Pénurie de gynécologues : "Les compétences des sages-femmes sont sous-utilisées"
Franceinfo a interrogé Marie-Anne Poumaer, présidente de l'Union nationale et syndicale des sages-femmes.
Trouver un gynécologue est de plus en plus compliqué. Pénurie de praticiens, difficulté à prendre rendez-vous rapidement et importants dépassements d'honoraires peuvent dissuader les femmes de consulter ces spécialistes. Comment combler ce vide ? Il faut "former des médecins", en ouvrant le numerus clausus, expliquait à franceinfo Bertrand de Rochambeau, président du Syndicat national des gynécologues et obstétriciens de France (Syngof), mercredi 27 décembre. Une option que le ministère de la Santé ne semble pas envisager. Mais les sages-femmes peuvent, en partie, pallier le manque de gynécologues, comme l'explique Marie-Anne Poumaer, présidente de l'Union nationale et syndicale des sages-femmes, à franceinfo.
franceinfo : Que peuvent faire les sages-femmes pour pallier la pénurie de gynécologues médicaux en France ?
Marie-Anne Poumaer : Depuis la loi de santé de 2009, les sages-femmes ont le droit de pratiquer les consultations gynécologiques de prévention. Elles réalisent les frottis et peuvent dépister un cancer, prescrire des examens. Elles ont aussi la possibilité de prescrire tous les moyens de contraception, et même de poser et retirer un stérilet ou un implant contraceptif. Depuis 2016, elles ont aussi le droit de prescrire et pratiquer les IVG médicamenteuses. Les sages-femmes sont aussi habilitées à faire des vaccins. Avec un diplôme universitaire supplémentaire, elles peuvent en outre devenir échographistes. Nous sommes donc parfaitement capables d'assurer le suivi gynécologique des femmes en bonne santé, même quand elles ne sont pas enceintes.
A quel moment les sages-femmes passent-elles le relais aux gynécologues ?
La limite, c'est la maladie. Les sages-femmes ont la connaissance de la pathologie, mais pas la compétence pour la traiter. Nous sommes des spécialistes de la santé des femmes, en premier recours, mais à partir du moment où une patiente présente une pathologie, même non gynécologique, ou si une sage-femme reçoit par exemple un résultat de frottis anormal, elle adresse la patiente à un spécialiste, comme le font les généralistes. La plupart du temps, nous travaillons main dans la main avec les gynécologues, et nous avons des référents à qui adresser nos patientes. Il existe d'ailleurs des maisons de santé et des cabinets médicaux où sages-femmes, généralistes et gynécologues travaillent ensemble.
Pourtant, les sages-femmes sont encore souvent considérées comme des spécialistes de la grossesse et sont peu consultées par les femmes qui n'ont jamais été enceintes. Comment l'expliquez-vous ?
C'est un déficit de communication. Le public n'est pas informé de nos compétences. Nous nous battons depuis longtemps pour que les publications officielles mentionnent notre profession, pendant les campagnes de lutte contre le cancer, par exemple. La Sécurité sociale précise pourtant que nous pouvons réaliser les frottis de dépistage du cancer du col de l'utérus, mais avec d'autres organismes nous devons toujours nous battre pour être reconnues. C'est dommage, cette sous-utilisation des compétences des sages-femmes est désolante. D'autant que d'un point de vue de l'accès aux soins, les sages-femmes sont nombreuses, en cabinet, et ne pratiquent pas de dépassements d'honoraires.
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