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Fuites de sujets, blocages de lycées... Que risque-t-on à perturber les "E3C", les épreuves de contrôle continu du nouveau bac ?

Des épreuves de contrôle continu du nouveau baccalauréat ont été perturbées depuis lundi, dans certains lycées. Que risque-t-on à perturber le déroulé des épreuves? Focus de franceinfo au cas par cas.

Article rédigé par franceinfo - Cellule Vrai du Faux
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Publié Mis à jour
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Des lycéens manifestent contre les épreuves communes de contrôle continu du baccalauréat tandis que d'autres attendent de passer leur examen, le 20 janvier 2020 au lycée René Cassin de Montfort-sur-Meu, en Ile-et-Vilaine (DAMIEN MEYER / AFP)

Grèves de surveillance, refus de corriger les copies ou de transmettre copies et notes, fuites de sujets, blocages d'établissements... Plusieurs actions ont eu lieu ou sont envisagées pour empêcher la tenue des "E3C", les épreuves communes de contrôle continu du nouveau bac, en classe de première. Le déroulé des premières E3C a parfois été perturbé, depuis lundi 20 janvier. Des actions souvent relayées sur les réseaux sociaux. Enseignants, parents d'élèves, élèves ou manifestants extérieurs aux établissements s'exposent-ils à des sanctions ? La cellule Vrai du Faux vous explique.

Que se passe-t-il si on refuse de surveiller des épreuves ou de corriger des copies ?

Comme lors des épreuves du baccalauréat 2019, certains enseignants envisagent ou ont décidé de ne pas surveiller les épreuves de contrôle continu, de ne pas corriger ou remettre les copies ou de ne pas transmettre les notes des élèves. D'autres refusent en amont de choisir des sujets de contrôle continu dans la banque de sujets prévue à cet effet. 

Ces professeurs, considérés comme grévistes, s'exposent avant tout à des retenues sur salaire pour la ou les journée(s) où ils n'auraient pas effectué le travail prévu. Il ne peut, en soi, être reproché aux enseignants de faire grève. Si la participation aux examens est une obligation, comme le précise le Code de l'Education, le droit de grève est constitutionnel - et inscrit dans le préambule de la Constitution.

Certaines actions spécifiques (comme le fait d'empêcher d'autres enseignants de surveiller les examens en bloquant une salle, ou le fait de retenir des copies) peuvent néanmoins donner lieu à des sanctions disciplinaires voire à des poursuites, déterminées au cas par cas, lorsqu'elles reviennent à entraver le bon fonctionnement d'établissements.

"Il y a des gens qui sont allés très loin dans leur manière d'agir" avait ainsi déclaré en juillet 2019 le ministre de l'Education Jean-Michel Blanquer. "Chaque personne est un cas particulier. Il n'y a pas de sanction collective. Chaque cas sera apprécié", avait ajouté le ministre, citant le cas de jurys "empêchés de siéger physiquement". 

Le ministère de l'Education a, dimanche 19 janvier, précisé que 500 enseignants avaient été rappelés à l'ordre et que cinquante avaient écopé d'une sanction disciplinaire (rappel à l'ordre, avertissement ou blâme) pour avoir pris part à la grève des corrections et de la surveillance du baccalauréat 2019. 4 000 enseignants ont par ailleurs, selon le ministère, eu des retenues sur salaires correspondant à une ou plusieurs journée(s) de travail. 

Depuis le début des E3C du nouveau bac, une proviseure d'un lycée de Montbrison (Loire) a quant à elle porté plainte contre treize enseignants pour "obstruction au bon fonctionnement du service public" après que des enseignants ont, lundi 20 janvier, retenu pendant quelques heures les copies à l'issue de l'épreuve de langues, dans le cadre des E3C. Les enseignants de l'établissement dénoncent dans un communiqué une répression qui leur semble disproportionnée.

Que risque-t-on à bloquer ou envahir un établissement?

