Covid-19 : le président de l'Université Lyon 3 appelle à "une prise de conscience nationale" face à la détresse des étudiants
Selon Eric Carpano, la crise du Covid-19 a remis en cause "le lien social qui fondait l'université". Il demande la mise en place de cellules d'accompagnement psychologique.
Eric Carpano, le président de de l’Université Jean Moulin Lyon 3, a appelé lundi 11 janvier sur franceinfo à "une prise de conscience nationale quant à l'urgence" de la détresse psychologique des étudiants, alors qu'un étudiant en droit de l'université Lyon 3 s'est défenestré de sa résidence samedi. Avec la crise du Covid-19, "il y a une remise en cause du lien social qui fondait l'université", estime Eric Carpano. Selon lui, "la priorité absolue, c'est de mettre en place des cellules d'accompagnement psychologique".
franceinfo : Comment les étudiants vivent-ils le drame de cet étudiant qui s'est défenestré ?
Eric Carpano : Cela intervient dans un contexte de tension, d'anxiété, extrêmement fort au sein de la communauté universitaire qui a été relayée par les médias depuis déjà un certain temps. On a été submergé par les interrogations, par les inquiétudes des étudiants ces derniers jours, face à ce drame qui renvoie à leur propre précarité, à leur propre vulnérabilité. Moi, j'appelle de toutes mes forces à une prise de conscience nationale. On est régulièrement saisis de messages qui font état de l'angoisse quant à l'isolement. Il faut bien comprendre qu'il y a une remise en cause du lien social qui fondait l'université. On comprend bien le contexte sanitaire qui est absolument dramatique. Mais il faut absolument mettre en place des systèmes d'accompagnement pour aider nos étudiants à retrouver ce lien social qui est indispensable.
Que faut-il faire, à ce stade, pour aider tous ces étudiants ?
La vraie difficulté, c'est aussi la précarité numérique de l'étudiant. On fait cours devant des étudiants qui n'ont pas suffisamment de réseau wifi, par exemple, et qui sont obligés de suivre les cours sur leur téléphone portable.
"On fait cours devant des amphithéâtres virtuels de 300 étudiants sans visage. Il y a une déshumanisation totale de l'université aujourd'hui qui est liée à cette crise sanitaire."
Eric Carpanoà franceinfo
Nous sommes en train d'essayer d'organiser, dans une mesure extrêmement limitée, selon les recommandations du ministère, un retour progressif des étudiants par petits groupes. On a essayé d'identifier les publics les plus vulnérables pour pouvoir les accueillir à l'université. Mais ce n'est pas suffisant. Et on est suspendu aussi aux futures décisions qui vont être prises dans les jours ou dans les semaines qui viennent quant à, peut-être, un nouveau confinement. On a une marge de manœuvre qui est relativement limitée. En revanche, la priorité absolue, c'est de mettre en place des cellules d'accompagnement psychologique. Les universités françaises sont trop largement sous-dotées en la matière. On est très en-deçà de la moyenne internationale quant à l'accompagnement psychologique par nombre d'étudiants au sein de l'université. Il faut qu'il y ait une prise de conscience nationale quant à l'urgence en la matière.
Les partiels sont-ils adaptés à ce qu'ont vécu les étudiants ces derniers mois ?
On va être honnête, c'est extrêmement compliqué. Nous ne sommes pas préparés à gérer des cours en distanciel. Je vais être très franc, on est obligé de faire du bricolage. Évidemment que faire cours sur les différents supports qui existent ne permet pas de faire une véritable pédagogie numérique, parce que tout cela a été fait dans l'urgence. Mais ce sont les nécessités qui ont fait loi en la matière. Il aurait fallu depuis bien longtemps imaginer ce passage au tout numérique ou accompagner ce passage au numérique. Cela n'a pas été anticipé pour différentes raisons. Vous connaissez l'état des universités et le retard que l'on peut avoir sur le plan des équipements, ne serait-ce qu'informatique. Pour le présentiel, nous avons un certain nombre d'amphithéâtres qui sont suffisamment grands pour pouvoir espacer les étudiants. Très franchement, je crois qu'il vaut mieux avoir les étudiants en présentiel qu'en distanciel.
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