Ils ont été victimes de harcèlement scolaire et racontent leur bataille pour s'en sortir
En France, près d'un enfant sur dix est victime de persécutions à l'école. D'anciennes victimes de harcèlement ont accepté de revenir sur cette expérience douloureuse. Témoignages.
Le gouvernement lance, jeudi 5 novembre, sa première journée nationale consacrée à la lutte contre le harcèlement scolaire. Depuis des dizaines d'années, enfants et adolescents sont victimes de violences physiques et morales qu'ils devront porter tout au long de leur vie d'adulte. Comment échapper à un tel fléau lorsqu'il est vécu au quotidien ? Francetv info a donné la parole à cinq victimes*. Elles témoignent de leur expérience et de comment elles l'ont surmontée.
>> Victime de harcèlement ? Vous pouvez témoigner anonymement sur la plate-forme de France Télévisions
Marion, 30 ans : "Ce ne sont que des menaces"
Quand ça a commencé. En classe de première. Dès le début de l'année, j'ai été prise pour cible à cause de mon physique. Mais la situation a dérapé lorsque notre professeur a mis la main sur une fausse pétition des élèves pour demander de m'euthanasier. De là, l'enseignant a essayé d'intervenir en en parlant aux délégués. Ça n'a fait qu'empirer. On me traitait de balance, certains avaient même fait imprimer un tee-shirt pour m'insulter. J'étais complètement isolée.
Comment elle s'en est sortie. Grâce au soutien de mes professeurs, qui voyaient que j'avais du potentiel, que je pouvais m'en sortir. J'ai finalement prévenu le conseiller principal d'éducation de mon lycée, qui est intervenu. Plusieurs de mes bourreaux ont été exclus. Le plus important selon moi, c'est d'en parler aux adultes. Quand on est enfant, on se laisse embarquer par nos problèmes, et on a peur des représailles. Mais ce ne sont que des menaces.
Ses projets d'avenir. Grâce à mes notes, j'ai pu ensuite partir en DUT, puis j'ai fait une licence de droit et même un master. Maintenant, j'aimerais devenir greffière, je me prépare donc aux concours de la fonction publique.
Jérémy, 22 ans : "J'ai dû arrêter mes études"
Quand ça a commencé. Les brimades sur mon physique ont commencé lorsque j'avais 11 ans, à l'entrée en sixième. Les gens se moquaient de ma démarche qui était un peu différente à cause d'une maladie. Rapidement, toute la classe me vidait ma trousse à chaque cours. Je me suis fait tabasser plusieurs fois, et les choses se sont aggravées pour atteindre le harcèlement sexuel. J'ai été suivi psychologiquement et j'ai dû arrêter mes études à la fin de la quatrième.
Comment il s'en est sorti. J'ai écrit beaucoup de poèmes, c'était libérateur. Les choses se sont arrangées quand je suis entré en CAP serveur-restauration. Les élèves étaient plus matures, c'était un changement radical. Mais il m'a fallu onze ans pour que mes parents apprennent ce qui s'était passé. Il ne faut pas s'isoler…
Ses projets d'avenir. Depuis, j'ai fait du harcèlement à l'école mon combat. J'ai écrit une autobiographie pour témoigner de mon expérience et milite avec l'association Joue pas avec ma vie pour sensibiliser aux risques de ce fléau.
Camille, 28 ans : "On est plus forts que les caïds"
Quand ça a commencé. J'avais 10 ans et demi quand je suis rentrée dans le secondaire avec un an et demi d'avance, dans une école catholique. Certaines filles étaient jalouses de ça. Elles me lançaient des objets, m'insultaient. Mes parents ne comprenaient pas, ils me disaient d'ignorer, mais n'avaient pas toujours le bon conseil au bon moment.
Comment elle s'en est sortie. Même si j'étais isolée, j'avais quelques camarades qui étaient avec moi pour me défendre. Un jour, pendant une retraite, j'ai craqué devant mes camarades. Nous étions tous assis en cercle, et je me suis confrontée à ceux qui me persécutaient. En larmes, je leur ai demandé pourquoi ils faisaient ça. Ils étaient assez penauds, je pense qu'ils ne se rendaient pas compte du mal qu'ils faisaient. Il faut se défendre. On nous dit d'ignorer, mais ça n'aide pas vraiment. Ce qu'il faut se dire, c'est qu'on est plus forts que les caïds d'écoles qui nous persécutent, et qu'on ira plus loin qu'eux.
Ses projets d'avenir. Maintenant, je suis juriste pour un média national. Pendant ma fac de droit, j'ai réussi à m'affirmer, et je pense que cette épreuve a forgé ma personnalité.
Louis, 20 ans : "Personne ne m'a protégé"
Quand ça a commencé. En seconde, avec ma bande d'amis, nous étions très proches des surveillants du lycée. Un jour, en discutant, nous avons donné le nom d'un groupe d'élèves qui taguaient les couloirs d'insultes. Lorsque la CPE les a punis, elle leur a donné mon nom. Je suis devenu leur cible. Ils me menaçaient, m'insultaient, me coupaient les cheveux en classe. Je n'osais plus sortir dans la cour ou rester seul devant l'école, de peur de représailles. Les professeurs savaient, mais ne faisaient rien. Personne ne m'a protégé.
Comment il s'en est sorti. Grâce à mes parents, qui ont insisté auprès de la CPE pour que je change de lycée. Je n'ai jamais revu mes harceleurs, mais je suis tombé dans la dépression. Ce n'est que trois ans plus tard que j'ai réalisé que ces persécutions étaient bien du harcèlement. C'est en mettant des mots sur ce que j'avais vécu que j'ai réalisé à quel point c'était grave, que j'étais une victime. C'est là que j'ai pu reprendre confiance. Je pense qu'il faut sensibiliser les pouvoirs publics. Le personnel encadrant doit savoir réagir. Les situations de harcèlement sont terribles, et poussent parfois des enfants au suicide. Il faut agir, et vite.
Ses projets d'avenir. Maintenant, je suis apprenti journaliste. J'ai réussi à m'affranchir de cette situation. J'ai quitté Toulouse pour rejoindre Paris, et je travaille dans une grande rédaction. J'ai arrêté d'écouter mon entourage pour enfin faire ce que je voulais faire.
Amélie, 25 ans : "On ne peut pas oublier"
Quand ça a commencé. A mon entrée dans un lycée professionnel, dans l'Oise, une fille ne pouvait pas me voir. Elle a réussi à mettre le reste de la classe de son côté. Ensemble, ils faisaient tout pour que je craque : lancers de gommes, insultes, croche-pieds dans les couloirs…
Comment elle s'en est sortie. J'avais deux ou trois amis qui me comprenaient. Mais c'est surtout grâce à mes professeurs, qui surveillaient nos classes. A la fin de la deuxième année, j'ai changé de filière, ça m'a permis de m'éloigner de ce groupe. Je les croisais de temps en temps dans les couloirs, mais s'attaquer à moi ne les intéressait plus. Elles avaient trouvé une nouvelle cible.
Ses projets d'avenir. Je suis secrétaire de mairie. Je fais aussi partie d'une association de danse, où je suis très soutenue. Mais on ne peut pas oublier une épreuve comme celle-ci, elle reste avec nous, quoi qu'on fasse.
* Les prénoms ont été changés
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