Ce que l'on sait des accusations de harcèlement et d'agressions sexuelles au sein de l'Unef
Plusieurs militantes accusent des membres du syndicat étudiant dans un article paru dans "Libération". Franceinfo revient sur ces témoignages.
Le syndicat Unef est une nouvelle fois éclaboussé par un scandale. En novembre, 83 anciennes militantes de l'Union nationale des étudiants de France avaient signé une tribune dans Le Monde pour dénoncer les violences sexistes et sexuelles au sein de cette organisation proche du Parti socialiste. Cette fois, des femmes témoignent dans Libération, mardi 20 février, de harcèlement et d'agressions sexuelles au sein du deuxième syndicat étudiant de France. Voici les principales révélations de cette enquête.
>> Une journaliste raconte son enquête sur les agressions sexuelles au sein de l'Unef
Seize militantes disent avoir été victimes de harcèlement et d'agressions sexuels
Dans Libération, seize femmes témoignent de harcèlement et d'agressions sexuels survenus au sein de l'Unef entre 2007 en 2015. Les militantes disent avoir été la cible de pressions insistantes de la part de membres et de responsables masculins de l'organisation. Le quotidien explique que, "au départ", plusieurs d'entre elles ont "accepté le jeu de la séduction et d’une relation sexuelle". Mais la question de leur consentement est par la suite plusieurs fois soulevée.
Ils jouaient sur la solidarité, la compassion et leur statut de dirigeant national : on était en plein abus de pouvoir ou de faiblesse.
Maria C.dans "Libération"
Cette ancienne responsable, membre de la direction du syndicat étudiant de 2006 à 2009, assure que "beaucoup de cas à l’Unef ne tombent pas sous le coup de la loi parce qu’elle est incomplète".
Ces témoignages visent plus particulièrement les dirigeants du syndicat
Plusieurs dirigeants du syndicat auraient, dans le courant des années 2000, pioché dans le répertoire de l'Unef pour y trouver le numéro et l'adresse de militantes. Selon Libération, ils les appelaient ensuite depuis le bas de leur immeuble, en pleine nuit, en "insistant pour se faire héberger". Lors de week-ends de formations en province, "on sentait la pression des présidents de section locale et des membres du bureau national pour récupérer les numéros ou les adresses des militantes", assure Elodie Le Moigne, ex-présidente de l'Unef à l'université Paris 13.
La situation se serait particulièrement dégradée sous l'égide de Jean-Baptiste Prévost, président de l'Unef entre 2007 et 2011. Le syndicat serait alors devenu un "terrain de chasse sexuelle" où se succédaient "une multitude de dérives". Le quotidien affirme que plusieurs témoignages relèvent a minima "de harcèlement sexuel" de la part du président. "Jean-Baptiste choisissait les filles, il avait un profil type de nana", affirme une ancienne membre du bureau national. Auraient été ciblées les femmes jeunes, isolées, nouvelles dans ce milieu.
Quand Prévost est devenu président de l’Unef, il a vrillé. Son attitude a débloqué des trucs dans la tête des autres mecs du bureau national. Ils se sont sentis autorisés à tout mélanger.
Une ancienne secrétaire généraleà "Libération"
Une militante accuse notamment un "membre de la direction du syndicat entré à l'Unef au milieu des années 2000", Grégoire T., de l'avoir violée lors de la Fête de l'Humanité, à La Courneuve (Seine-Saint-Denis), en septembre 2014. Deux ans plus tard, le même responsable s'invite chez elle, à Paris. La jeune femme "a trop bu". "Il commence à me déshabiller. J’essaye de le repousser, de lui dire que je ne veux pas, mais je n’ai plus de force. A ce moment-là, je me sens comme une poupée, sans vie, confie-t-elle. Il me viole. Il n’y a pas d’autres mots." La militante a porté plainte en janvier, précise Libération. Une ancienne petite amie de Grégoire T. affirme elle aussi avoir été violée en juillet 2014. Selon le quotidien, elle "s'apprête" à porter l'affaire en justice à son tour.
La direction de l'Unef est accusée d'avoir tardé à réagir
Au-delà des abus sexuels en eux-mêmes, les témoignages recueillis par Libération accusent la direction de l'Unef de ne pas y avoir mis un terme. Lorsque des militantes ont protesté contre l'attitude de Jean-Baptiste Prévost, elles se sont vu opposer une fin de non recevoir. "A chaque coup, on me répondait : 'T’as des preuves de ce que tu avances ? Tu ne peux pas dire ça, c’est le président'", affirme Elodie Le Moigne.
Les responsables de l'Unef auraient également tardé à sanctionner un étudiant rentré dans l'organisation au milieu des années 2000. Celui-ci aurait fait l'objet de plusieurs signalements pour des agressions sexuelles. Une militante raconte avoir dormir chez lui, en 2013, après avoir raté son train à la fin d'une soirée. Au petit matin, elle est réveillée par cet étudiant, qui a "ses mains sur [ses] seins et dans [sa] culotte". "J’ai essayé de le repousser, il insistait, raconte-t-elle. Je me suis laissée tomber du lit pour lui échapper et je suis partie sans rien dire."
Plusieurs militantes tentent d'obtenir l'exclusion de ce membre du syndicat, élève à la Sorbonne. Mais la commission de contrôle de l'Unef refuse. "On nous a répondu que ça ne pouvait pas porter sur des violences sexuelles, on nous a baladées", assure Lauranne Witt, une ancienne dirigeante du syndicat. Ce n'est qu'en 2014 que le comportement de ce militant est officiellement épinglé et que celui-ci est prié de se tenir à l'écart des évènements de l'Unef.
La culture du secret reste forte au sein de l'organisation
"Evidemment, il y a plus de victimes mais elles ne sont pas toutes prêtes à parler", commente Laure Bretton, coauteure de l'enquête, interrogée par franceinfo. Les militantes qui ont accepté de parler à Libération expliquent avoir longtemps gardé le silence de peur de perdre leur place au sein de l'Unef. "C’est une organisation qui fonctionne en vase clos, analyse la journaliste. Une des victimes me disait : 'En fait, on mange Unef, on dort Unef, on baise Unef'."
On nous apprenait à nous blinder, la force était valorisée et permettait de progresser dans le syndicat. Parler aurait été un aveu de faiblesse.
Une ex-responsable régionale de l'Unefà "Libération"
Arrivée à la présidence en 2016, Lilâ Le Bas assure avoir mis en place des outils pour enrayer ces violences et libérer la parole : des réunions non mixtes, des ateliers sur le consentement... "Blâmer l’organisation, c’est trop facile : il s’agit de comportements individuels", estime la patronne de l'Unef. Et de défendre : "Une pléiade de schémas sexistes ont été déconstruits par nos outils, ils permettent aujourd’hui aux femmes de parler sans avoir peur de nuire à l’image de l’organisation."
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.