Allongement du délai légal pour l'IVG : la députée Albane Gaillot veut faire de la France "un des pays les plus progressistes", car elle "n'est pas en avance"
La députée EDS demande aussi la suppression de la double clause de conscience que peuvent invoquer les médecins pour refuser de pratiquer un avortement. "Je pense qu'aujourd'hui, on ne fait pas la loi ni la science à l'aune de la morale, mais bien au sens de l'intérêt général."
Albane Gaillot, députée EDS (Écologie démocratie solidarité) du Val-de-Marne, invitée jeudi 8 octobre sur franceinfo, veut faire de la France "un des pays les plus progressistes" en augmentant le délai légal pour avoir recours à l'IVG. 45 ans après la loi portée par Simone Veil, qui a légalisé l'avortement en France, les députés pourraient décider de son allongement. Porté par la députée, cette proposition de loi prévoit un prolongement de deux semaines pour passer à 14 semaines contre 12 aujourd'hui. "La France n'est pas en avance sur le sujet", estime-t-elle.
franceinfo : Pourquoi vouloir augmenter ce délai aujourd'hui ?
Albane Gaillot : C'est surtout une question qui fait part de remontées nombreuses, que ce soit des militants, des associations, des personnes qui accompagnent les femmes depuis de nombreuses années. Des femmes rencontrent des difficultés dans leur parcours d'accès à l'IVG. Cela s'est exacerbé avec la crise sanitaire. On voit bien qu'avec le confinement les mesures d'éloignement sont compliquées. Partir de chez soi quand on a 17 ans, c'est plutôt compliqué. ll y a aussi de grandes disparités territoriales. Que vous habitiez dans la Nièvre ou à Villejuif, dans ma circonscription, vous n'avez pas tout à fait la même possibilité, la capacité d'accéder à un médecin praticien pratiquant l'IVG.
Aujourd'hui, c'est 12 semaines. C'est 13 en Italie, 14 en Allemagne, 22 aux Pays-Bas. Vous diriez que la France est en retard ?
La France n'est pas en avance en tout cas sur le sujet. Je pense que cette proposition de loi arrive à point nommé pour effectivement faire de la France un des pays les plus progressistes en la matière. 14 semaines, ce n'est pas énorme, effectivement, mais ça permet de pallier des difficultés.
On sait qu'aujourd'hui, environ entre 3 000 et 5 000 femmes partent à l'étranger pour avorter.
Albane Gaillot, députée EDS du Val-de-Marneà franceinfo
Comment peut-on laisser cette situation qui crée des inégalités ? Qui peut partir ? Ce sont les femmes qui ont le plus de moyens. Les femmes qui peuvent s'organiser. Quand vous n'avez pas les moyens, que faites-vous ? Vous menez une grossesse à son terme, une grossesse non désirée avec les effets psychologiques et psychiques sur la femme, sur l'enfant à devenir sur la parentalité qui sont malheureusement importants.
Le gouvernement vous reproche de vouloir aller trop vite. Il a d'ailleurs saisi le comité d'éthique qui doit se prononcer dans les jours qui viennent. Le Collège national des gynécologues et obstétriciens s'oppose aussi à cet allongement. Certains disent que cela pourrait dissuader des médecins de pratiquer l'IVG. Est-ce qu'au final, votre loi pourrait être contreproductive ?
Peut-être qu'effectivement des médecins ne voudront pas pratiquer cette IVG, mais ils auront la clause de conscience qui est liée à leur activité de professionnel de santé. Après cette proposition de loi, ce qui a été justement enrichi en commission des affaires sociales, c'est la possibilité pour les sages-femmes de pratiquer l'IVG instrumentale. C'est aussi plus de praticiens sur le territoire national.
Vous évoquez la clause de conscience, mais vous demandez pourtant sa suppression. Ce n'est pas contradictoire ?
Effectivement, les médecins ont une clause de conscience, qu'ils pratiquent l'IVG ou non. En 1974 et 1975 lors du débat sur l'IVG, c'est une concession d'avoir une clause de conscience spécifique. On demande sa suppression, puisque c'est un symbole et un totem, auxquels on est attachés. Je pense qu'aujourd'hui, on ne fait pas la loi ni la science à l'aune de la morale, mais bien au sens de l'intérêt général.
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