L'abbé Pierre accusé d'agressions sexuelles : "Le scandale, c'est que durant 35 ans, il ait pu commettre ces méfaits en toute impunité", dénonce sœur Véronique Margron
"Le scandale, c'est que durant 35 ans, il ait pu commettre ces méfaits en toute impunité", a dénoncé ce jeudi sur franceinfo sœur Véronique Margron, présidente de la Conférence des religieux et religieuses de France (Corref), commanditaire avec l'épiscopat du rapport Sauvé et qui a recueilli le premier témoignage d'une femme accusant l'abbé Pierre d'agressions sexuelles. Le rapport Sauvé est issu du travail de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église rendu public en 2021. "C'est le scandale à l'intérieur du scandale. Le scandale, c'est que cet homme se révèle être avoir été un agresseur sexuel. Le scandale, c'est que durant 35 ans, il ait pu commettre ces méfaits en toute impunité", a-t-elle dénoncé. "Il y a forcément des gens qui, autour de lui, dans ses proches, ont vu qu'il se passait des choses au moins anormales, même s'ils ne savaient pas les qualifier", a-t-elle ajouté.
franceinfo : Vous avez alerté Emmaüs après avoir recueilli le témoignage d'une femme. N'avez-vous pas hésité ?
Véronique Margron : J'ai alerté Emmaüs à la demande de cette dame parce que c'était son souhait qu'Emmaüs soit au courant, et c'était son souhait, si ceci était possible par la reconnaissance d'Emmaüs, qu'une enquête indépendante puisse être menée. Il faut d'abord saluer avant tout le très, très grand courage de cette personne.
"Il lui a fallu vaincre une sorte d'Himalaya qu'est la figure de l'abbé Pierre, et aussi, de façon beaucoup plus insidieuse, le sentiment de honte et de culpabilité que portent les victimes à la place de leur agresseur."
Véronique Margron, présidente de la Conférence des religieux et religieuses de France (Corref)sur franceinfo
Pourquoi cette femme, qui était mineure à l'époque des faits, s'est-elle confiée à vous ?
Je ne sais pas. Je pense qu'elle est venue vers moi parce que c'est bien après la publication du rapport de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l'Église. À cette occasion, grâce au travail des journalistes, la publicité autour de ce rapport a été très forte. Du coup, elle m'a lue ou entendue et que peut-être, elle s'est dit que quelqu'un allait enfin la croire et prendre au sérieux sa parole.
Immédiatement, vous l'avez prise au sérieux ?
Bien sûr, je n'avais aucune raison, mais vraiment aucune, de douter, de minimiser ce qu'elle me disait. Le récit d'une victime est tellement singulier, tellement charnel, tellement dur. Chaque mot vient de si loin qu’on ne peut que la croire.
Quels mots a-t-elle utilisés ?
Je peux simplement vous dire que sa parole venait de ses entrailles, du plus profond d'elle-même pour décrire aussi précisément que possible ce qu'elle avait subi, les circonstances, les événements personnels qui étaient les siens dans ces moments-là, comme je l'entends de tant et tant de victimes. Alors même que, évidemment qu'on ne peut pas faire de contre-enquête, interroger l'abbé Pierre, il n'y a aucune raison de douter de cette parole.
Ce sont très souvent des faits qui se savaient depuis longtemps dans bon nombre d'affaires similaires. Tente-t-on encore de les cacher ?
C'est le scandale à l'intérieur du scandale. Le scandale, c'est que cet homme se révèle avoir été un agresseur sexuel. Et le scandale, c'est que durant 35 ans, il ait pu commettre ces méfaits en toute impunité. Le mouvement Emmaüs a fait un travail qu'il faut vraiment saluer de par l'indépendance de la Commission, de par la mise en place d'un appel à témoignages, de par le soutien des victimes. Mais si je regarde par la fenêtre à savoir dans l'Église, nous sommes dans cette situation où nous voyons et nous ne voulons pas voir, nous voyons et nous ne croyons pas ce que nous voyons. Et pour l'abbé Pierre, il y a forcément des gens qui, autour de lui, dans ses proches, ont vu qu'il se passait des choses au moins anormales, même s'ils ne savaient pas les qualifier.
Ça perdure malgré le rapport Sauvé, malgré ces révélations aujourd'hui ?
On peut craindre bien sûr que ça perdure, que ce soit moins fort, je l'espère de toutes mes forces et de toute mon âme, mais que ça perdure, qu'il y ait toujours cette sorte de voile. Ça peut être devant nos yeux, mais non, on n'y croit pas surtout quand il s'agit de gens célèbres.
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