Homosexuels condamnés en France : "L’Etat n’a jamais reconnu sa responsabilité", regrette le sénateur Hussein Bourgi

Hussein Bourgi est à l'origine d'une proposition de loi pour réhabiliter et indemniser des anciens condamnés pour homosexualité entre 1942 et 1982, qui arrive mercredi au Sénat. "Il y a environ 50.000 à 60.000 personnes qui ont été inquiétées en France", estime sur franceinfo Hussein Bourgi.
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Le sénateur PS de l’Hérault Hussein Bourgi, est à l’origine d’une proposition de loi pour réhabiliter et indemniser des anciens condamnés pour homosexualité entre 1942 et 1982. (SYLVAIN THOMAS / AFP)

"L’Etat n’a jamais reconnu sa responsabilité", dans la condamnation d'homosexuels en France, regrette mercredi 22 novembre sur franceinfo le sénateur socialiste de l’Hérault Hussein Bourgi. Celui qui est aussi membre du bureau national du PS et conseiller régional d’Occitanie est à l’origine d’une proposition de loi pour réhabiliter et indemniser des anciens condamnés pour homosexualité entre 1942 et 1982, qui arrive mercredi au Sénat.

franceinfo : Diriez-vous que la France accuse un retard important ?

Hussein Bourgi : La France accuse un retard important en la matière, par rapport à d’autres pays voisins comme l’Espagne, l’Allemagne, le Royaume-Uni, le Canada, et récemment l’Autriche, qui a voté une loi en ce sens il y a une quinzaine de jours. Les derniers témoins, les derniers acteurs, les dernières victimes, disparaissent au fur et à mesure, et il me semble que le moment est venu maintenant de voter cette loi, tout simplement pour reconnaître les erreurs et les errements du passé.

Jusqu’à aujourd’hui, l’Etat n’a jamais reconnu sa responsabilité dans cette discrimination envers les homosexuels ?

Non, l’Etat n’a jamais reconnu sa responsabilité. La seule chose qu’il s’est passée en 1982, après l’élection de François Mitterrand, c'est que Robert Badinter, Gisèle Halimi et Raymond Forni avaient dépénalisé l’homosexualité. Je le rappelle, l’homosexualité en France n’était plus pénalisée depuis la Révolution française. En 1791, dans le code napoléonien, il n’y avait aucune mention de l’homosexualité. Il a fallu attendre 1942, l’arrivée de Pétain au pouvoir, pour que l’homosexualité soit pénalisée, et ensuite, il y a eu une deuxième loi qui a été votée […] en 1960 qui considérait l’homosexualité comme un fléau social. Donc, en 1982, ce sont ces lois qui ont été abrogées, […] mais il n’y a jamais eu de reconnaissance de ces erreurs du passé à l’égard de ces hommes et de ces femmes.

On évoque un chiffre de 10.000 personnes concernées, selon les registres disponibles. A priori, il manque les années de Vichy, de 1942 à 1945, et puis après 1978, donc il est impossible d’avoir un décompte complet ?

Il y a environ 50.000 à 60.000 personnes qui ont été inquiétées en France. Cela va de l’arrestation, de la garde à vue qui peut durer deux à trois jours, jusqu’au procès et donc la condamnation à une peine d’amende, de prison avec sursis ou de prison ferme, qui était autour de trois à six mois en moyenne. La personnalité la plus illustre en France qui a été condamnée en l’application de ces lois, c’est Charles Trenet, le chanteur. Malheureusement, cette réalité reste une page méconnue de l’histoire de notre pays.

Étions-nous arrêtés pour rien, par exemple un baiser dans la rue entre deux hommes ?

Oui, ou une dénonciation, ce fut le cas à Nantes, par exemple. Nous avons des cas très documentés, où ce fut une dénonciation d’un voisin contre un couple d’hommes, qui ont été interpellés chez eux, conduits au poste de police et condamnés en raison de ces lois, qui étaient des lois liberticides à l’époque. On allait traquer l’intimité des personnes, on allait traquer ce qui relève de l’identité de chacun et chacune.

Si cette loi est approuvée par le Parlement, la France va allouer une allocation à chaque victime, 10.000 euros à peu près, à chaque victime qui demanderait réparation, sauf que beaucoup aujourd’hui sont morts ?

Beaucoup de victimes sont décédées, et celles qui sont encore en vie sont souvent très âgées. Certaines, qui ont 90 ans, 95 ans, me disent 'on est très fatigués, on est au crépuscule de notre vie, on n’est pas là pour demander des sous, ce qui nous importe davantage, c’est que notre pays reconnaisse les erreurs et les vies brisées'. Je vous parle de quelqu’un, par exemple, qui a été obligé de quitter sa ville, d’aller s’exiler, comme il le dit lui-même, pour s’installer dans une autre ville pour se reconstruire et qui n’est revenu dans sa ville que dix-sept ans plus tard pour les obsèques de son père. Le jour de son procès, il y avait un journaliste, qui le lendemain avait publié le compte-rendu de l’audience et qui l’avait illustré avec la photo de la vitrine du commerce de son père.

Votre proposition de loi fait-elle l’unanimité ou est-ce que vous faites face à des oppositions ?

Je pense que la proposition de loi sera adoptée sur la reconnaissance de la responsabilité de la France. Il y a un consensus général qui se dégage au Sénat. Ce qui fait débat principalement, c’est la question de la réparation.

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