Cinq clichés sur le harcèlement à l'école passés au crible
Plus de 700 000 enfants seraient victimes chaque année de violences et de harcèlement à l'école. Un phénomène entouré de nombreux préjugés. Décryptage.
Tandis que l'Education nationale organise la première journée nationale de lutte contre le harcèlement scolaire, jeudi 5 novembre, de nombreux clichés persistent sur ces violences, dont 700 000 élèves seraient victimes chaque année, selon le ministère de l'Education nationale. Avec l'aide d'Emmanuelle Piquet, psychopraticienne et fondatrice du Centre contre le chagrin scolaire, francetv info décrypte quelques-unes de ces idées reçues.
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1"Les harceleurs viennent de milieux défavorisés"
C'est faux. Pour Emmanuelle Piquet, "le harcèlement peut arriver à n'importe quel gamin, autant pour le harcelé que pour le harceleur". Le phénomène touche tous les milieux sans distinction de lieu ou de classe socio-économique. "Les cas observés concernent autant les enfants dits 'bien élevés' que ceux délaissés par leurs parents", explique la psychologue.
Elle insiste cependant sur l'importance du groupe dans le harcèlement : il est rare qu'un harceleur agisse seul contre plusieurs élèves. Selon la spécialiste, la pression sociale est considérable et les élèves qui se rendent coupables de harcèlement scolaire sont souvent en recherche de popularité pour pouvoir exister dans la classe. "En défendant leurs camarades, les enfants ont tout à perdre et rien à gagner", analyse-t-elle.
2"Etre victime de moqueries forge le caractère"
"C'est horrible de penser ça", s'insurge la psychologue. Le harcèlement apparaît souvent à l'entrée de l'adolescence : à cet âge-là, les enfants sont particulièrement vulnérables. Mais les persécutions peuvent avoir lieu avant le collège : l'Education nationale estime que 12% des élèves d'école primaire seraient victimes de harcèlement à l'école, contre seulement 3,4% au lycée. Selon la spécialiste, "il existe un risque de traumatisme à moyen terme : les victimes de harcèlement sont plus timides et ont du mal à entrer en contact avec les autres".
3"En ignorant son harceleur, il finira par se lasser"
Faire le dos rond. Voilà un très mauvais conseil que donnent souvent les parents à leurs enfants. Le harcèlement, c'est une exploitation de la faiblesse et ne pas réagir est la pire des solutions. C'est ce que défend Emmanuelle Piquet : "L'isolement et la tristesse sont visibles, et le bourreau verra le manque de réaction comme une absence de conséquences à son geste."
4"Les victimes sont ciblées à cause de leur physique"
"C'est n'importe quoi", s'emporte Emmanuelle Piquet. "Nous sommes tous vulnérables à un moment ou à un autre, il n'y a pas de plus ou moins faible." La psychologue dénonce une idée fausse, relayée par les pouvoirs publics : "On montre toujours le petit roux et timide, mais le harcèlement ne s'arrête pas à l'apparence. Les enfants trouvent la moindre faiblesse à exploiter pour nourrir leurs moqueries."
5"C'est un phénomène nouveau venu d’internet"
S'il est indéniable que les réseaux sociaux jouent un rôle clé dans la chaîne du harcèlement, pour Emmanuelle Piquet, internet n'est pas la source du problème, mais plutôt "une caisse de résonance" à un problème plus profond. Autrement dit : internet change la forme du problème, pas sa nature. Les enfants ont toujours été cruels entre eux.
Cependant, la psychologue prévient de l'émergence nouvelle d'une véritable quête de reconnaissance par les autres que mènent les adolescents et leurs parents. "Quand un enfant rentre de l'école, on ne lui demande plus s'il a eu des bonnes notes, mais plutôt s'il s'est fait des amis", raconte-t-elle. Et de continuer : "L'amitié devient une source d'angoisse, c'est très inquiétant."
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