: Reportage Violences sexuelles : à Paris, un dispositif unique de recueil de preuves sans dépôt de plainte
Le dispositif était déjà expérimenté depuis deux ans. L'Assistance Publique des Hôpitaux de Paris, l'AP-HP, vient de signer une convention avec le Parquet de Paris et la préfecture de police de Paris : les femmes victimes de viol peuvent bénéficier d’un recueil de preuves sans forcément porter plainte tout de suite.
À la Maison des Femmes de l'Hôtel-Dieu, Anna*, victime d'un viol, raconte : "J'ai eu besoin d'une bonne douche, et de deux jours pour encaisser le choc." "Une douche qui aurait probablement fait disparaître l'ADN de l'agresseur. Une journée ou deux qui auraient probablement suffi à faire disparaître une partie des lésions qui ont pu être mises en évidence et consignées dans le rapport des constatations médico-légales". Avec le dispositif de recueil de preuves, cette femme a pu se rendre quelques semaines plus tard au commissariat.
Jusqu'à cinq jours après une agression
La médecin-légiste Charlotte Gorgiard pratique les examens au sein de la Maison des Femmes de l'Hôtel-Dieu, mais il faut d'abord passer par un service d'urgences des hôpitaux parisiens : "Il y a des délais à respecter, les preuves qui s'éliminent de façon rapide. Pour des situations de pénétration vaginale, on va jusqu'à cinq jours après une agression, pour proposer l'examen. On garantit la bonne réalisation mais aussi la bonne conservation des prélèvements, qui seront exploitables dans une procédure judicaire si la victime souhaite déposer plainte".
Les preuves sont conservées pendant trois ans car "les victimes de violences sexuelles ont besoin de temps", insiste la psychiatre Sarah Dauchy, responsable médicale de la Maison des Femmes de l'Hôtel-Dieu : "Les premiers jours, il y a un certain nombre de mécanismes psychiques qui vont avec une réaction de stress aigu et qui vont entraver les femmes à déposer plainte".
"Les quelques jours après une agression sexuelle, ce sont les plus nécessaires pour pouvoir recueillir les preuves, car celles-ci ont une durée de vie limitée dans le temps, mais ce sont les quelques jours où il est le plus difficile pour les femmes de parler."
Sarah Dauchyà franceinfo
Entre 2023 et 2024, la Maison des Femmes de l'Hôtel-Dieu a pris en charge 38 victimes, 11 ont déjà porté plainte et d'autres pourrait suivre. C'est plus que la moyenne nationale. Pour Anna, "ce dispositif m'a avant tout, permis de rencontrer des professionnels dans un moment particulièrement compliqué qui ont su, avec leurs conseils et leur écoute bienveillante, faciliter mon dépôt de plainte."
Deux autres hôpitaux de l'AP-HP d'Ile-de-France, l'hôpital Jean Verdier et l'hôpital Raymond Poincaré devrait signer, eux aussi, une convention ces prochains mois.
* Le prénom a été modifié
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