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Hommage national à Gisèle Halimi : on vous explique la polémique autour de la cérémonie présidée par Emmanuel Macron

En plein mouvement social contre la réforme des retraites, plusieurs personnalités refusent de s'associer à l'hommage rendu par l'Elysée à l'avocate féministe. A commencer par l'un de ses fils, Serge Halimi.
Article rédigé par Clément Parrot
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
L'avocate et militante féministe Gisèle Halimi lors du Salon du livre à Paris, le 14 mars 2009. (PIERRE-JEAN GROUILLE / AFP)

L'affaire prend une tournure très politique. Emmanuel Macron préside un hommage national à l'avocate et militante féministe Gisèle Halimi, mercredi 8 mars, à l'occasion de la journée internationale des droits des femmes. Mais la cérémonie n'est pas du goût de tout le monde. Serge Halimi, l'un des fils de l'avocate, et plusieurs associations féministes ont déjà annoncé leur intention de ne pas y participer. "La décision de l'Elysée intervient après plus de deux ans de tergiversations", justifie notamment Serge Halimi.

Depuis la disparition de la militante féministe, le 28 juillet 2020 à 93 ans, la présidence de la République cherche avec difficulté la bonne date et le lieu adéquat pour lui rendre hommage. En 2020, un déplacement du chef de l'Etat au Liban, peu après l'explosion dans le port de Beyrouth, avait contraint l'Elysée à repousser l'événement. Puis une deuxième date avait été évoquée au début de l'année 2022, mais l'hommage n'avait finalement pas eu lieu. 

A quoi va ressembler l'hommage organisé par l'Elysée ?

Emmanuel Macron doit présider un hommage national à Gisèle Halimi, mercredi à partir de 14 heures, au palais de justice de Paris. Initialement, le président de la République avait évoqué dans un discours le 4 mars 2020 "la cour des Invalides", mais le caractère militaire du lieu ne convenait pas à plusieurs membres de la famille. Lors d'une cérémonie d'environ deux heures, le chef de l'Etat doit prononcer un discours pour honorer la mémoire de l'avocate, "évoquer son parcours et ses combats, et rappeler ce que la France lui doit", détaille à franceinfo un conseiller présidentiel.

Selon ce conseiller, Emmanuel Macron évoquera notamment ses combats "contre la colonisation et la guerre d'Algérie", "contre la peine de mort", pour "la légalisation de l'IVG" ou encore "pour la dépénalisation de l'homosexualité". Jean-Yves Halimi, fils aîné de Gisèle Halimi, doit également prendre la parole en ouverture de la cérémonie. Interrogé par l'AFP, ce dernier s'est dit "on ne peut plus satisfait" qu'un hommage national soit rendu à sa mère. 

Pourquoi cet hommage est-il critiqué (et en partie boycotté) ?

Le choix de l'Elysée ne fait pour autant pas l'unanimité. La cérémonie sera notamment boycottée par Serge Halimi, deuxième fils de l'avocate. "Le pays est mobilisé contre une réforme des retraites extrêmement injuste, dont les femmes qui occupent les métiers les plus difficiles seront les premières victimes. Ma mère aurait défendu leur cause et manifesté à leurs côtés", a-t-il expliqué.

Le fils de la militante féministe n'a pas non plus apprécié la manière de faire de la présidence de la République. Selon nos informations, un conseiller de l'Elysée a contacté le journaliste du Monde diplomatique par SMS le 1er mars pour lui annoncer la tenue de cet hommage une semaine plus tard. Pourtant, l'exécutif assure que la date était fixée bien avant l'annonce d'une journée de mobilisation contre la réforme des retraites.

La position de Serge Halimi rejoint celle de l'association Choisir la cause des femmes, fondée par Gisèle Halimi et Simone de Beauvoir en 1971. "Les membres du bureau se sont dits à l'unanimité que Gisèle Halimi n'aurait jamais accepté une chose pareille", explique à franceinfo Violaine Lucas, la présidente de l'association. "Le président de la République met en place une réforme des retraites qui va pénaliser les femmes, donc on ne peut pas s'associer à cet hommage et cela nous choque."

