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A la croisée des chemins entre collectionneurs d'armes et grand banditisme

Cinquante personnes ont été interpellées et sept mises en examen à l'issue d'un vaste coup de filet de la gendarmerie mardi dernier dans le milieu des trafiquants d'armes. Parmi les mis en cause figurent des collectionneurs d'armes. La porosité entre ce milieu et le grand banditisme est connue. A l'image du cas d'Emmanuel Toschi, dont le procès va bientôt s'ouvrir.
Article rédigé par Benjamin Illy
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
  (Démantellement d'un trafic d'armes autour de Nantes en 2008. © PRESSE-OCEAN/NATHALIE BOURREAU)

L'affaire a fait grand bruit : En septembre 2012, les gros titres de la presse désignaient Emmanuel Toschi comme  "l'armurier du milieu". Ce quinquagénaire, ancien instituteur, grand collectionneur était fasciné par les armes depuis l'enfance, il  était passé maître dans l'art de remilitariser des armes normalement rendues inopérantes.

 Il est en détention provisoire depuis deux ans. Il sera jugée devant le tribunal correctionnel de Paris à la fin du mois. Il risque 15 ans de prison, notamment pour avoir revendu des dizaines, peut-être des centaines d'armes à des hommes peu recommandables, certains connus des services de polices.

"C'est un homme qui a été dévoré par sa passion " (Cynthia Toschi, femme d'Emmanuel Toschi)

A l'époque, quand l'affaire éclate, ses proches n'en reviennent pas. La femme d'Emmanuel Toschi, Cynthia Toschi s'était confié à Stéphane Pair pour France Info. C'était en octobre 2012 : "Il a beaucoup de livres sur les armes. Il a des uniformes. Tout ce qui est lié à la guerre, c'était vraiment sa passion. Depuis tout petit. Quand il avait 10 ans, il avait déjà un détecteur de métaux. Quand ça a vraiment dérapé, ça je ne peux pas le dire. Le mot banditisme et délinquance, ce n'est pas du tout lui. C'est un homme qui a été dévoré par sa passion ".

Un individu sulfureux

Un engrenage, que nous décrit l'avocat d'Emmanuel Toschi, maitre Jacques Semionoff : "Il a basculé parce qu'approché par un individu particulièrement sulfureux mais qui lui a demandé s'il pouvait remilitariser un certain nombre de matériels et notamment des mitraillettes AK-47, des Kalachnikov et autres choses. Cet individu est mis en cause dans ce dossier, c'est Jean-Marie Secrétant. Qui est lui aussi bien connu dans le milieu des bourses aux armes. Quelqu'un qu'on gagnerait à ne pas fréquenter ".

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  Emmanuel Toschi, "simple passionnée, pris dans une spirale ", selon son avocat. Mais son histoire démontre que remilitariser des armes de guerre n'a rien d'insurmontable pour ceux qui ont le savoir-faire, et qui profitent de l'absence d'harmonisation européenne en matière de neutralisation. Patrice Bouveret, directeur de l'Observatoire des Armements, basé à Lyon : "En France, il y a des normes assez sévères. Une arme réellement démilitarisée sera difficilement remilitarisable et difficilement utilisable. Mais dans d'autres pays, Belgique ou Italie, les normes ne sont pas aussi strictes et donc il y a des armes qui sont vendues comme démilitarisées mais en fait, elles ne sont pas rendues réellement inutilisables de manière irréversibles. Il y a aussi des forums sur les armes et les échanges d'armes et par ce biais, on peut trouver des personnes qui sont prêtes à vendre telle pièce qui manque par rapport à un matériel ".

Discrets forums sur le web

Des forums où règnent l'anonymat, où peuvent se croiser des collectionneurs, des malfaiteurs, où des réseaux peuvent se tisser, où se crée parfois une porosité entre les deux milieux. Le chef d'escadron, Olivier Rigal, de l'Institut de Recherche Criminelle de la Gendarmerie Nationale : "Ce que l'on a principalement en terme de porosité, c'est la recherche de sources communes. Lorsque vous cherchez des armes illicites, vous n'avez pas trop le choix, il faut aller dans le marché illégal et c'est là où les collectionneurs et le grand banditisme peuvent se rencontrer. Alors effectivement, certaines personnes ont un pied des deux côtés : qui vont vendre à des collectionneurs et au banditisme. Et il y a des collectionneurs déviants, qui pour assouvir leur passion ont besoin de finances et qui vont basculer du mauvais côté. La porosité, elle est vraiment sur quelques points et quelques individus. On ne peut pas dire que les collectionneurs revendent de façon régulière des armes au grand banditisme ".

 Pas d'amalgame c'est le message. Tous les collectionneurs ne sont pas en cheville avec le grand banditisme mais les affaires de trafic d'armes via internet se multiplient. Depuis septembre 2013, la gendarmerie nationale a démantelé quatre réseaux de ce type et saisi plus de 800 armes.

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