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Aide militaire française détournée en Egypte : une journaliste travaillant pour Disclose et "Complément d'enquête" a été remise en liberté après une garde à vue

Ariane Lavrilleux a révélé dans une enquête qu'une mission de renseignement française, au profit de l'Egypte au nom de la lutte antiterroriste, avait été détournée par l'Etat égyptien pour effectuer des frappes aériennes.
Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Une photo publiée par la présidence égyptienne, le 30 mai 2023, montre le président égyptien Abdel Fattah al-Sisi (à gauche) et le lieutenant-général Ashraf Salem Zaher, au Caire. (PRESIDENCE EGYPTIENNE / AFP)

La journaliste Ariane Lavrilleux, co-autrice d'un article qui a révélé fin 2021 un possible détournement égyptien d'une opération de renseignement française dans le pays, a été visée par une perquisition et placée en garde à vue mardi 19 septembre, a annoncé le média Disclose qui a publié son article à l'époque. La journaliste a annoncé sa remise en liberté mercredi soir. "Je suis libre, merci beaucoup pour votre soutien" a écrit sur X (ex-Twitter) et en trois langues la journaliste mercredi soir, un message accompagné d'une photo le poing levé devant un drapeau égyptien.

Son avocate, Virginie Marquet, a confirmé sa libération vers 21 heures. "Ca va, elle est très combative", s'est félicitée Magali Serre, présidente de Disclose, média qui avait publié son article fin 2021. Un ancien militaire, également retenu depuis mardi, va lui être présenté à un magistrat en vue de possibles poursuites. 

Selon Disclose, la journaliste est poursuivie pour des faits de "compromission du secret de la défense nationale" et de "révélation d’information pouvant conduire à identifier un agent protégé". La perquisition a pris fin à 16h30 et la garde à vue d'Ariane Lavrilleux se poursuivait dans la nuit de mardi à mercredi à l'hôtel de police de Marseille, selon un nouveau message de Disclose. Contacté par franceinfo, le parquet de Paris n'a pas encore été en mesure de confirmer l'information. Le porte-parole du gouvernement Olivier Véran a également refusé de répondre à une question concernant cette affaire. "La nature de votre question n'est pas adaptée au contexte" du compte-rendu du Conseil des ministres, a estimé le porte-parole.

"Atteinte au secret des sources de journalistes"

"Je suis effarée et inquiète de l'escalade dans les atteintes à la liberté d'informer et des mesures coercitives prises", avait réagi Virginie Marquet, avocate d'Ariane Lavrilleux et du média d'investigation, avant la levée de la garde à vue. "Cette perquisition risque de porter gravement atteinte au secret des sources de journalistes, dont je peux légitimement craindre qu'il a été totalement bafoué depuis ce matin. Disclose protègera sa journaliste qui n'a fait que révéler des informations d'intérêt public", a-t-elle ajouté.

De nombreux médias et journalistes, notamment plusieurs Sociétés de journalistes (SDJ) et Reporters sans frontières (RSF), ont manifesté leur indignation, évoquant une "entrave inacceptable à la liberté d'informer" et un "déni de démocratie". L'émission "Complément d'enquête" a également apporté son soutien à la journaliste et a mis à disposition du public l'enquête qui révélait comment la France aurait fourni à l'Égypte des informations utilisées pour commettre des crimes. "C’est une atteinte au secret des sources et à la liberté d’informer", estime l'émission. 

Disclose avait affirmé dans un article publié en novembre 2021 que la mission de renseignement française "Sirli", débutée en février 2016 au profit de l'Egypte au nom de la lutte antiterroriste, avait été détournée par l'Etat égyptien qui se servait des informations collectées pour effectuer des frappes aériennes sur des véhicules de contrebandiers présumés, à la frontière égypto-libyenne. Selon les documents obtenus par Disclose, "les forces françaises auraient été impliquées dans au moins 19 bombardements contre des civils, entre 2016 et 2018" dans cette zone.

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