Projet de loi immigration : la suppression de l'AME va pousser les gens "à recourir aux urgences" au lieu d'aller chez le médecin, estime l'économiste Paul Dourgnon
Les gens vont "recourir aux urgences alors qu'ils avaient la possibilité de passer par le cabinet du médecin", a déclaré mercredi 8 novembre sur franceinfo Paul Dourgnon, économiste, directeur de recherche à l’Institut de recherche et de documentation en économie de la santé (IRDES), alors que la suppression de l'aide médicale d'Etat (AME) a été adoptée par le Sénat , et son remplacement par une "aide médicale d'urgence" à l'occasion de l'examen du projet de loi immigration. En France, l'AME bénéficie aux personnes en situation irrégulière et aux personnes ayant les plus faibles revenus.
franceinfo : L'aide médicale d'Etat représente-t-elle des dépenses importantes pour l'Etat ?
Paul Dourgnon : Cela représente aujourd'hui 1,2 milliard d'euros. Dans l'absolu ce n'est pas énorme puisque c'est 0,5% du total des dépenses que l'État alloue à la santé sur une année, mais cela augmente de façon régulière d'environ 5% par an. Cette augmentation est directement proportionnelle au nombre de personnes qui sont couvertes, c'est-à-dire 400 000 aujourd'hui. Ce n'est pas dérisoire mais cela ne représente pas un risque pour le trou de la Sécurité sociale à ce stade.
L'AME existe depuis l'an 2000. Est-ce qu'elle a changé quelque chose en termes de santé publique ?
C'est l'année où a vu le jour la couverture maladie universelle, la CMU. C'était la grande année de l'universalisation de la Sécurité sociale. Est-ce que l'AME a changé quelque chose ? On pense que oui. Ce que l'on observe c'est qu'une personne éligible sur deux y accède.
"L'AME donne accès à davantage de soins, à une amélioration du recours aux soins chez le médecin. Cela veut dire moins de soins d'urgence et plus de recours aux cabinets médicaux."
Paul Dourgnon, directeur de recherche à l’IRDESà franceinfo
La communauté médicale alerte sur sa suppression et les coûts que cela va engendrer. Qu'en pensez-vous ?
Cela va désorganiser un peu plus les soins hospitaliers puisqu'une partie des personnes sans titre de séjour vont de nouveau recourir aux urgences alors qu'elles avaient la possibilité de passer par le cabinet du médecin. C'est plus cher pour la collectivité. Ces personnes se soigneront moins et cela représentera un risque de santé pour elle et pour le reste des Français.
Est-ce que cela peut avoir un impact sur l'économie ?
On peut le voir comme ça. Si ces personnes ont recours aux services de soin, en raison de leurs conditions de travail en France ou de leurs conditions de vie. Deux sur trois sont en précarité alimentaire. Peut-être faudrait-il davantage s'attaquer aux motifs qui poussent les gens à recourir aux soins et peut-être à la couverture elle-même.
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