"Certaines situations de harcèlement peuvent durer 24 heures sur 24", alerte Noémya Grohan, une ancienne victime
Rires, silences consentants... Noémya Grohan, fondatrice de l’association Génér’action Solidaire qui intervient dans les établissements scolaires, insiste sur "la notion d'empathie qui manque à ces élèves".
Avec les réseaux sociaux, "certaines situations de harcèlement peuvent durer 24 heures sur 24", a alerté mercredi 10 mars sur franceinfo Noémya Grohan, elle-même victime de harcèlement scolaire de 11 à 14 ans. "Ce type de situation peut très vite prendre de l'ampleur" et devenir grave, témoigne-t-elle alors qu'une adolescente, victime de harcèlement, est morte lundi dans le Val-d'Oise, frappée et poussé dans la Seine par deux camarades.
Lors de ses actions de prévention dans les établissements scolaires, Noémya Grohan "alerte sur les dangers de ces réseaux sociaux et sur l'importance de se protéger au maximum, notamment en mettant en place un pseudo". Elle a témoigné dans le livre De la rage dans mon cartable publié en 2014 et a fondé l’association Génér’action Solidaire qui intervient dans les établissements scolaires.
franceinfo : Vous avez été victime de harcèlement lorsque vous étiez au collège, comment ça se passait ?
Le harcèlement a commencé dès mon entrée au collège en 6ème, notamment dans un premier temps par un surnom dévalorisant. Et cette situation a duré pendant toute ma scolarité jusqu'à la fin de mon année de 3ème. C'étaient des élèves de ma classe dans un premier temps et ensuite, ça a pris de l'ampleur avec également d'autres élèves d'autres classes, parfois plus âgées que moi. Ça se passait partout, souvent dans des endroits un peu cachés de la cour de récréation, dans la salle de classe quand le professeur avait le dos, dans les vestiaires, aux alentours de l'établissement et aussi dans le bus scolaire. À l'époque, quand ça m'est tombé dessus, je n'ai pas compris ce qui m'arrivait et je me suis complètement renfermée sur moi-même. Comme personne ne réagissait, j'ai fini par penser que j'avais mérité cette situation et je me suis vraiment retrouvé dans un cercle vicieux, dans le silence.
Et chez vous après le collège, qu'est-ce-que ce que vous vous disiez ?
Quand je rentrais chez moi, j'ai cherché à cacher cette réalité à ma famille parce que j'avais un sentiment de culpabilité qui grandissait en moi, alors que j'étais 100% victime, je n'avais à aucun moment mérité ces situations. J'avais tout temps le sourire à la maison. À l'époque, les réseaux sociaux, le téléphone n'étaient pas développés. Donc quand je rentrais, j'avais un espace serein où je pouvais respirer et évacuer. Mais malheureusement je n'ai pas réussi à en parler.
Aujourd'hui il y a également la question des réseaux sociaux, c'est le cas dans l'affaire d'Argenteuil avec des photos dénudées qui ont circulé. Comment on libère cette parole-là ?
C'est vrai que maintenant avec le cyberharcèlement qui se rajoute, certaines situations peuvent aujourd'hui durer 24 heures sur 24 puisque ces situations de harcèlement peuvent continuer même hors les murs de l'établissement. Quand j'interviens pour faire de la prévention dans les établissements, j'alerte aussi sur les dangers de ces réseaux sociaux et sur l'importance de se protéger au maximum, notamment par exemple en mettant en place un pseudo au lieu de mettre son vrai nom, en ne divulguant pas des informations trop personnelles. C'est un moyen de se protéger parce qu'il est vrai que ce type de situation peut très vite prendre de l'ampleur.
Que dites-vous aux élèves qui peuvent parfois se faire porter par une forme d'effet de groupe ?
Je pense que c'est important de mentionner la notion d'empathie qui manque à ces élèves qui se retrouvent auteurs de certaines situations et qui, bien souvent, sont poussés par le groupe. Il y a vraiment ce phénomène de groupe qui est conséquent dans ces situations de harcèlement. Ils sont influencés parce qu'il y a des rires, parce qu'il y a un silence consentant. C'est vraiment important de dire que le harcèlement a des conséquences graves. Ce n'est pas anodin, ce n'est pas juste pour rire comme parfois on peut l'entendre. Ils n'ont pas forcément cette notion de gravité. Je leur conseille de se dire, "si j'étais à sa place, moi je ressentirais telles émotions, des émotions négatives". Moi j'ai d'ailleurs développé un jeu de société coopératif, justement pour sensibiliser aussi les témoins et ceux qui peuvent se retrouver dans ce rôle d'auteur pour stopper ces situations.
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