Info franceinfo Plus de 60 associations et 200 professionnels alertent le gouvernement sur les "dysfonctionnements en matière de protection des enfants victimes de violences"

Article rédigé par Violaine Jaussent
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Un rassemblement à Paris, place de la Nation, à l'appel d'associations, collectifs et personnalités contre les violences faites aux enfants et aux adolescents, le 16 novembre 2024. (PASCAL SONNET / HANS LUCAS / AFP)
Elles réclament au Premier ministre et au garde des Sceaux de saisir l'Inspection générale de la justice, afin qu'une enquête soit menée au sein de la juridiction d'Orléans au sujet de l'affaire Pauline Bourgoin, "emblématique" selon elles.

"Des dysfonctionnements de la Justice dans le traitement des dénonciations d'inceste." C'est au nom de l'affaire Pauline Bourgoin*, "emblématique", que plus de 60 associations de protection contre les violences, 200 professionnels de santé et de personnalités publiques telle que l'actrice Judith Chemla ou la journaliste Mélissa Theuriau, ainsi qu'une trentaine de parlementaires de tous bords politiques, ont adressé au Premier ministre et au garde des Sceaux une lettre, vendredi 15 novembre. Elle a été envoyée à la veille de la Journée de mobilisation contre les violences faites aux enfants et aux adolescents.

Dans ce courrier, consulté et obtenu par franceinfo, ils demandent à Michel Barnier et Didier Migaud "de saisir l'Inspection générale de la justice", "pour comprendre les défaillances qui ont lieu au sein de la juridiction d'Orléans" et "mettre fin aux dysfonctionnements" en matière "de protection des enfants victimes de violences sexuelles incestueuses". Car c'est un juge des enfants d'Orléans qui a pris la décision, en 2022, de placer Louise*, la fille de Pauline Bourgoin, alors âgée de 2 ans, à l'Aide sociale à l'enfance (ASE), "à la suite de révélations d'inceste contre son père", rappelle cette lettre.

"Faire avancer le débat"

Louise a pu ensuite retourner vivre chez sa mère, jusqu'au 4 juillet 2024. Ce jour-là, la juridiction aux affaires familiales d'Orléans "a décidé de transférer brutalement la garde de Louise à son père, père contre lequel elle continuait de dénoncer l'inceste, et qu'elle n'avait pas vu depuis plus d'un an", poursuit le texte. "En seulement deux semaines, l'état de santé de l'enfant s'est dégradé", souligne la lettre. Plusieurs signalements ont été faits. Pauline Bourgoin et son avocate, Pauline Rongier, ont saisi en urgence le juge des enfants, qui "a ordonné un placement de l’enfant au domicile maternel, avec suspension des droits du père".

"Pauline et Louise sont aujourd'hui épuisées et abîmées", regrette auprès de franceinfo l'avocate Pauline Rongier. Mais selon elle, "cette affaire" n'est pas "un cas isolé". "En demandant au Premier ministre ou au ministre de la Justice d'ordonner une inspection générale de la Justice dans la juridiction d'Orléans, ces associations et personnalités engagées veulent faire avancer le débat", expose l'avocate, signataire, qui se bat aux côtés de Pauline Bourgoin depuis plus de deux ans et a réussi pour la deuxième fois à obtenir une décision de justice lui permettant d'avoir la garde de sa fille.

"Ouvrir les yeux sur les lacunes de notre système"

"L'affaire Pauline Bourgoin met en lumière tous les dysfonctionnements de la protection de l'enfance, qui ne se limitent pas à Orléans. C'est pour cela que c'était important de signer", renchérit, de son côté, Pascal Cussigh, président de l'association Comprendre Défendre Protéger (CDP) - Enfance. "Des députés sont conscients de la situation, mais il faut contraindre tous les responsables politiques à ouvrir les yeux sur les lacunes de notre système", insiste-t-il auprès de franceinfo.

"L'arsenal juridique pour protéger l'enfant est entre les mains de plusieurs magistrats, qui se renvoient la balle pour prendre une décision. Et l'enfant en subit les conséquences", estime cet avocat, qui aimerait que les affaires soient centralisées autour d'un seul magistrat et se prononce en faveur de la création d'une "d'ordonnance de sûreté de l'enfant", prônée notamment par la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Civiise).

Une proposition balayée mercredi par la majorité sénatoriale et le gouvernement, qui l'ont jugée "moins efficace que le droit existant". Les sénateurs ont voté, à la place, pour un texte qui permet de faire de l'ordonnance de protection un dispositif général de protection des victimes de "viol incestueux, agression sexuelle incestueuse ou faits de violence vraisemblables".

*Les prénoms ont été changés

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