Procès du meurtre d'Alisha : trois questions sur la mort de cette adolescente de 14 ans harcelée par deux camarades
Les deux accusés, âgés de 15 ans à l'époque des faits, avaient partagé sur Snapchat des photos de la victime en sous-vêtements. Ils lui avaient tendu un guet-apens à la veille de leur passage en conseil de discipline.
L'affaire avait choqué et nourri le débat sur les conséquences du harcèlement scolaire. Un an après la mort d'Alisha, 14 ans, dont le cadavre avait été retrouvé dans la Seine à Argenteuil (Val-d'Oise), deux de ses camarades de classe, âgés de 15 ans au moment des faits, sont jugés pour "assassinat" à Pontoise, du lundi 3 au jeudi 6 avril. Le procès se tiendra à huis clos. Les deux adolescents risquent jusqu'à 20 ans de prison ferme. Franceinfo vous rappelle les principaux points du dossier.
Que s'était-il passé ?
Le 8 mars 2021, Alisha avait retrouvé J., une des deux accusés, sur un quai de la Seine à Argenteuil, un lieu isolé au pied d'un viaduc de l'autoroute A15. Un guet-apens tendu par les deux mis en cause : le second, T., attendait caché derrière un pilier, d'après Eric Corbaux, le procureur de Pontoise, se basant sur leurs déclarations en garde à vue.
Le garçon avait alors violemment frappé la victime, lui assénant des coups de poing puis des coups de pied à la tête. Avant de jeter la jeune fille dans la Seine avec sa coaccusée. En mars 2021, le procureur avait expliqué que les deux adolescents "voulaient faire disparaître les traces des violences commises".
Alisha était alors encore consciente. Selon le procureur, les accusés ont reconnu qu'elle avait les yeux ouverts. L'autopsie a relevé "des hématomes importants sur le crâne" mais conclu à "une mort asphyxique pouvant s'accorder avec une mort par noyade".
Après les faits, T. était retourné à son domicile. Là, il avait affirmé à sa mère que lui et sa petite amie, J., venaient de "frapper une jeune fille" et qu'elle était "tombée dans la Seine". C'est cette mère qui a prévenu le commissariat d'Argenteuil le jour même, en début de soirée, après avoir découvert les vêtements tachés de sang de son fils.
Dans le même temps, la mère d'Alisha, inquiète de ne pas avoir de nouvelles, a signalé sa disparition à la police. Le corps de l'adolescente a été retrouvé dans la soirée, dans la Seine, au pied du lieu où elle avait été agressée. T. et J., réfugiés chez une connaissance, ont été interpellés dans la nuit. Deux jours plus tard, le 10 mars, ils étaient mis en examen et placés en détention provisoire.
Quelles étaient les relations d'Alisha avec les deux accusés ?
Alisha, T. et J. étaient "trois amis au début", avait expliqué le procureur au moment des faits. Ils s'étaient rencontrés quelques mois plus tôt, à la rentrée, dans leur classe d'un lycée professionnel d'Argenteuil. "Puis il y a eu des relations sentimentales entre les uns et les autres", selon Eric Corbaux. D'abord entre Alisha et T., puis entre T. et J. Malgré ce scénario, "les deux jeunes filles avaient gardé une relation amicale", qui s'était ensuite envenimée.
Dans les semaines précédant sa mort, Alisha avait vu son téléphone piraté. T. et J. avaient diffusé sur le réseau social Snapchat des photos montrant la jeune fille en sous-vêtements. Une altercation avait également opposé la victime et J. dans leur lycée. L'établissement avait temporairement exclu les deux mis en cause pour une "situation de tension entre ces trois élèves". T. et J. devaient passer en conseil de discipline le 9 mars 2021, lendemain des faits.
Lors d'une marche blanche organisée une semaine plus tard, réunissant plus de 2 000 personnes, des banderoles proclamaient "Non au revenge porn" et "Stop au harcèlement". Le gouvernement avait réagi à cette affaire, la ministre chargée de la Citoyenneté Marlène Schiappa annonçant la création d'"un comité contre le harcèlement". Une annonce qui ne semble cependant pas s'être concrétisée depuis.
Que risquent les deux adolescents ?
Les deux accusés avaient été mis en examen pour "assassinat", l'enquête ayant fait émerger des éléments suggérant une préméditation. Selon Le Parisien, l'enquête a mis au jour des échanges dans lesquels les deux adolescents évoquent un assassinat et des recherches en ligne de T. sur la peine encourue par le meurtrier d'une personne mineure.
Les avocats des accusés ne se sont pas exprimés en amont du procès qui débute lundi. "Ce serait bien de ne pas juger coupables ces enfants à l'emporte-pièce, en conférence de presse", avait écrit sur Twitter l'avocat Frank Berton, qui assure la défense du garçon, en mars 2021. "Il y a une instruction, il y aura un procès, mon client a le droit à une défense."
Etant âgés de 15 ans à l'époque des faits, J. et T. n'encourent pas la réclusion criminelle à perpétuité, mais une peine maximale de 20 ans. La majorité pénale est fixée à 18 ans. Détenus dans des quartiers spécifiques pour mineurs, ils seront jugés par un tribunal pour enfants, dont les audiences se déroulent toujours à huis clos.
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