Argentine : on vous explique l'anarcho-capitalisme, dont se revendique Javier Milei
Le nouveau président argentin Javier Milei, économiste ultralibéral et antisystème, souvent comparé à Donald Trump, se décrit lui-même comme un "anarcho-capitaliste". Derrière cette étiquette un peu étrange, et ces couleurs jaune et noir régulièrement brandies durant sa campagne, se cache un vrai courant économique et philosophique. L'anarcho-capitalisme, "anarcap" ou "ancap", est le plus libéral des courants ultralibéraux. Il puise à la fois aux sources des doctrines libérales et de l'anarchisme, même s'il s'oppose aux autres courants anarchistes de gauche.
L'idée principale, pour les anarcho-capitalistes, est un rejet de l'État, considéré comme illégitime, et de toute forme de contrat social, auquel est préféré le principe de l'association volontaire des individus. L'anarcho-capitalisme défend donc une société capitaliste sans État. Selon la formule de Pierre Lemieux, auteur d'un Que-Sais-je ? de référence sur le sujet (PUF, 1988), c'est "la doctrine selon laquelle une société capitaliste sans État est à la fois économiquement efficace et moralement souhaitable".
Une privatisation de tous les domaines
Là où l'"anarcap" diffère des autres courants de l'anarchisme, c'est qu'il défend le capitalisme et la propriété privée. Et les penseurs anarcho-capitalistes s'opposent à toute forme non-volontaire de distribution des richesses. Concrètement, les anarcho-capitalistes prônent ainsi une privatisation de tous les domaines, y compris des services de sécurité publique (police, tribunaux, défense nationale). Selon eux, la régulation assurée par le marché sera toujours plus efficace que celle d'un gouvernement. Et toujours selon eux, chaque être humain est pleinement propriétaire de lui-même et des fruits de son travail, et l'impôt est illégitime.
Les penseurs anarcho-capitalistes lient la propriété privée et la "pleine propriété de soi", et défendent le droit à l'avortement, au suicide, à la prostitution, au don ainsi qu'à la vente d'organes, etc... Sur ce point, Javier Milei, lui, est favorable à une "solution de marché" concernant le don d’organes mais se positionne clairement contre l’avortement.
Un courant de la mouvance libertarienne
L'anarcho-capitalisme ne naît pas avec Javier Milei, puisque c'est un courant de pensée qui puise dans les idées libérales classiques de John Locke et Adam Smith. Parmi ses promoteurs contemporains, deux figures se détachent : Murray Rothbard (1926-1995), auteur de The Libertarian Manifesto (1973), ou encore David Friedman, qui ont développé, avec d'autres, l'idée d'une société sans État et installé l'"anarcap" comme un des courants de la mouvance libertarienne. Une mouvance dont se réclame par exemple Elon Musk, l'un des premiers à avoir félicité Javier Milei pour son élection.
La bannière anarcho-capitaliste régulièrement brandie par Javier Milei et ses supporters est souvent accompagnée d'un autre symbole, le Gadsgen Flag : un drapeau jaune sur lequel on distingue un serpent à sonnette noir, avec un slogan provocateur : "Don't tread on me" (ne me marche pas dessus). Un drapeau devenu emblème des libertariens et de l'alt-right américaine, familière des supporters les plus radicaux de Donald Trump.
Comme un clin d'œil, les quatre chiens de Javier Milei sont tous baptisés du nom d'économistes et de penseurs libéraux, Murray, Milton, Robert et Lucas. Murray Rothbard, déjà évoqué ; Milton Friedman, économiste monétariste, fondateur de "l'école de Chicago" et inspirateur de la politique économique du général Pinochet au Chili et promoteur d'une "dollarisation" de l'économie ; puis Robert Lucas, autre théoricien d’une pensée ultralibérale.
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