précisant que la levure possède 16 chromosomes au total, contre 23 pour l'être humain.

"Modifier le génome revient à faire un pari car un changement inapproprié peut tuer la cellule", relève le professeur Boeke. Il se félicite : "Nous avons procédé à plus de 50 000 changements dans le code ADN du chromosome et notre levure est toujours vivante, ce qui est remarquable."

"Une charte de bonne conduite" pour l'éthique

Forts de cette technique de réassemblage de ce chromosome, ces scientifiques vont à présent pouvoir manipuler le génome de la levure pour lui donner certaines propriétés. Ainsi, il devrait être désormais possible de développer des variétés synthétiques de levure capables de fabriquer des médicaments rares ou de produire certains vaccins, dont celui contre l'hépatite B qui est dérivé de la levure.

Des levures artificielles pourraient aussi être utilisées pour développer des biocarburants plus efficaces. Mais ces découvertes pourraient aussi, à terme, mener à une vie artificielle. "Les scientifiques mesurent-ils les enjeux éthiques, mais aussi de bio-sécurité liés à ces percées ?", s'interroge Le Monde.fr. Réponse de Romain Koszul, de l'Institut Pasteur, qui cosigné l'article de Science : "Même si la levure n'est pas considérée comme un organisme risqué (…), une charte de bonne conduite a été conçue pour encadrer ces travaux et signée par tous les participants."

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