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Hommage à Gisèle Halimi : "Il y avait en elle une force, une rage, elle ne supportait pas l'injustice", confie son amie la journaliste Annick Cojean

Amie de longue date de Gisèle Halimi, la journaliste Annick Cojean salue l'hommage rendu ce mercredi 8 mars à la grande figure féministe décédé en 2020 par Emmanuel Macron. Pour elle, cet hommage est un préalable à une éventuelle panthéonisation.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Annick Cojean, au festival du livre et du film de Saint-Malo en 2016. (JOEL LE GALL / MAXPPP)

En ce mercredi 8 mars, journée internationale des droits des femmes, un hommage national est rendu à l'avocate et grande figure féministe Gisèle Halimi, décédée en 2020. Emmanuel Macron va prononcer un discours au Palais de justice de Paris. "Tous les féministes, hommes et femmes, ne peuvent que se réjouir de cet hommage", réagit Annick Cojean, amie de longue date de Gisèle Halimi et journaliste au Monde. Elle a écrit avec l'ancienne avocate le livre "Une farouche liberté", un recueil d'entretiens. La journaliste, qui sera présente à l’hommage, loue une "grande féministe", qui "ne supportait pas l'injustice."

franceinfo : Peut-on dire que Gisèle Halimi était une rebelle, quelqu'un qui détestait par-dessus tout les injustices ?

Annick Cojean : Elle disait toujours : "La justice est la grande affaire de ma vie". La justice était son oxygène, c'était sa façon d'exister. Son père disait toujours : "Mais tu n'as que ce mot-là à la bouche, 'c'est pas juste'". Je la vois encore à 92 ans, à 93 ans, dire "c'est toujours pas juste". Il y avait en elle une force, une rage, une "rage mauvaise", disait-elle, mais pas une rage sauvage. Elle ne supportait pas l'injustice. C'est pour ça qu'elle avait choisi ce beau métier d'avocate à la fois pour combattre les injustices, mais pour changer le monde. Je pense qu'on honore aujourd'hui l'avocate française la plus célèbre de France. Mais aussi une combattante. Elle racontait que sa toute première rébellion, c'était en Tunisie, là où elle a grandi. Elle a dix ans, elle décide qu'elle en a marre de tout faire à la maison, d'être en quelque sorte la "boniche", alors que ses frères ne font absolument rien. Et à dix ans, elle se lance dans ce qu'elle a appelé une grève de la faim. C'est devenu un peu une légende ! C'était tout simplement un cri de révolte devant ses parents. Et au bout de trois jours, elle a gagné !

On ne peut pas parler de Gisèle Halimi sans évoquer le procès de 1972 à Bobigny, quand elle défend une jeune fille qui a avorté après un viol. Est-ce qu'on peut dire qu'elle a ouvert la voie ?

Effectivement, elle a pavé la voie. A la barre, elle a affirmé : "Moi aussi j'ai transgressé la loi, moi aussi j'ai avorté." C'était dingue, il fallait beaucoup de courage. Rien ne lui faisait peur. Elle a assumé jusqu'au bout son engagement et c'est vrai que c'était la première fois qu'on entendait à la barre quelqu'un revendiquant avoir fait quelque chose qui était totalement interdit. Elle s'est battue complètement pour la cause de l'avortement, qui était celle de la liberté des femmes à disposer de leur corps et à disposer de leur destin. C'est le nom d'ailleurs de l'association qu'elle a créé "Choisir", choisir de donner la vie ou pas. Elle a pavé la voie, surtout à la loi Simone Veil, votée deux ans plus tard. Elle a travaillé avec Simone Veil d'ailleurs parce que ce n'était pas une femme sectaire, c'était une femme de gauche, mais qui tendait des mains, qui a toujours travaillé aussi avec des femmes de droite.

Depuis sa mort, la question de son entrée au Panthéon se pose. Emmanuel Macron hésite, notamment parce que, dans sa carrière d'avocate, Gisèle Halimi a défendu les indépendantistes Algériens du FLN. Est-ce que c'est une objection valable pour vous à son arrivée au Panthéon ?

Au contraire, en geste de réconciliation entre les deux pays cette entrée au Panthéon serait un geste symbolique et formidable. Et puis, au Panthéon, ce serait une grande féministe, l'une des plus grandes féministes qui entrerait. Et donc, je pense que tous les féministes, hommes et femmes, devraient s'en réjouir. Je pense que la voie n'est absolument pas fermée. C'est vrai que c'est une longue procédure. Je pense que l'hommage est déjà un préalable, qu'on attendait depuis deux ans et demi parce qu'il n'y avait rien eu pour ses obsèques. Donc réjouissons-nous de cet hommage. Je pense que tous les féministes peuvent se réjouir qu'enfin on l'honore, qu'enfin on déclare que c'est une héroïne, qu'elle s'est battue pour les droits et libertés des femmes.

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