Pourquoi faut-il sauver les chauves ?

Laurent Fabius et Pierre Moscovici la raie sur le côté, Louis Gallois coiffé en brosse, Bruce Willis avec un catogan et Michael Jordan grandi par une afro. Après des années d'insuccès, des chercheurs ont fait repousser des cheveux sur des souris en cultivant en laboratoire des cellules humaines du derme papillaire, indique une étude publiée lundi 21 octobre. 

En avril 2012, des scientifiques japonais avaient accompli une prouesse similaire, montrant au monde que, d'une part, les souris ne savent pas se coiffer (vidéo ci-dessous) et que, d'autre part, il existe enfin un espoir pour les millions d'hommes souffrant de calvitie. 

Francetv info s'est interrogé sur les conséquences de ces avancées scientifiques, plus révolutionnaires encore que vous ne l'imaginez. Car, dans un monde sans chauves…

… il sera difficile d'identifier en un coup d'œil les puissants de ce monde

"Messieurs Jeff Bezos (président-directeur général d’Amazon.com), Jeffrey Katzenberg (PDG de DreamWorks), Dan Akerson (PDG de General Motors), Steve Ballmer (PDG de Microsoft) : tous sont chauves. Un hasard ?" se demande Le Monde diplomatique dans une brève publiée en novembre 2012. A l'époque, une étude publiée dans la revue Social Psychological and Personality Science (PDF en anglais) assure que "les hommes dont le crâne est rasé sont perçus comme plus masculins, dominants et, parfois, comme susceptibles de devenir de meilleurs dirigeants". L'étude précise qu'il s'agit d'un revirement dans une psychologie humaine jadis épatée par les chevelus. Pour autant, elle ne dit pas que la prédominance des hommes âgés (et donc susceptibles de perdre leurs cheveux) parmi les puissants de ce monde a sans doute joué un rôle dans ce changement.

Dans le Wall Street Journal (lien en anglais, pour abonnés), Michael Cunningham, professeur à l’université de Louisville (Kentucky) et spécialiste des perceptions sociales de la calvitie, explique qu'un crâne nu est un moyen pour "la nature de dire au monde que vous êtes un dur". Une perception répandue dans la culture pop et parodiée par le site américain College Humour qui, en août, a conseillé à tous les hommes dégarnis de "se raser la tête et de se laisser pousser un bouc". 

… un fantasme difficilement établi disparaîtra trop tôt 

En raison d'un lien jadis tressé entre crâne chauve et testostérone, le lobby dégarni a longtemps entretenu l'idée selon laquelle les chauves sont objectivement plus "virils" que la moyenne. Et ce depuis Aristote et Hippocrate, note cet article de la BBC (en anglais), qui s'efforce de casser ce mythe en incriminant la génétique. Il n'empêche, les chauves, ou plutôt les hommes qui se rasent la tête, nuance un éditorialiste du New York Times dans une tribune-confession (en anglais), jouissent d'une nouvelle aura auprès des femmes. La presse féminine le relève régulièrement, comme ici ou là. 

En fait, "les hommes ont davantage tendance à voir les hommes chauves d'une manière négative", expliquait déjà en 2001 le journaliste Gersh Kuntzman au site américain Salon (en anglais). Auteur d'un livre sur les cheveux et leur perte à travers les âges, il assure que seules 30% des femmes associent la calvitie à la vieillesse et à la laideur, contre 69% des hommes. Le comédien américain Larry David confirme : "Les femmes adorent les hommes chauves et confiants. C'est facile d'être confiant avec la tête couverte de cheveux. Mais sans ? C'est la perle rare."  

… un secteur d'activité florissant agonisera lentement

En France, une greffe d'implants coûte entre 5 000 et 10 000 euros, en fonction de la méthode utilisée. Ce business a notamment fait la réussite financière de chirurgiens comme, au hasard, Jérôme Cahuzac. Selon la Société internationale de restauration capillaire, deux milliards de dollars sont dépensés à travers le monde chaque année en chirurgie censée parer la chute, rappelle The Independant (en anglais). Rien qu'en Chine, les ventes de shampooings traitants ont bondi de 90% en cinq ans, pour constituer un marché de 16,4 millions de dollars en 2012, rapporte Businessweek (en anglais). Une fois la question capillaire réglée, qu'adviendra-t-il de cette économie florissante ? Elle stagnera, pour le plus grand plaisir de Bill Gates, en croisade contre les implants capillaires. 

"D'un point de vue humaniste, ce dont nous avons le plus besoin, c'est d'un vaccin contre le paludisme. Or, la recherche ne bénéficie pratiquement d'aucun fonds, déplore régulièrement le milliardaire américain et philantrope. En revanche, si vous travaillez sur la lutte contre la calvitie des hommes, vous obtenez les fonds de recherche que vous désirez." En attendant, il invite les riches à verser aux laboratoires l'équivalent de leur budget implants. Au point de gronder Silvio Berlusconi (lien en anglais).

… les Russes plongeront peut-être dans une phase d'incertitude politique

"Lénine était chauve. Staline, le chevelu, s’est imposé. Gorbatchev était chauve. Eltsine, le chevelu, l’a emporté…" Alors que les Russes se rendaient aux urnes en 2008 pour élire leur président, un éditorialiste moscovite s'est fait l'écho de la blague qui amuse le tout-Moscou. En Russie, depuis le tsar Nicolas Ier, un chauve succède à un chevelu et ainsi de suite, relève le quotidien belge Le Soir. Soit 188 ans que les Russes disposent d'un indice on ne peut plus clair(semé) sur le futur chef d'Etat. Bref, sans chauves, plus de certitudes. 

… l'alopophobie disparaîtra 

Ultime conséquence d'un remède contre la calvitie : la peur des chauves, l'alopophobie, disparaîtra définitivement. Pour un mot que nous venions d'apprendre, admettez que ce serait dommage.