Une enquête ouverte après des insultes et menaces homophobes à l'encontre d'une directrice d'école du Cantal
Une enseignante violemment attaquée parce que lesbienne. Une enquête a été ouverte pour "injure publique commise en raison de l’orientation sexuelle" et "menace de mort commise en raison de l’orientation sexuelle", a annoncé le parquet d'Aurillac, contacté par franceinfo mardi 23 juillet. Caroline, directrice d'une école primaire à Moussages, dans le Cantal, en est la cible répétée depuis décembre 2023. Parmi les insultes et menaces reçues : "Dégage la gouine", "va crever sale gouine", "gouine = pédophile"... Contactée, l'enseignante n'a pas donné suite aux sollicitations de franceinfo.
Les premières attaques lesbophobes à l'encontre de l'enseignante de la seule classe de l'établissement ont été découvertes sur un tableau, sous le préau de l'école, rapporte Thierry Pajot, secrétaire général du syndicat des directrices et directeurs d'école, s'appuyant sur le récit de la victime. Après un second épisode similaire, la violence s'est intensifiée en mars, quand un courrier anonyme est arrivé dans la boîte aux lettres de l'école et sur lequel on pouvait lire : "Va crever sale gouine".
Le maire dit "avoir fait le nécessaire"
Face à un tel déferlement de haine, plusieurs plaintes ont été déposées et le recteur de l'académie de Clermont-Ferrand, Karim Benmiloud, a adressé un signalement au procureur de la République. Une protection fonctionnelle, un dispositif destiné à protéger les agents publics, a été mise en place autour de Caroline. Pourtant en juin, un tag "dégage la gouine" est inscrit sur un mur à l'arrière de l'école. Les investigations, toujours en cours et confiées à la gendarmerie, devront permettre d'identifier "le ou les auteurs des faits", poursuit le parquet.
Ces actes homophobes ne sont pas des faits uniques dans le village. Contacté par franceinfo, le maire de Moussages, Christian Vert, relate la découverte de tags sur quatre véhicules au mois de mai ; deux de la mairie et deux véhicules privés, dont l'un étant "identique" à celui de l'édile, rapporte-t-il. Contrairement "aux accusations que l'on voit sur les réseaux sociaux qui ne font pas plaisir", Christian Vert affirme "avoir fait le nécessaire" pour porter assistance à Caroline durant ces semaines d'angoisse. "On l'a soutenue", martèle-t-il, sans commenter l'affaire davantage.
"Une double sanction"
Il faut dire que la situation est tendue dans ce petit village de près de 300 âmes. Il y a quelques jours, Caroline, qui était en poste depuis 2021 à Moussages, a appris sa mutation à la rentrée de septembre. "Une double sanction" pour cette dernière, qui en plus de subir l'homophobie, "se voit déplacée" avec une affectation "trois fois plus loin" que son précédent trajet domicile-travail, assure Thierry Pajot, du syndicat des directrices et directeurs d'école, qui a largement participé à la médiatisation de l'affaire.
"C'était une mesure de protection, pas du tout une punition", se défend le rectorat de Clermont-Ferrand, mardi auprès de franceinfo. L'institution assure que la mutation temporaire avait été décidée "d'un commun accord" entre le médecin du travail et Caroline, "pour sa santé" et "tant que la menace perdure".
Caroline aura le dernier mot, affirme le rectorat
"Cette situation semblait avoir été acceptée, mais a finalement été dénoncée dans un courrier de Caroline adressé le 18 juillet", poursuit le rectorat qui dit "en prendre acte". "Un rendez-vous va lui être proposé pour lui faire savoir qu'on va la laisser décider [de son affectation à la rentrée]", annonce le rectorat, dans une soudaine marche arrière.
De retour à son poste en septembre, ou affectée dans un autre établissement, Caroline, un temps isolée, pourra compter sur le soutien de la communauté éducative. Dans un long texte publié sur Facebook dimanche, une collègue d'un autre établissement, Alice Versal (nom d'auteur), a dénoncé le sort qui lui a été réservé par l'Education nationale.
"Parce qu’à la montagne, dans les bureaux, on n’aime pas les vagues, Caro va devoir naviguer loin de son école."
Extrait du texte de soutien d'Alice Versalsur Facebook
Un message qui cumulait plus de 600 partages mercredi matin. "Ça faisait des semaines qu'elle se battait seule. Avec ce texte, elle a maintenant l'impression qu'il y a une armée derrière elle", se réjouit son autrice.
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