Que contient le projet de loi sur la "fin de vie" et "l'aide à mourir", que le gouvernement a transmis au Conseil d'Etat ?

L'exécutif a donné le coup d'envoi à un processus qui s'annonce long pour instaurer en France une "aide à mourir" strictement encadrée.
Article rédigé par Thibaud Le Meneec - avec AFP
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La main d'un patient dans un hôpital de Paris, le 29 mars 2023 (photo d'illustration). (SANDRINE MARTY / HANS LUCAS / AFP)

Le très attendu projet de loi sur la fin de vie a été transmis par le gouvernement au Conseil d'Etat, après des mois de tergiversations au sein de l'exécutif. Consulté par l'AFP, lundi 18 mars, ce texte ouvre notamment la possibilité d'une assistance au suicide, à de strictes conditions.

Il doit être débattu au Parlement à partir de la fin du mois de mai. "La tenue du débat sera aussi importante que l'issue du débat", prévient d'ailleurs auprès de franceinfo une députée Renaissance, selon qui "il faut qu'on ait le doute même en ayant voté". Voici les principales dispositions de ce projet de loi extrêmement sensible avant sa présentation en Conseil des ministres, en avril.

Une aide au suicide, à de strictes conditions

C'est la grande nouveauté de ce texte. Pour la première fois en France, certains patients pourront demander à un médecin d'être aidés à se suicider. Même si le texte n'évoque qu'une "aide à mourir", il s'agit bien d'assister la personne pour qu'elle se donne la mort, voire d'accomplir pour elle le geste fatal si elle en est incapable. "L'aide à mourir consiste en l'administration d'une substance létale, effectuée par la personne elle-même ou, lorsque celle-ci n'est pas en mesure physiquement d'y procéder, par un médecin, un infirmier ou une personne volontaire qu'elle désigne", résume le texte auquel l'AFP a eu accès.

Toutefois, cette assistance au suicide ne pourra être accordée qu'à de multiples conditions. Le patient devra être atteint d'une pathologie incurable qui menace ses jours "à court ou moyen terme". Cette formulation fait l'objet de critiques de spécialistes de la fin de vie, car elle est jugée trop floue. L'interprétation est renvoyée aux soignants, sans qu'il ne soit exclu que les parlementaires précisent les critères lors de l'examen du texte au Parlement.

Ensuite, le patient devra être parfaitement en mesure d'exprimer sa volonté. Cela exclut donc des malades d'Alzheimer ou d'autres démences, même s'ils ont fait part de leur choix avant que leurs capacités mentales se dégradent.

Les souffrances devront être "réfractaires et insupportables". Ici, le texte est moins restrictif qu'une version qui avait fuité ces derniers mois, car il inclut désormais des souffrances "psychologiques" et non seulement "physiques". Enfin, le patient devra être majeur et français, ou du moins habiter de longue date dans le pays.

Une procédure à étapes, avec la décision d'un seul médecin

Le patient qui souhaite mourir devra solliciter un médecin. Avant toute chose, celui-ci proposera forcément une prise en charge en soins palliatifs. Si la personne maintient son choix, le médecin sera obligé de solliciter l'avis de deux personnes : un spécialiste de la pathologie concernée, qui ne connaît pas le patient, et un soignant non médecin, qui aura lui de préférence accompagné le malade.

Le premier médecin, qui pourra demander d'autres avis, aura 15 jours pour rendre son avis. Et c'est à lui seul qu'il reviendra de décider, une procédure moins collégiale que ce qu'avait récemment annoncé Emmanuel Macron dans un entretien à Libération et La Croix.

Si l'avis du médecin est positif, le patient devra encore attendre deux jours pour confirmer son choix, puis aura trois mois pour accomplir son geste. Un point diffère des annonces préalables d'Emmanuel Macron : en cas de refus, seul le patient pourra contester la décision devant la justice administrative. Le chef de l'Etat en avait évoqué la possibilité pour d'autres membres de la famille.

Aucun soignant ne pourra être impliqué de force

Un médecin ou un infirmier devra inévitablement accompagner le patient pour accomplir son dernier geste. C'est ce soignant qui retirera en pharmacie la substance létale, puis la préparera le moment venu.

Toutefois, si le patient peut agir seul, le soignant ne sera pas obligé d'être dans la même pièce. Par ailleurs, aucun soignant ne pourra être impliqué de force. Mais en cas de refus, il devra donner le contact de confrères susceptibles d'accepter.

La création de "soins d'accompagnement"

L'aide à mourir constitue l'un des deux volets du texte. L'autre partie concerne le développement des soins palliatifs et le droit des patients. Sur les soins palliatifs, le texte crée le concept plus large de "soins d'accompagnements" qui ne se résument pas seulement à la gestion de la douleur. Il prévoit la création d'établissements dédiés, les "maisons d'accompagnements".

Il ne fait en revanche pas mention d'un vaste programme de développements des soins palliatifs, une "stratégie décennale" promise de longue date par le gouvernement et qui doit être annoncée séparément dans les prochaines semaines. "La stratégie décennale, c'est moins une question de lois qu'une question de moyens. On n'a pas besoin de loi", tranche une parlementaire de la majorité.

Enfin, sur les droits des patients, le texte précise le statut de la "personne de confiance" qui doit témoigner des choix de son proche si celui-ci n'est plus en mesure de le faire.

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