"C'est une logique comptable" : les suppressions de postes au sein de l'Éducation nationale scandalisent les syndicats
Des suppressions de postes qui ne passent pas. Le monde de l'éducation est en ébullition après la présentation, jeudi 10 octobre, du projet de loi de finances pour 2025. Le gouvernement prévoit de supprimer 4 000 postes d'enseignants, dont 3 155 dans le premier degré dans les écoles maternelles et élémentaires publiques. Le gouvernement justifie ces suppressions de postes par la baisse du nombre d'élèves.
À la rentrée 2025, il y aura 97 000 élèves en moins dans le public et le privé. La chute démographique est une réalité dans les classes depuis 2017, avec une baisse de 300 000 élèves. Et selon les projections, cette tendance va continuer jusqu'en 2027. Au vu de ces chiffres, "on aurait pu supprimer 1 000 postes supplémentaires", relativise le ministère de l'Éducation.
"Il y avait plein de solutions"
Des propos qui mettent en colère Guislaine David, co-secrétaire générale du SNUipp-FSU, le premier syndicat d'enseignant en maternelle et en primaire. "Cela dépend vraiment de la politique que l'on veut mener. On a une baisse démographique en France, c'est indéniable. Mais est-ce qu'on veut profiter de cette baisse pour réparer l'école parce qu'elle ne va pas bien en ce moment et que l'on nous demande toujours d'en faire plus ?, demande-t-elle. C'est-à-dire qu'il faut régler les problèmes d'inclusion, de harcèlement ou réduire les inégalités scolaires. La barque est déjà chargée pour les enseignants alors qu'en face, on ne nous donne pas forcément les moyens de faire correctement les choses."
Il s'agit d'"une saignée monstrueuse pour l'Éducation nationale", "une honte absolue", a déploré dans un communiqué le Snalc, le syndicat du personnel de l'Éducation nationale et de l'enseignement dans les collèges et lycées. "C'est une logique comptable, déplore sur franceinfo Isabelle Lafargue, secrétaire générale de la fédération de parents d'élèves Peep. Il y a moins d'élèves donc on supprime des postes. On ne pense pas comment mieux accompagner les élèves qui sont déjà à l'école et qui sont en difficulté."
"On va enlever des postes de professeurs dans le premier degré, mais les moyens doivent être mis dans le premier degré. C'est là où il faut mettre le paquet."
Isabelle Lafargue, secrétaire générale de la Peepà franceinfo
"Plutôt que de toucher aux postes, il y avait plein de solutions", affirme sur franceinfo, Audrey Chanonat, syndicat national des personnels de direction de l'Éducation nationale (SNPDEN), qui cite en exemple, "la suppression du service national universel" ou les coûts des "tentatives de généralisation de l’uniforme". "Des centaines de milliers d’euros qui auraient pu permettre de préserver des postes. Ce sont des choix politiques", déplore la secrétaire nationale du SNPDEN.
En contrepartie des 4 000 suppressions de postes d’enseignants sur 850 000 au total, le gouvernement annonce la création de 2 000 postes d’AESH (accompagnant des élèves en situation de handicap). Une mesure "saluée" par le SNPDEN, "mais ce n’est pas une révolution, ces postes devaient être créés. Donc c’est un peu une pirouette budgétaire", souligne Audrey Chanonat.
De fortes disparités régionales
Le ministère de l'Éducation nationale assure qu'il y aura toujours autant de professeurs devant les élèves et que le taux d'encadrement pourra même être amélioré. Dans le premier degré, qui est le plus touché, les élèves sont entre 21 et 22 par classe en moyenne. "Le niveau le plus bas jamais atteint depuis qu'il est mesuré", souligne le ministère. Mais ces chiffres sont une moyenne et ne reflètent pas la réalité.
Une moyenne qui gomme les grosses disparités en fonction des secteurs. On peut encore trouver 30 élèves par classe en maternelle par exemple. À l'inverse, dans les territoires ruraux, certaines classes à plusieurs niveaux n'ont qu'une quinzaine d'élèves. Ce sont elles "qui risquent de trinquer et de fermer", selon le SNUipp-FSU qui rappelle que plus de 1 300 postes ont déjà été supprimés ces deux dernières années et que des milliers de classes ont disparu. Le syndicat dénonce un "sabordage de l'école publique" et un "manque d'investissement chronique".
Pourtant, le ministère assure que le budget de l'Éducation nationale est le plus important de l'État, avec 63 milliards d'euros en 2025, soit une hausse de plus de 800 millions d'euros par rapport à 2024. Mais les syndicats d'enseignants rappellent que l'on part de loin, puisque 700 millions d'euros ont été rabotés dans le budget en 2023.
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