Résultats du Bac : c'est "sans doute le résultat d'une politique qui vise à ce qu'il y ait davantage de bacheliers"
Pour le sociologue Pierre Merle, les bacheliers d'aujourd'hui ne sont pas d'un meilleur niveau que les bacheliers d'hier.
88,3% des candidats qui ont passé le baccalauréat en juin 2018 ont été admis, selon les résultats définitifs communiqués vendredi 13 juillet par le ministère de l'Education nationale, soit une hausse de 0,4 point par rapport à la session 2017.
Pour Pierre Merle, sociologue et auteur de "Les Pratiques d’évaluation scolaire", invité de franceinfo vendredi 13 juillet, les bons résultats de cette année sont "sans doute le résultat d'une politique qui vise à ce qu'il y ait davantage de bacheliers." Selon lui, "les épreuves sont peut-être plus accessibles et notées de façon plus indulgentes par les correcteurs." Mais il estime qu'on "ne peut pas dire que les bacheliers d'aujourd'hui soient d'un meilleur niveau que les bacheliers d'hier." Face au sentiment que "le bac est donné à tout le monde", Pierre Merle trouve l'expression "blessante et humiliante." C'est un discours "anti-scolaire qui n'est pas favorable aux élèves et à leurs efforts."
franceinfo : Quels sont les éléments remarquables des résultats du baccalauréat cette année ?
Pierre Merle : On assiste à une inflation des mentions qui tient sans doute au fait que les épreuves sont peut-être plus accessibles et notées de façon plus indulgentes par les correcteurs. Il y a des commissions d'harmonisation qui amènent les correcteurs à avoir une évaluation très barèmée. Et ce barème est très indulgent. C'est sans doute le résultat d'une politique qui vise à ce qu'il y ait davantage de bacheliers. [Mais] Il ne faut pas oublier que, par rapport au slogan "le bac est donné", 10 ou 12% d'échec, c'est 75 000 ou 80 000 candidats qui ne l'ont pas. Ce n'est pas rien.
On assiste à une hausse de 10 points du taux de bacheliers en 20 ans. Est-ce que le niveau des élèves a autant progressé ?
On ne peut pas dire que les bacheliers d'aujourd'hui soient d'un meilleur niveau que les bacheliers d'hier. Tout dépend des types de bac. Les épreuves ont changé, les programmes ont changé, les difficultés ne sont pas les mêmes, donc c'est très difficile de comparer dans le temps. Il ne faut pas en déduire que le bac est donné mais il est probablement plus facile à obtenir aujourd'hui qu'hier.
Est-ce qu'il n'y pas une forme de condescendance à estimer que le baccalauréat est donné ?
Cette expression "le bac est donné à tout le monde" est un peu blessante et humiliante pour les professeurs qui préparent leurs élèves et pour les élèves qui, toute l'année, ont ce stress, s'accrochent et réussissent à faire mieux que ce qu'ils auraient fait s'il n'y avait pas le bac. De ce point de vue, il y a un discours très critique et très dévalorisant de l'effort. Valoriser l'effort réalisé par les élèves, c'est le rôle des professeurs. Et la société ne doit pas avoir ce discours critique. C'est aussi en encourageant que les élèves se mobilisent et progressent. Il y a un discours qui est anti-scolaire et qui n'est pas favorable aux élèves et à leurs efforts. Le bac est une barrière à franchir, un rituel. Demain, ils pourront, pour une part d'entre eux, tenter leur chance à l'université. Si le bac n'existait pas, il y aurait des concours d'entrée dans chaque université. Ce serait un système qui serait moins satisfaisant.
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