Cocaïne : un douanier, qui a défilé au 14 juillet, suspecté d’avoir aidé des trafiquants de drogue à éviter des contrôles
Des millions de Français ont pu l’apercevoir quelques secondes à la télévision, le 14 juillet 2022. Arme au bras, la démarche fière, honoré de défiler sur les Champs-Élysées devant le président de la République et son ministre de tutelle, Gabriel Attal. Un douanier de 35 ans, B., a été interpellé et placé en garde à vue pour trafic de cocaïne mercredi 8 mars, a appris franceinfo jeudi 9 mars de source proche du dossier, confirmant une information du Parisien.
Le suspect avait même eu droit aux honneurs de son portrait dressé par sa hiérarchie, juste avant le défilé sur les Champs-Élysées. "Si B. a décidé de défiler en ce 14 juillet 2022, c’est avant tout pour partager la fierté qu’il a de représenter l’administration qui lui a donné une chance en le recrutant", peut-on lire sur le site internet des douanes. "Ses affaires sont nombreuses et les contentieux parfois insolites. Il garde en mémoire notamment cette affaire de cocaïne dissimulée à l’intérieur de plusieurs noix de coco. Au total, deux kilos de cocaïne sont récupérés par B. et son équipe". C’est notamment grâce à ce fait d’arme qu’il avait pu défiler à Paris.
Deux ans d'enquête
Cette saisie effectuée par le douanier, qui a d’abord travaillé au port du Havre, pourrait donc prêter à sourire si les soupçons contre lui n’étaient pas aussi graves. Car B., interpellé mercredi 8 mars dans l'après-midi avec 12 autres personnes par la police judiciaire de Versailles, est en effet suspecté d'avoir aidé des trafiquants de cocaïne à échapper à des contrôles.
Les interpellations, qui ont eu lieu en même temps à l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle et en région parisienne en pleine journée, sont le fruit d’un travail de surveillance de la Brigade de recherche et d'intervention (BRI). Les gardes à vue, qui se tiennent toutes à Evry-Courcouronnes (Essonne), peuvent durer jusqu’à 96 heures sous la supervision de la Juridiction interrégionale spécialisée (Jirs) de Paris.
Dans un communiqué publié vendredi 10 mars, le ministre chargé des Comptes publics Gabriel Attal affirme être "respectueux de la présomption d'innocence" et qu'il "suivra avec la plus grande attention les conclusions judiciaires sur ce dossier." "Cette affaire illustre la menace que représente le trafic de stupéfiants et la criminalité organisée pour notre pays, nos institutions et notre souveraineté", affirme-t-il, rappelant "des niveaux de saisie de cocaïne jamais rencontrés en France" en 2022.
Jusqu'à 50 000 euros par valise de cocaïne
L’enquête commence il y a deux ans, lorsque les policiers de l’antenne d’Evry (Essonne) de la police judiciaire de Versailles s’aperçoivent d’un drôle de manège. Des passagers fantômes, munis de billets, se rendent en zone d'embarquement. Au lieu de monter dans l'avion, ils se dirigent vers la zone des bagages et quittent l'aéroport avec une à deux valises de 30 kilos chacune, remplies de cocaïne pour un montant avoisinant les quatre millions d'euros, selon les cours actuels des prix de vente au détail de la poudre blanche. Le scénario se répète chaque semaine, et les enquêteurs se rendent compte que cela se passe à chaque fois que le douanier B. travaille.
Le suspect encadrait quotidiennement une vingtaine d’agents dans un des terminaux de l'aéroport Roissy-Charles de Gaulle, où il gérait notamment les plannings et écrivait les procès-verbaux. Il est soupçonné d’avoir pleinement profité du trafic. Les enquêteurs estiment qu’il a touché entre 45 000 et 50 000 euros par valise de cocaïne qui partait de l’aéroport. B. est aussi soupçonné d’avoir investi dans l’immobilier au Sénégal, son pays d’origine. Lorsqu’il a été arrêté en compagnie de passagers fantômes - des mules, dans le jargon policier - deux valises contenant 60 kilos de cocaïne ont été saisies. Elles provenaient du Mexique ou de Colombie. Les enquêteurs travaillent activement pour retracer le parcours de la drogue.
13 interpellations
Les trafiquants interpellés en même temps que le douanier sont des "criminels de haut vol", selon les mots d’un fin connaisseur du dossier qu’a pu joindre franceinfo. Parmi eux, deux frères bien connus de la justice, les frères D., considérés à ce stade de l’enquête comme les organisateurs du trafic et implantés dans la cité de la Grande Borne à Grigny (Essonne).
La cocaïne qu’ils arrivaient à faire passer par Roissy était ensuite acheminée partout en région parisienne, pour alimenter le marché de la drogue en Île-de-France. Les enquêteurs estiment, après de longs mois de surveillance et un travail de terrain auprès de ce groupe très mobile, que leur patience a payé. Certains membres de ce groupe ont notamment été aperçus au Maroc ou à Megève (Haute-Savoie). Toute la difficulté de la BRI a été d’arrêter ces 13 personnes en même temps en Île-de-France. Mercredi 8 mars dans l'après-midi, "les planètes étaient alignées" selon une source proche de l’enquête.
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