"Comment ont-ils pu s'imaginer qu'on allait participer à cette instrumentalisation politique ?"

Violaine Lucas, présidente de Choisir la cause des femmes

à franceinfo

Sur la méthode, Violaine Lucas s'en prend également à l'Elysée. "On a reçu un simple mail le 2 mars au matin sur l'adresse de l'association. Ils me demandaient mes coordonnées pour pouvoir m'envoyer une invitation. On nous prévient six jours avant, alors qu'on a déjà un événement au Parlement européen prévu le 8 mars", s'agace-t-elle.

Selon l'association, Anne Tonglet, l'une des deux femmes défendues par Gisèle Halimi en 1978 lors de l'emblématique procès d'Aix-en-Provence qui a ouvert la voie à la reconnaissance du viol comme crime en France, ne se rendra pas non plus à l'hommage. Cette dernière a assuré "être déçue de tant de mépris". Enfin, la présidente de la Fondation des femmes, Anne-Cécile Mailfert, ne se rendra pas non plus à l'hommage rendu au palais de justice. "Ma place est dans la rue, et c'est comme ça qu'on lui rendra le plus bel hommage", a expliqué la militante sur franceinfo.

Que répond l'Elysée face à ces critiques ?

L'Elysée rejette le "procès" fait par Serge Halimi et défend le choix de la date malgré le contexte politique. Le 8 mars, journée internationale des droits des femmes, "fait écho aux combats menés par Gisèle Halimi", explique un conseiller de l'Elysée, refusant de mélanger l'actualité de la réforme des retraites et la figure de l'avocate féministe. "Un hommage national est toujours un temps de rassemblement, de communion, de dépassement de tous les clivages politiques", regrette ce même conseiller.

"Ceux qui ne veulent pas s'associer sont dans un combat politique qu'ils mènent en leur conscience."

Un conseiller de l'Elysée

à franceinfo

Sur la méthode, l'Elysée se justifie en expliquant que "Serge Halimi s'est toujours désintéressé de cet hommage". Le militant de gauche avait expliqué en novembre dans le journal Le Monde que la mémoire de sa mère pouvait "parfaitement se dispenser d'un discours d'hommage d'Emmanuel Macron".

Les partisans de cet hommage du 8 mars ne se trouvent pas uniquement au palais de l'Elysée. Le journaliste Thomas Legrand n'hésite pas ainsi à convoquer la mémoire de son ami, le journaliste Emmanuel Faux, troisième fils de Gisèle Halimi, disparu l'été dernier. "Il était l'un des inspirateurs de cet hommage à cette date symbolique et au palais de justice de Paris, lieu que Gisèle Halimi a tant fréquenté", détaille Thomas Legrand dans son éditorial publié mardi dans Libération. "L'hommage de la République (plus que celui du président) à la femme qui a eu raison, dans une période où le vent réactionnaire et illibéral souffle sur le monde et la France, ne sera pas inutile aux oreilles qui l'entendront. En attendant, peut-être un jour, le Panthéon."

Où en est l'idée d'une entrée au Panthéon ?

Derrière la polémique liée à l'hommage national plane aussi la déception de proches et de militantes féministes qui réclament l'entrée de Gisèle Halimi au Panthéon. Cette panthéonisation a d'ailleurs été recommandée par l'historien Benjamin Stora à Emmanuel Macron, parmi une vingtaine de préconisations "pour réconcilier les mémoires" entre la France et l'Algérie. Une pétition lancée en octobre 2020 a également récolté plus de 35 000 signatures.

Depuis, Emmanuel Macron semble jouer la montre. "On sent une gêne" du côté de l'Elysée, "et on ne peut pas s'empêcher de penser 'Oui à Baker, non à Halimi'", avait confié à Public Sénat le sénateur socialiste Rachid Temal, au moment de l'annonce de la panthéonisation de Joséphine Baker.

Le processus d'entrée de Gisèle Halimi au Panthéon "est toujours à l'étude et sera mené jusqu'à son terme", assure l'Elysée à franceinfo. "Une entrée au Panthéon est toujours un processus de temps long, à l'exception de Victor Hugo et Simone Veil. Et ce ne doit pas être la revanche d'une partie du pays contre une autre."

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