"Ligue du LOL" : "La carrière des hommes se construit souvent au détriment de celle des femmes", dénonce un collectif de femmes journalistes
La porte-parole du collectif Prenons la une, Aude Lorriaux, a répondu aux questions de franceinfo après la publication d'un article de "Libération" sur la "Ligue du LOL", un groupe de journalistes accusés d'avoir moqué et insulté plusieurs femmes sur les réseaux sociaux.
Elles ont témoigné là pour dénoncer les campagnes de cyber-harcèlement dont elles ont été victimes. La parole s'est libérée après la publication d'un article de Libération révélant l'existence de la "Ligue du LOL", un groupe de journalistes accusés d'avoir moqué et insulté de nombreuses femmes sur les réseaux sociaux entre la fin des années 2000 et le début des années 2010.
Les témoignages décrivent des campagnes d'intimidation et de dénigrement, orchestrées depuis un groupe Facebook privé créé par le journaliste Vincent Glad. Des faits longtemps gardés sous silence, mais qui ont eu des conséquences sur les carrières de nombreuses victimes, selon Aude Lorriaux, porte-parole de l'association de femmes journalistes Prenons la une.
Fraceinfo : Comment avez-vous reçu ces révélations sur le harcèlement mené par cette "Ligue du LOL" ?
Aude Lorriaux : Nous sommes soulagées que ces histoires soient enfin sorties, car cela faisait des mois, voire des années, que nous en parlions entre nous. Ces femmes ont, pour la plupart, été victimes de la "Ligue du LOL" au début de leur carrière et, pendant très longtemps, la précarité de leur situation professionnelle faisait qu'il était impossible pour elles de témoigner. D'autant plus que certains des hommes qui les ont harcelées, ou qui ont encouragé ceux qui l'ont fait, occupent des postes importants dans les médias. C'est sans doute parce qu'elles ont aujourd'hui des situations un peu plus stables qu'elles peuvent enfin témoigner.
Certains des journalistes mis en cause ont présenté leurs excuses. D'autres se justifient en affirmant qu'ils ne ciblaient pas spécifiquement des femmes. Qu'en pensez-vous ?
Certains ont fait leur mea-culpa et semblent avoir pris conscience de ce qu'ils ont fait. C'est une bonne chose. Mais les justifications de certains des membres semblent un peu légères. La réalité, c'est qu'un grand nombre de femmes – et tout particulièrement des femmes féministes – s'en sont pris plein la figure, justement parce qu'elles étaient des femmes et parce qu'elles étaient féministes. On observe aussi une espèce de prime à la minorité : lorsque l'on était une femme non blanche, lesbienne ou grosse, on était d'autant plus victime de cette "Ligue du LOL".
Qu'est-ce que cette affaire dit du monde des médias en général ?
Cela montre une nouvelle fois que, souvent, la carrière des hommes se construit au détriment de celle des femmes. C'est ce que nous montre cette histoire : à force d'être attaquées, ces femmes, qui sont pour la plupart de très bonnes journalistes, ont perdu confiance en elles et ont fini par quitter les réseaux sociaux, qui sont pourtant un outil essentiel pour leur travail. Les conséquences des attaques de la "Ligue du LOL" ont été extrêmement préjudiciables dans la construction de leur carrière. A l'inverse, les membres de la "Ligue du LOL" se sont construit collectivement une image de "mecs cool", de personnes marrantes, brillantes. C'est grâce à cet esprit de corps masculin qu'ils ont atteint les postes de pouvoir qu'ils occupent aujourd'hui. C'est la logique même du sexisme qui sévit toujours dans le journalisme, comme il sévit en politique et dans d'autres secteurs.
Nous espérons que cela va engendrer des discussions au sein des rédactions. Que cela va permettre de mieux prendre en compte le cyber-harcèlement qui vise particulièrement les femmes. Une enquête a révélé que deux tiers des femmes journalistes ont été victimes de cyber-harcèlement au cours de leur carrière, et qu'elles sont encore plus exposées quand elles ont des positions féministes assumées. Avec Prenons la une, nous demandons que le cyber-harcèlement soit reconnu comme un accident du travail pour que les femmes puissent être mises à l'abri quand la violence se déchaîne.
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