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Affaire Omar Raddad : comment l'enquête a-t-elle été relancée ?

Vingt-sept ans après la condamnation du jardinier pour le meurtre de Ghislaine Marchal, la justice a décidé de rouvrir le dossier jeudi. Une première étape vers une éventuelle révision du procès. 

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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L'ancien jardinier marocain Omar Raddad, condamné en 1994 pour le meurtre de Ghislaine Marchal, son employeuse, le 25 novembre 2021 à Paris.  (ALAIN JOCARD / AFP)

Omar Raddad bénéficiera-t-il d'un nouveau procès ? Après la requête en révision de l'ancien jardinier marocain, condamné en 1994 pour le meurtre trois ans plus tôt de son employeuse, Ghislaine Marchal, la justice a ordonné de nouveaux actes d'enquête dans le cadre d'un complément d'information, a appris franceinfo auprès de Sylvie Noachovitch, l'avocate d'Omar Raddad, jeudi 16 décembre. 

Cette décision judiciaire marque une première étape vers une possible révision du procès. Omar Raddad, incriminé par l'inscription "Omar m'a tuer" sur les lieux du meurtre, clame son innocence depuis trois décennies. Condamné en 1994 à dix-huit ans de réclusion sans possibilité de faire appel, l'ancien employé de Ghislaine Marchal avait bénéficié d'une grâce partielle de Jacques Chirac, puis d'une libération conditionnelle en 1998. Une demande de révision de son procès avait toutefois été rejetée en 2002. 

"Omar Raddad est très heureux, il reprend confiance en la justice. C'est un vrai espoir."

Sylvie Noachovitch, avocate d'Omar Raddad

à franceinfo

"Nous sommes sereins dans la mesure où nous apportons des éléments probants mettant en doute la culpabilité d'Omar Raddad", a assuré l'avocate de l'ancien jardinier jeudi. Quels sont les éléments ayant permis de relancer cette enquête, vingt-sept ans après la condamnation du mis en cause ?

Des traces d'ADN "exploitables"

Sylvie Noachovitch explique avoir présenté à la justice les conclusions d'un rapport d'expertise, qui a de nouveau analysé une découverte datant de 2015. Plusieurs prélèvements sur des scellés ont fait émerger des traces d'ADN "exploitables", ne correspondant pas au profil génétique d'Omar Raddad. Quatre empreintes génétiques correspondant à quatre hommes différents ont été retrouvées sur deux portes et un chevron de la scène du crime. Deux d'entre elles étaient parfaitement exploitables, les deux autres partiellement. 

"La justice avait besoin d'un fait nouveau pour la révision et ce fait nouveau est la découverte de ces traces d'ADN sur la porte de la cave."

Jean-Marie Rouart, écrivain et l'un des premiers soutiens d'Omar Raddad

sur franceinfo

Les célèbres inscriptions "Omar m'a tuer" ainsi que "Omar m'a t", écrites avec le sang de la victime, s'étalaient sur ces mêmes portes. Ces traces d'ADN découvertes en 2015 avaient ensuite été comparées aux profils de l'entourage de personnes ayant travaillé pour Ghislane Marchal, parmi lesquelles Omar Raddad. Sans succès, tout comme la comparaison avec une empreinte génétique enregistrée au fichier national. 

Dans des notes de 2019 et 2020, l'expert en génétique avait relevé la présence de 35 traces d'un ADN masculin inconnu sur l'inscription "Omar m'a t". Il a conclu en faveur de l'hypothèse d'un dépôt de ces empreintes au moment des faits, et non d'une "pollution" ultérieure, potentiellement par les enquêteurs. La commission d'instruction de la Cour de révision a demandé des investigations complémentaires sur ce point. Pour la défense, il est possible que ces traces aient été laissées par l'auteur de l'inscription, potentiellement le meurtrier, qui aurait cherché à désigner un bouc émissaire. 

La première requête en révision avançait déjà des expertises génétiques ayant repéré un ADN masculin différent de celui du jardinier, mais en "très faible proportion". La justice avait rejeté cette demande, estimant qu'il était "impossible de déterminer à quel moment, antérieur, concomitant ou postérieur au meurtre, ces traces ont été laissées".

Une révision facilitée par une loi de 2014

Cette nouvelle requête s'est inscrite dans un contexte différent, celui d'un assouplissement des critères pour obtenir la révision d'un procès. Comme l'explique le site vie-publique.fr, la loi du 20 juin 2014 prévoit "la possibilité de réviser une condamnation pénale définitive, lorsqu'un fait nouveau ou un élément inconnu de la juridiction au jour du procès est de nature 'à faire naître le moindre doute sur sa culpabilité'". La simple notion de doute, et non plus de doute sérieux sur la culpabilité, avait déjà été permise par une loi de 1989, mais cette disposition était jusqu'en 2014 peu prise en compte par les magistrats, selon Libération. La nouvelle loi est venue la rappeler. 

Le texte a également enclenché la création d'une Cour de révision et de réexamen, venue fusionner la Commission de révision des condamnations pénales, la Cour de révision et la Commission de réexamen, selon vie-publique.fr. Une manière de permettre d'éviter des décisions contradictoires entre les différentes instances, soulignait en 2014 Libération. Elle permet aussi, depuis sept ans, de conserver les scellés pendant cinq ans et non plus pendant six mois, précise le journal. 

Les traces d'ADN découvertes et cette législation facilitant les requêtes permettront-elles une révision du procès et de la condamnation d'Omar Raddad ? Cette voie de recours aboutit rarement en France : en 75 ans, seuls une dizaine d'accusés ont pu obtenir une révision et un acquittement de leur vivant. 

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