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Qu'est-ce que le viol "par surprise", au cœur des accusations visant Gérald Darmanin ?

Le ministre de l'Action et des Comptes publics est accusé d'avoir violé Sophie Spatz en 2009. Pour l'avocate de la plaignante, ces faits peuvent être qualifiés de viol "par surprise". Comment comprendre cette notion ? Eléments de réponse avec l'avocate Delphine Driguez. 

Article rédigé par Valentine Pasquesoone - Propos recueillis par
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Le ministre de l'Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, le 5 décembre 2017 à l'Assemblée nationale, à Paris.  (ERIC FEFERBERG / AFP)

Le ministre de l'Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, a-t-il violé Sophie Spatz en 2009, alors qu'il était chargé de mission au sein de l'UMP ? Une enquête préliminaire est en cours, après une nouvelle plainte déposée contre lui par cette femme de 46 ans, ancienne sympathisante de l'UMP. Elle accuse le ministre de l'avoir contrainte à un rapport sexuel, en échange d'une aide pour la réouverture d'un dossier judiciaire la concernant. 

Interrogée par Le Monde, l'avocate de Sophie Spatz, Elodie Tuaillon-Hibon, a expliqué que sa cliente "aurait manifesté clairement et sans ambiguïté, même si c’était de manière courtoise et avec tact, qu’elle ne souhaitait pas se plier aux sollicitations sexuelles" de Gérald Darmanin. Elle juge que les faits pourraient être considérés comme un viol "par surprise". Comment définir cette notion ? Franceinfo a interrogé à ce sujet Delphine Driguez, avocate spécialiste en droit des victimes et membre de l'association Avocats Femmes et Violence. 

Franceinfo : Quelle est la définition d'un viol "par surprise" ? 

Delphine Driguez : L'élément de surprise fait partie de la définition même du viol. L'article 222-23 du Code pénal explique que "tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, commis sur la personne d'autrui par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol". L'élément de "surprise" est néanmoins le plus rare, et le plus difficile à caractériser. Il n'y a pas vraiment de définition stricte de la "surprise", il s'agit davantage d'une définition jurisprudentielle. 

Sur une cinquantaine d'affaires de viols que j'ai suivies, seules deux ont été des viols "par surprise". La première fois, il s'agissait d'une femme qui dormait sous une tente avec son compagnon. Ce dernier est sorti et un autre homme est entré dans la tente. Il a commencé à avoir un rapport sexuel avec elle et elle s'est laissé faire, pensant qu'il s'agissait de son ami. Elle s'est ensuite retournée, se rendant compte qu'il s'agissait en réalité d'un autre homme.

Le deuxième cas sur lequel j'ai travaillé s'est déroulé lors d'une soirée. Une femme avait commencé à embrasser un homme, puis à avoir un rapport sexuel avec lui. Elle s'est endormie, et quand elle s'est réveillée, un autre homme était dans son lit et la caressait. Il s'agit de viols "par surprise", car ces femmes ont été trompées sur la personne. C'est une absence de consentement : elles pensent avoir affaire à quelqu'un, et il se trouve que ce n'est pas la personne à laquelle elles pensaient. 

Comment un viol "par surprise" est-il considéré pénalement ? Est-il puni différemment d'un viol par violence, contrainte ou menace ? 

Le Code pénal prévoit la même punition pour tout type de viol. Que l'on parle de violence, de contrainte, de menace ou de surprise, il s'agit du même article de ce texte. Un viol "par surprise" n'est pas moins important. Et dans les textes, tout viol doit être puni de quinze ans de réclusion criminelle. Cependant, l'homme ayant violé ma cliente sous une tente a écopé de huit ans de prison ferme, ce qui n'est pas beaucoup. Il s'agissait de quelqu'un de jeune, qui n'avait pas d'antécédents. Pour l'autre cas de viol "par surprise", la personne a été condamnée à neuf ans de prison ferme. J'ai pu connaître des peines de seize ans de prison sur d'autres types de viols. 

Dans l'esprit des gens, un viol "par surprise" est moins violent qu'un viol sous menace ou sous contrainte. Il s'agit pourtant de la même chose.

Delphine Driguez

Mais pour un jury populaire, ce n'est pas la même chose. Si la personne dormait ou ne s'est pas débattue, c'est considéré comme moins impressionnant, moins violent, et cela mérite une sanction moins sévère. Alors que c'est tout aussi grave. En conséquence, le viol "par surprise" est rarement retenu. Il reste un élément difficile à faire accepter à une cour d'assises. 

Comment prouver une absence de consentement, notamment dans ces cas où il n'y a pas de contrainte physique, de menace ou de violence ? 

Il n'y a pas de consentement dès que la personne n'est pas d'accord pour avoir une relation sexuelle. Il n'y a cependant pas de définition stricte : une nouvelle fois, il s'agit vraiment de cas par cas. Et cela peut être très difficile à prouver. Cela dépend également du degré de vulnérabilité de la personne : si elle était dans une position de faiblesse face à une personne ayant de l'autorité. 

Parfois, en fonction du cas, ce qui est dénoncé comme un viol peut être requalifié en agression sexuelle, ou en abus de faiblesse. Dans le cas de la plainte pour viol visant Gérald Darmanin, il faudra justement déterminer cette absence de consentement. S'agit-il d'un viol, d'une autre infraction pénale, ou d'un dol [une manœuvre d'une personne dans le but de tromper son partenaire et provoquer chez lui une erreur], d'une tromperie ? La plaignante s'est-elle sentie obligée d'avoir ce rapport sexuel ? Tout cela est très compliqué à juger. 

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