Légalement, le blocage total d'un lycée entre dans le champ de l'entrave à la libre circulation. Bloquer totalement l'accès à un lieu de travail et empêcher des non-grévistes d'aller travailler est illégal et peut également donner lieu à des sanctions disciplinaires. 

Le fait, par ailleurs, de "pénétrer ou de se maintenir dans l'enceinte d'un établissement scolaire, public ou privé, sans y être habilité (...) ou avoir été autorisé par les autorités compétentes, dans le but de troubler la tranquillité ou le bon ordre" de cet établissement, est passible d'un an d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende, ainsi que le stipule le Code de l'éducation.

Lorsque le délit est commis en réunion (à partir de deux personnes) ou par une personne porteuse d'une arme, les peines peuvent être portées à trois ans de prison et 45 000 euros d'amende. Si les blocages s'accompagnent de dégradations, de violences ou de menaces, des poursuites peuvent être engagées pour les délits correspondants. 

Et si on divulgue un sujet ?

Frauder à un examen est en soi un délit. L'article 2 de la loi du 23 décembre 1901 réprimant les fraudes dans les examens et concours publics stipule que "quiconque se sera rendu coupable d'un délit de cette nature, notamment en livrant à un tiers ou en communiquant sciemment, avant l'examen ou le concours, à quelqu'une des parties intéressées, le texte ou le sujet de l'épreuve (...) sera condamné à un emprisonnement de trois ans et à une amende de 9 000 euros ou à l'une de ces peines seulement"

Les cas de fraudes peuvent aussi donner lieu à des sanctions disciplinaires (blâme, interdiction de participer à tout examen de l'Éducation nationale pendant cinq ans maximum, interdiction de s'inscrire dans un établissement public d'enseignement supérieur pendant cinq ans maximum...).

Un flou juridique et administratif entoure le cas des épreuves communes de contrôle continu du nouveau baccalauréat. Celles-ci ne sont pas organisées au même moment dans toute la France. Chaque lycée a un mois et demi pour les organiser et sélectionner des énoncés dans une banque nationale de sujets. Dès lundi 20 janvier, des élèves ont, à l'issue de leurs E3C, partagé sur les réseaux sociaux ou sur des forums les sujets sur lesquels ils avaient composé. Dans la mesure où leur épreuve était terminée, cette divulgation ne semble pas entrer dans le champ de la loi réprimant les fraudes puisque la loi sanctionne le fait de livrer un sujet "avant l'examen ou le concours".

Cela dit, si l'épreuve est terminée pour certains, elle n'a pas encore été passée par d'autres. Statistiquement, il semble peu probable qu'un élève passant une épreuve dans un lycée immédiatement après la divulgation d'un sujet par un élève d'un autre établissement ait à travailler exactement sur le même intitulé (il y a par exemple plusieurs centaines de sujets dans la banque de sujets en histoire-géographie). En revanche, la probabilité augmente au fil du temps et de la divulgation des intitulés. Les derniers élèves passant les épreuves fin février - au bout d'un mois et demi - auront en effet eu potentiellement connaissance de nombreux sujets sur des forums ou les réseaux sociaux. 

Dans l'académie d'Orléans-Tours, une cheffe d'établissement a quant à elle orienté les révisions des élèves quelques jours avant l'E3C d'histoire-géographie, en précisant les chapitres et les thèmes sur lesquels porteraient les sujets. "Dans le cadre d'un contrôle continu, les professeurs peuvent donner des indications à leurs élèves", a commenté le rectorat qui admet cela dit qu'il ne s'agissait pas d'une "consigne nationale". 

Pour le Snes-FSU, premier syndicat du secondaire, il s'agit de problématiques induisant une rupture d'égalité entre les élèves qui n'ont "probablement pas été anticipées" par le ministère. Interrogé par franceinfo, le ministère de l'Education n'a pas souhaité se prononcer sur ces questions. 

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